Une étude publiée en 2018 par des organismes internationaux (de) montre d’une part que l’immigration est bénéfique pour l’économie ivoirienne et d’autre part que les immigrés participent, dans une large proportion, à l’économe nationale.
L’idée, très largement répandue en Côte d’Ivoire, selon laquelle l’immigration représente un coût pour le pays d’accueil, ne s’appuie pas sur des preuves empiriques. Et pour cause ! A en croire l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui ont publié en janvier 2018 un rapport intitulé « Comment les immigrés contribuent à l’économie de la Côte d’Ivoire», l’immigration, loin d’être un boulet, est bénéfique pour l’économie ivoirienne. Selon ce rapport, « l’immigration a un impact positif sur l’économie ivoirienne », les immigrés contribuant, au terme de l’étude, à 18,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) ivoirien alors qu’ils ne comptent que pour 16,1 % des actifs occupés. « Depuis le début des années 90, marqué par la libéralisation de la vie politique et une crise économique aiguë, l’attitude des Ivoiriens vis-à-vis des immigrés et de leurs descendants a changé. La cohabitation pacifique a laissé place à la stigmatisation. On a même parlé, à propos du pourcentage de 26 % d’étrangers, de « seuil du tolérable », confirme un expert ayant participé à l’étude.
Parmi les 10 pays sur lesquelles se concentre cette analyse de l’OCDE et de l’OIT – Afrique du Sud, Argentine, Costa Rica, Ghana, Kirghizistan, Népal, République dominicaine, Rwanda et Thaïlande – figure la Côte d’Ivoire. L’étude a été une occasion de revenir sur l’importance de l’immigration pour l’économie ivoirienne, à travers son impact sur trois de ses composantes essentielles : notamment les liens entre la migration et le marché du travail, les liens entre la migration et les finances publiques et les liens entre la migration et la croissance économique.
En 2015, le nombre d’immigrés en Côte d’Ivoire a atteint 2,2 millions, soit 9,6 % de la population totale, dont 45 % de femmes. Il s’agit principalement, selon les analystes, d’une immigration de travail, avec 89,5 % des immigrés âgés de 15 à 64 ans. Ces immigrés sont majoritairement originaires du Burkina Faso (59 %) et du Mali (16 %). Si l’on compare la situation à celle de 2005, l’immigration a chuté de 4,8 points de pourcentage. Selon les résultats globaux définitifs du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) 2022, la population vivant habituellement sur le territoire ivoirien (population résidente) se chiffre à 29.389.150 habitants. En tenant compte de la nationalité, le ministère du Plan et du Développement qui a conduit cette opération de dénombrement indique qu’il existe 22.840.169 personnes de nationalité ivoirienne (soit 78 % de la population totale), contre 6.435.835 personnes de nationalité non ivoirienne, soit 22 %. Il convient de noter que la part de la population de nationalité non ivoirienne vivant sur le territoire ivoirien est en constante baisse, en passant de 33 % en 1975 à 28 % en 1988, 26 % en 1998 et 22 % en 2021.
Les secteurs où les immigrés sont plus actifs
En Côte d’Ivoire, les travailleurs étrangers – au nombre de 1 million au moment de l’étude – se sont bien intégrés au marché du travail. En effet, leur taux de participation à la population active atteint 85,5 %, soit un niveau supérieur à celui des natifs. De même, le taux de chômage des travailleurs nés dans le pays atteint 13,5 % contre 5,9 % pour les travailleurs nés à l’étranger, soit une différence de 7,6 points.
Ces travailleurs étrangers sont majoritairement employés dans l’agriculture (48 %), le commerce (24,4 %) et l’industrie (7,8). Il n’y a en revanche pas de différence significative en termes de traitement salarial entre les travailleurs nés dans le pays et ceux nés à l’étranger. Enfin, l’immigration n’a pas d’impact négatif sur l’emploi des Ivoiriens, selon les experts de l’OCDE et de l’OIT.
Les immigrés ont un poids important dans l’économie ivoirienne : alors que les travailleurs étrangers comptent pour 16,1 % des actifs employés, ils contribuent à hauteur de 18,7 % au PIB. « Avec la relance de la croissance économique depuis 2011, il est fort probable que la contribution de l’immigration soit encore plus positive », nuance le rapport. Il fait ensuite remarquer que « parmi les incidences positives possibles de l’immigration sur l’économie figure le renforcement des liens commerciaux »
Similairement, l’immigration a un impact positif sur les finances publiques, puisque la contribution nette des immigrés atteint 0,67 % du PIB. Afin de maximiser l’impact positif de l’immigration, l’OCDE et l’OIT recommandent aux pays d’accueil de faciliter notamment l’entrée des travailleurs migrants en leur offrant davantage de voies légales afin d’accroître la part des immigrants disposant d’un statut régulier et d’un emploi formel. Les deux organisations indiquent également que la protection des droits des immigrants et la prévention de toutes les formes de racisme doivent devenir des priorités. En définitive et en attendant que des études ultérieures viennent l’informer, l’immigration a des effets positifs, quoique limités, sur l’économie ivoirienne. Sur le marché du travail, les immigrés ne semblent pas peser négativement sur les salaires ou les conditions de travail de la population active autochtone.
Pour le ministère du Plan et du Développement – à travers l’Office National de la Population – qui a divulgué ce rapport en quelques mois après sa publication, l’étude vise à « examiner l’impact de l’immigration sur l’emploi et les revenus du travail de la population autochtone et la contribution aux finances publiques ». Le représentant de la ministre Kaba Nialé, Yéo Nahoua, Directeur de Cabinet, s’était félicité de cette initiative. Pour lui, ce rapport devait permettre à la Côte d’Ivoire d’améliorer sa politique sur les questions migratoires et développer des stratégies adéquates. « Cette étude offre l’opportunité d’enrichir les connaissances sur la relation immigration et développement et la mise en œuvre de politique de planification », avait-il déclaré, à cette occasion.
M’Bah Aboubakar