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dimanche 9 février 2025
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District et mairies d’Abidjan: Qui fait quoi ?

La démolition de plusieurs sites jugés inhabitables par le District autonome d’Abidjan a suscité la vive réaction de certains maires de la capitale économique ivoirienne. Le gouverneur du district est-il tenu d’informer le maire d’une commune, avant de procéder au déguerpissement de ses administrés? Que dit exactement la loi, au sujet des compétences de chacune de ces personnalités? 

Le 29 janvier 2024, le maire de Yopougon, Adama Bictogo, a vivement contesté les déguerpissements entrepris par le gouverneur du district d’Abidjan, Cissé Bacongo, nommé le 27 décembre dernier. « J’irai rencontrer Cissé Bacongo pour lui signifier mon refus que tout engin entre à Yopougon, sans mon autorisation. Je vais prendre un arrêté, dès à présent. Je vais réquisitionner la gendarmerie et la police pour protéger tous les quartiers. Pour ce qui est des maisons déjà détruites, celles qui disposent d’Arrêtés de Concession Définitive (ACD), nous veillerons à ce que le district d’Abidjan les dédommage », déclarait Adama Bictogo. Pourtant, quelques jours après, des engins sont entrés en action à Yopougon, avant de réduire en gravats des habitations, sur instructions du ministre-gouverneur du district d’Abidjan. Et pour affirmer son autorité, l’ancien maire de Koumassi avait précisé : « le ministre-gouverneur du district d’Abidjan est le maire des maires ». Des échanges qui ont clairement mis en lumière les conflits de compétence entre le district et les mairies d’Abidjan. 

District d’Abidjan, une entité singulière

Au lendemain de l’Indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, Abidjan était une «ville» regroupant dix communes. En 2001, les autorités ont instauré le district d’Abidjan par le biais de la loi N°2001-478 du 9 août 2001. Selon l’article 2 de cette loi, «le District autonome d’Abidjan regroupe les communes et les sous-préfectures du département d’Abidjan».

« La création du District autonome d’Abidjan a émergé du désir du pouvoir étatique de mettre en place des actions en faveur des populations plus rapidement, mais surtout de résoudre plus facilement les problèmes intercommunaux », a expliqué Gervais Coulibaly-Délinpelna, préfet hors-grade à la retraite et ancien patron de la Direction Générale de la Décentralisation et du Développement Local (DGDDL). Cette transformation de la ville d’Abidjan en District a entraîné le transfert de compétences dans 16 domaines spécifiques, conformément à la loi n°2003-208 du 7 juillet 2003 concernant le transfert et la répartition des compétences de l’État, vers les collectivités territoriales.

Conflits de compétences entre district et mairies d’Abidjan

« Les points liés à la gestion des espaces sont souvent à l’origine des conflits de compétences entre le district et les mairies », a révélé une source au sein du district d’Abidjan qui a souhaité garder l’anonymat.

En effet, les limitations des voiries et espaces entre le district autonome et les mairies d’Abidjan ont été établies par un décret en 1984. Il s’agit du décret n°84-851 du 4 juillet 1984 portant déclaration des voiries et des réseaux divers d’intérêt national et urbain dans les limites de la ville d’Abidjan, dont nous avons obtenu une copie. Notre source anonyme, citée plus haut, donne l’exemple du marché Djè Konan, récemment détruit et qui a été au centre d’un conflit de compétence entre le district d’Abidjan et la mairie du Plateau.

Confrontation entre le district d’Abidjan et la mairie du Plateau en 2021

Le samedi 4 juillet 2021, les services du District autonome d’Abidjan ont démoli un ouvrage d’embellissement financé à coût de millions de FCFA par le Conseil municipal du Plateau, aménagé entre la Cathédrale Saint Paul et le Palais de justice.

La mairie du Plateau a réagi par un communiqué sur ses canaux officiels de communication. « Dans la nuit de samedi à dimanche (NDLR : 4 juillet et 5 juillet 2021), des éléments du district d’Abidjan, appuyés de forces de l’ordre, ont procédé à la destruction de l’ouvrage d’embellissement réalisé par la mairie, entre la cathédrale Saint Paul et le Palais de justice, ruinant ainsi un investissement de plusieurs millions de Francs CFA. La mairie de la commune du Plateau apportera, dans les prochaines heures, la réponse indiquée à cet acte qui est un abus d’autorité », pouvait-on lire dans ce communiqué de la commune dirigée par Jacques-Gabriel Ehouo.

Selon les services de communication de la commune, centre des affaires d’Abidjan, au regard des dispositions de l’article 3 du décret n° 84-851 du 04 juillet 1984 portant déclaration des voiries et des réseaux divers d’intérêt national et d’intérêt urbain dans les limites de la ville d’Abidjan, les jardins et espaces verts situés dans l’emprise de l’avenue Jean-Paul II relèvent de la compétence de la commune du Plateau.

En réaction, les services de Robert Beugré Mambé, ministre-gouverneur d’alors, avaient réagi auprès de nos confrères de L’infodrome. « Cet espace appartient exclusivement au District autonome d’Abidjan. Donc quelqu’un ne peut pas venir aménager là sans son avis », avait déclaré Martial Gbamelé, de la direction de la Communication du District autonome d’Abidjan.

Gesco, source de dissension entre le district et la mairie

Après les échanges musclés entre Cissé Bacongo et Adama Bictogo, une rencontre entre les deux personnalités a eu lieu, le 1er février, à la mairie de Yopougon, dans le but de poursuivre les discussions sur la conformité du plan d’action du District autonome d’Abidjan avec celui déjà conçu par la mairie de Yopougon.  

Nonobstant cette rencontre entre les deux entités, dans la nuit du 19 au 20 février 2024, les services du district ont mené une opération de déguerpissement à Yopougon-Gesco, un quartier au nord d’Abidjan. Yaya Doumbia, 1er adjoint au maire de la commune de Yopougon, a refusé de commenter cette affaire, mais a simplement regretté de ne pas avoir été informé, « avant de mener ces opérations sur l’espace communal ». Ceci, en vertu de l’article 7 de la loi n°2003-208 du 7 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l’État aux collectivités territoriales, qui stipule que « la réalisation d’un équipement sur le territoire d’une collectivité territoriale ne peut être entreprise par l’État ou par une autre collectivité territoriale, sans consultation préalable de la collectivité concernée ».

Le ministre-gouverneur, le maire des maires ? 

Selon un autre membre de la municipalité de Yopougon, il n’y a aucune hiérarchisation entre les communes d’Abidjan et le district. « Dans aucune loi, aucun décret ou arrêté, il est mentionné que le ministre-gouverneur du District autonome d’Abidjan est le supérieur hiérarchique du maire. » D’après cet élu, « l’un des principes généraux guidant la gestion des collectivités relève qu’il n’y a aucun lien hiérarchique entre les collectivités décentralisées. Le ministre-gouverneur n’a qu’un rôle de coordination ». Dans ces conflits de compétences entre district d’Abidjan et les mairies qui, du reste, sont loin de s’estomper, ce sont les populations qui en paient le lourd tribut.

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