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dimanche 28 avril 2024
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CEDEAO : Le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger illégal ?

L’annonce de la sortie des pays de l’AES – Burkina Faso, Mali et Niger – ce 28 janvier 2024, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), comporte des implications juridiques et politiques et soulève le rejet dans ces pays.

La décision de retrait de la CEDEAO prise par les autorités burkinabè, malienne et nigérienne, violerait les lois fondamentales des trois pays. Selon M. Amadoun Traoré, juriste et ancien député burkinabè, « Les Constitutions de ces Etats disposent en substance que les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. (Articles 183 de la Constitution malienne, 151 de la constitution Burkinabè, 171 de la Constitution nigérienne). Dès lors qu’ils ont maintenu la constitution comme fondement de tout pouvoir et adopté la primauté des traités et accords, ils devaient respecter les engagements souscrits auprès de la CEDEAO ».  Au Mali, au Niger comme au Burkina et dans la diaspora, de nombreuses voies s’élèvent contre cette décision et contestent la légitimité des présidents responsables de cette décision qui foule aux pieds les constitutions nationales. 

La Coordination des organisations de l’Appel du 20 février 2023 sauver le Mali a estimé que le colonel Assimi Goïta agissait « bien que n’ayant aucune légitimité et ne disposant d’un quelconque pouvoir ou mandat ». Cette organisation importante de la société civile malienne rejette l’acte du président Goïta, estimant que c’est un acte « nul et non avenu pour ce qui concerne le Mali, pour manque de légitimité du colonel Assimi Goïta et du ministre signataire du communiqué ».

Le président de la jeunesse nigérienne de Côte d’Ivoire, s’exprimant via une vidéo postée, ce 1er février 2024, sur les réseaux sociaux, a qualifié d’unilatérale cette décision qui ne serait pas la bienvenue avant de mentionner des inquiétudes liées aux conditions de résidence et de voyage des Nigériens dans l’espace CEDEAO et, particulièrement, ceux résidents en Côte d’Ivoire où vivent environ un million de Nigériens. Le responsable des jeunes Nigériens a appelé le général Tiani, « à revoir » cette décision.

L’absence de légitimité politique des régimes putschistes qui n’ont pas été démocratiquement élus par leurs peuples respectifs pour pouvoir retirer leurs Etats de la CEDEAO, est ouvertement critiquée. « Les putschistes à la tête de ces Etats n’ont donc ni la légalité, ni la légitimité qui leur permettent de remettre en cause des engagements de leurs Etats respectifs ou même de siéger à la CEDEAO », soutient le juriste Amadoun Traoré. Les raisons avancées par les pays de l’AES pour se retirer de la CEDEAO, notamment l’accusation de non assistance vis-à-vis de ces pays dans la lutte contre le terrorisme, ne convainc point non plus. En dehors des partisans des militaires qui se font les avocats de cette décision, la grande majorité des citoyens des pays concernés sur les réseaux sociaux qualifient cela d’un subterfuge pour conserver le pouvoir en passant outre les délais de transition et ce, contrairement aux objectifs initiaux fixés par ces régimes militaires eux-mêmes.

« Les organisations de l’Appel le dénoncent sans réserve, en ce qu’il va à l’encontre de la Constitution et des intérêts du Mali, tout en étant en déphasage avec les missions assignées aux autorités de la transition, à savoir l’organisation d’élections véritablement démocratiques en vue du retour à l’ordre constitutionnel, au terme du délai convenu ». En effet, l’organisation d’élections, le retour à l’ordre constitutionnel normal au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ont été des exigences de la CEDEAO qui constituent, par ailleurs, les sources d’incompréhensions récurrentes entre l’instance régionale et les juntes militaires au pouvoir dans les trois pays.

Les lois de la CEDEAO s’appliquent toujours à l’AES

Le traité révisé de 1993 de la CEDEAO signé par tous les Etats membres, y compris le Burkina Faso, le Mali et le Niger exige que : « Tout Etat membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un (1) an, sa décision au Secrétaire Exécutif qui en informe les Etats Membres… » (Article 91). Le Mali et le Burkina Faso, de sources officielles, ont chacun saisi la CEDEAO d’une notification, le 29 janvier 2024. Sur le plan juridique, cette décision de retrait de la CEDEAO  n’exonère pas les pays désireux de se retirer de leurs obligations vis-à-vis de l’organisation. Selon l’alinéa 2 de l’article 91 du traité, lorsqu’un Etat notifie sa décision de retrait de la CEDEAO, pendant la période d’une (1) année « cet Etat membre continue de se conformer aux dispositions du présent Traité et reste tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du présent Traité. »

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