«Tu vas jouer un match de 90 minutes, tu finis, tu as 2000 ou 3000 francs»… Ces propos tenus sur un plateau de télé par l’emblématique gardienne des Eléphantes, Cynthia Djohoré, ont remis au goût du jour, le sempiternel problème du football féminin en Côte d’Ivoire.
Pour tenter de comprendre les contours du cri du cœur de la joueuse, nous avons rencontré la présidente de la section football féminin à la Fédération Ivoirienne de Football (FIF), Christine Ezoua. Selon la responsable de la FIF, «Les propos de cette joueuse décrivent une situation qui est antérieure» àleur arrivée à la tête de la FIF.«Certes, poursuit Mme Ezoua, il reste beaucoup à faire mais la fédération fournit des efforts. Avant l’arrivée de l’équipe de M. Idriss Diallo, le budget annuel alloué à chaque club de football féminin en ligue 1, était de 2.5 millions. Aujourd’hui, il est passé à 10 millions. Ce championnat qui comptait dix clubs est passé à douze. Nous avons relancé le championnat de la 2e division avec 36 clubs». Aussi la présidente de la section football féminin a-t-elle promis qu’on ne verrait plus les matchs du championnat ivoirien de football féminin se dérouler à 10 heures. Puisque les stades qui ont servi à la CAN 2023 seront mis à disposition.
Au niveau de la sélection nationale, après avoir réhaussé les primes de victoire à 500.000 FCFA, les sélections de jeunes sont en train d’être mises en place. S’agissant des conditions de traitement salarial des joueuses, Mme Ezoua a tenu à clarifier les choses : «Les présidents de clubs doivent rechercher des ressources additionnelles avec des partenaires pour ne pas se contenter du budget alloué aux clubs.’’.
104 millions pour le foot féminin
Il y a quelques semaines, la FIF a fait plusieurs annonces qui devraient apporter un peu de sourire au microcosme footballistique. Chez les hommes, les clubs de division 3 recevront 200 millions FCFA, 107 millions pour les clubs de la division régionale, 250 millions pour les clubs de district et 104 millions FCFA pour le football féminin. Si cette section du football s’en sort avec la plus petite part du gâteau, ce sont les 12 clubs de la ligue 1 et les 36 clubs de la ligue 2 du football féminin qui se la partageront. Et ce, à raison de 2 millions de francs CFA par club. Pour un président de club qui a requis l’anonymat, cette subvention exceptionnelle est une goutte d’eau dans la mer : « Nos difficultés sont énormes. Nous recevons une subvention de 10 millions par saison. Si vous prenez les 4 millions affectés aux primes des joueuses par saison, selon le cahier de charges et que vous faites la proportionnalité avec 20 joueuses, vous verrez que le salaire d’une joueuse reviendra à 20.000 francs CFA par mois », fait-il savoir.
Rappelons que la subvention des clubs de ligue 1 chez les hommes est de 100 millions par saison. Ceux de la ligue 2 reçoivent la moitié. C’est pour cela que ce président de club est convaincu que la subvention de 10 millions représentant 10% de celle octroyée aux clubs de Ligue 1 chez les footballeurs, ne sortira guère le football féminin de sa précarité. Et ce n’est pas la subvention exceptionnelle de 104 millions pour tout le football féminin qui créera un électrochoc.
Sur la question des sponsors à rechercher, ce président de club réplique : « Que fait la Fédération pour donner de la visibilité au football féminin ? Un sponsor, il a besoin de visibilité avant de s’engager».
Des salaires à double vitesse !
Depuis la sortie de Cynthia Djohoré, les joueuses se sont presque toutes murées dans le silence comme s’il régnait une sorte d’omerta. « Je ne veux pas avoir de problème. La situation du football féminin, vous la connaissez. Je ne veux pas en dire plus », nous a déclaré une joueuse. Quand, à une autre, nous demandons le salaire, elle répond : « Si je vous dis mon salaire, je peux facilement me faire repérer…Laissez tomber monsieur ! ». Nous avons cependant découvert qu’il existe deux catégories de grilles salariales dans le football féminin. Une qui varie entre 75.000 et 150.000 FCFA pour quelques clubs qui sortent du lot, comme l’Asec, l’Atletico d’Abidjan, le Stella et l’Inter d’Abidjan. Et une autre, oscillant entre 30.000 et 60.000 FCFA pour le reste. Ces rémunérations restent dérisoires, si on les compare avec ce qui est pratiqué chez les hommes. Ici, en ligue 1, les salaires varient entre 100.000 et 350.000 FCFA voir 500.000 FCFA.
Pour M. Lakoun Ouattara, président de l’une des rares organisations qui promeuvent le football féminin, il y a de l’espoir. Mais il faut encore des efforts. Il propose : « L’augmentation de la subvention annuelle des clubs à 25 millions, la création de centres de formation au sein des clubs, la formation des présidents de clubs au management, des entraîneurs qualifiés, une vraie stratégie de communication autour du football féminin et surtout une réelle volonté politique de l’Etat pour accompagner le football féminin ».
Comme on peut le voir, les sentiers qui mènent à la professionnalisation du football féminin en Côte d’Ivoire sont épineux. Les défis, il y en a tellement à relever pour cette section du football qui demeure jusque-là…amateur !
Rappelons que c’est une exigence de la FIFA faite à tous les clubs de football de la Ligue 1 masculine d’avoir une section féminine, entretenue dans de meilleures conditions.
