La Côte d’Ivoire, qui veut pouvoir couvrir ses besoins en riz en 2025, doit rattraper un gap de plus d’un million de tonnes, alors que le secteur subit la concurrence des importations.
Sixième producteur de riz en Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire dépend à hauteur de 60% des importations pour ses besoins de consommation de riz blanchi estimés à plus de 2,3 millions de tonnes par an. Avec 905.000 tonnes achetées en 2021 et 1,19 million de tonnes en 2022, Abidjan est le troisième importateur africain de riz venant d’Inde, derrière le Bénin et le Sénégal. Selon les chiffres officiels, les achats du produit sur le marché international ont coûté environ 657 millions de dollars (plus de 300 milliards de FCFA) au pays en 2021. Alors que la Côte d’Ivoire devrait importer 1,25 million de tonnes de riz – soit près de la moitié de sa consommation, selon les prévisions – les autorités envisagent une production de 2 millions de tonnes de riz blanchi d’ici 2025.
« Nous étions autosuffisants en 1976, nous pouvons le redevenir. Mais, pour l’instant, c’est compliqué », concède Yacouba Dembélé, le Directeur général de l’Agence pour le Développement de la Filière Riz (ADERIZ). Pour autant, son organisme, qui coordonne la politique nationale en faveur du riz, espère arriver, à terme, à créer les conditions d’un développement durable de la filière riz afin d’atteindre et de gérer l’autosuffisance en riz.
Un coup d’œil aux derniers chiffres publiés par son organisme sur son site internet informe sur les efforts déjà faits et à fournir pour que le pays recouvre pleinement sa sécurité alimentaire. De 1.206.153 tonnes en 2010, le riz paddy (riz non décortiqué) a atteint 2.118.610 tonnes en 2017 pour descendre à 1.703.514 tonnes en 2022. Quand au riz blanchi (le riz transformé mondialement consommé), il est passé de 784.000 tonnes en 2010 à 1.107.284 tonnes en 2022. Du chemin reste cependant à parcourir.
De nombreux défis
Au regard de ce constat de forte dépendance aux importations, la question cruciale demeure: comment revitaliser le secteur de la riziculture et amener les riziculteurs ivoiriens à satisfaire la demande intérieure par une production de riz en quantité et qualité suffisantes et permettre à la Côte d’Ivoire d’assurer sa souveraineté alimentaire ?
La filière, à en croire les observateurs, est confrontée à de nombreux défis qui ne sauraient être relevés que si les acteurs du secteur agro-alimentaire, commerçants et producteurs, conjuguent leurs efforts afin de booster le niveau de production du produit.
Avec 800.000 riziculteurs, la filière riz est logée au cœur des priorités du gouvernement qui en a fait l’un des points saillants du Plan National de Développement (PND) sur la période 2021-2025. L’idée est de faire progresser le taux d’accroissement annuel de la production de riz blanchi de 50% à 90% sur la période 2021 – 2025 et de réduire le taux de pertes post-récoltes d’environ 20% à 5% en 2025. La nouvelle Stratégie Nationale de Développement du Riz (SNDR) 2020-2030 pensée à cet effet s’articule autour de la mise en œuvre de projets rizicoles intégrés prenant en compte la riziculture irriguée, l’aménagement et l’exploitation rationnelle des parcelles rizicoles, la production de semences à haut rendement et la mécanisation totale de la chaîne des valeurs rizicoles. De façon plus détaillée, la SNDR 2020-2030 prévoit la réhabilitation de 64 barrages et des parcelles rizicoles sur environ 55.000 hectares. De quoi booster significativement la production nationale chère aux dirigeants.
Rester focus sur l’objectif
Pour le Directeur général de l’ADERIZ, « le développement durable de la filière riz à travers l’approche chaine de valeur et l’implication d’un secteur privé dynamique permettra de faire des activités de la filière des activités hautement rémunératrices pour les acteurs et du riz un produit compétitif sur le marché national et international ».
Ainsi, le gouvernement mise désormais sur l’industrialisation de la filière et un engagement plus appuyé du secteur privé pour permettre au pays de retrouver sa souveraineté sur la production de cette denrée alimentaire de premier plan
Dans cette perspective, le pays a ainsi renforcé le parc industriel existant avec 30 usines et une centaine de mini-usines. Les concessions de ces fabriques ont ensuite été attribuées à des opérateurs privés, des transformateurs qui travaillent avec les petits producteurs en amont, et les distributeurs en aval. Le circuit repose sur la contractualisation, un modèle où chaque acteur s’engage envers l’autre, sans présence directe de l’Etat. Pour le chercheur Patricio Mendez del Villar, la réussite de ce nouveau modèle, implémenté en 2018, repose sur la « confiance des uns envers les autres ». « La plupart des petits producteurs sont d’abord dans de l’agriculture de subsistance, et ça n’est pas facile de se transformer en opérateur agricole du jour au lendemain », glisse le chercheur.
En tout état de cause, indiquent les spécialistes du secteur, l’augmentation de la production rizicole passera en majeure partie par l’approvisionnement en variétés améliorées répondant aux besoins des agriculteurs mais aussi des consommateurs. Pour cela, conseillent-ils, le défi à relever est de redynamiser le secteur semencier et démontrer l’opportunité économique pour ceux qui occupent ce secteur clé. Il s’agit aussi d’assurer un approvisionnement de qualité qui répond à des besoins pressants des riziculteurs ivoiriens.
En réponse à ceux qui doutent toujours et qui s’inquiètent des risques d’insécurité alimentaire que fait peser la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur, le patron de l’Agence de développement de la filière riz (ADERIZ), Yacouba Dembélé, se veut rassurant. « En Côte d’Ivoire, nous consommons du riz trois fois par jour. On ne va pas avoir d’autres choix que d’en produire plus et d’en importer moins. », Indique-t-il.
M’Bah Aboubakar
