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vendredi 5 juillet 2024
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Personnes du 3è âge: La 1re maison de retraite reçoit des pensionnaires

Le fait est encore quelque peu insolite en Afrique, mais la première « Maison de retraite » de Côte d’Ivoire accueille ses premiers pensionnaires depuis quelques mois. Né de la volonté de trois femmes de venir en aide aux personnes du troisième âge à l’abandon ou ne bénéficiant pas d’un accompagnement adéquat, ce projet bien à propos voit le jour dans le contexte ivoirien où les personnes du troisième âge vieillissent mal, selon une enquête de la Direction Régionale des Affaires Sociales d’Abidjan-Nord réalisée, il y a quelques années.

La Maison de retraite située dans la commune de Bingerville, dans la périphérie d’Abidjan, est un duplex de sept pièces surplombé d’un hangar. Ce qui offre une vue panoramique aux occupants des lieux. C’est le 27 mai 2023 que la Maison de repos a débuté ses activités, mais elle n’a reçu son premier pensionnaire que deux mois plus tard. « Nous avons un pensionnaire qui séjourne à la Maison de repos, depuis quatre mois. Il y en a deux autres, dont une femme. Un dernier arrivant va être admis aujourd’hui, samedi (1er juin 2024, Ndlr) », note Arlette Monney, co-gérante de l’entreprise. 

Maison de repos ou de retraite ? 

D’entrée de jeu, Nina Andrée Zougo, la Directrice générale de ce foyer, a tenu à lever tout équivoque. « Nous sommes une Maison de repos et non pas une Maison de retraite pour l’instant parce que nous n’avons pas le même fonctionnement qu’une Maison de retraite au sens occidental du terme. Nos pensionnaires se sentent ici comme en famille. Ils peuvent séjourner chez nous de façon temporaire et rentrer chez eux, lorsqu’ils le désirent, pour revenir par la suite », précise-t-elle. Lui emboîtant le pas, Mme Monney rappelle que l’établissement a été victime de préjugés de personnes qui croyaient que cette Maison de repos venait briser les codes, en reniant la tradition africaine qui place les personnes âgées au centre de la famille élargie. Elle assure que ce foyer pour l’accompagnement des personnes du troisième âge n’a pas cette prétention. Bien au contraire, il vient répondre à une problématique créée par le modernisme, dans un environnement socio-économique qui contraint quelquefois tous les membres d’une famille à travailler pour gagner leur pain quotidien. Conséquence, les personnes âgées -en zone urbaine- se retrouvent quelque peu abandonnées ou sans soins adéquats. Pour ces raisons, elle ne souhaite pas que le concept de « Maison de repos » qu’elle et ses associées proposent à la société soit rapidement assimilé à celui des Établissements d’Hébergement des Personnes Agées Dépendantes (Ehpad). Elle se souvient que son géniteur ayant été victime d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC), il y a de cela plusieurs années, elle a eu du mal à lui trouver un lieu où elle pouvait le laisser un moment, entre de bonnes mains, le temps de s’occuper d’autres choses. Cette histoire douloureuse a été l’élément déclencheur et la source de motivation qui l’a amenée à s’associer au projet de création de ce foyer, fruit d’un partenariat entre une ONG dénommée « Vieillir comme à la maison » et « For Living », une entreprise de vente de matériels et équipements d’aide aux personnes du troisième âge. 

Mme Monney croit savoir que certains parents âgés trouvent en cette Maison de retraite un refuge pour échapper au stress causé par des enfants qui consomment la drogue ou qui se livrent à la délinquance. D’autres franchissent le pas pour échapper à la solitude ou encore pour bénéficier d’un meilleur accompagnement. 

Pour l’admission d’un parent à la Maison de retraite, un protocole s’impose. Le postulant doit recevoir à son domicile le Médecin gériatre du centre et l’équipe de For Living. « Cette consultation de constatation sera suivie d’un rapport et d’un bilan de santé. Le gériatre nous dira par la suite, si le postulant est admis à entrer dans notre établissement », détaille Arlette Monney. 

L’avis du Médecin coordinateur 

Docteur Say Ehouman, médecin gériatre au Chu d’Angré, qui donne des prestations dans la Maison de retraite, explique : « La gériatrie est une spécialité médicale concernée par les affections physiques, mentales, fonctionnelles et sociales en soins aigus, chroniques, de réhabilitation, de prévention et en fin de vie de malades âgés. » Il ajoute que la médecine gériatrique dépasse la médecine d’organe. Selon le praticien, elle « offre des soins supplémentaires au sein d’équipes pluridisciplinaires dans l’objectif essentiel d’optimiser l’état fonctionnel des malades âgés, prévenir la dégradation et d’améliorer la qualité de vie et l’autonomie. » Au sein du foyer pour les personnes âgées de Bingerville, Dr Say Ehouman constate que les patients souffrent de maladies récurrentes.  « Il s’agit de troubles neurocognitifs chroniques tels que la maladie d’Alzheimer et l’encéphalopathie vasculaire », diagnostique le Médecin coordinateur. Toutes ces précautions prises pour l’admission des futures pensionnaires à la Maison de retraite ne sont pas fortuites. « Le mercredi 29 mai 2024, nous avons été contactés par les enfants d’un vieil homme qui sortait fraichement d’une hospitalisation à Marcory pour une admission, dans notre établissement. La consultation de notre gériatre a indiqué qu’il était mal en point et qu’il ne pouvait être pris en charge dans cet état chez nous», souligne la co-gérante. Dans les heures qui ont suivi ce diagnostic, le patient a rendu l’âme à l’hôpital. Madame Monney regrette que, dans certains cas, des personnes aient tenté de faire de la rétention d’informations sur l’état de santé réel de leurs parents âgés. 

Heureusement que tous les pensionnaires ne présentent pas des tableaux cliniques alarmants. Un patient admis à la Maison de retraite s’est confié à nous. Journaliste de renom à la retraite, le pensionnaire dont un poster géant de ses années de gloire trône sur la table de chambre assure qu’il se sent beaucoup mieux. « Lorsque je venais ici, je ne marchais pas. Aujourd’hui, je peux me lever de la chaise roulante et faire quelques pas », s’émeut-il, joignant l’acte à la parole. Cette prise en charge a un coût. 35.000f par jour et 750.000f par mois, facture madame Monney, qui justifie ces montants. « Le pensionnaire bénéficie du confort de la chambre occupée, des consultations médicales, des soins infirmiers, de trois repas journaliers adaptés, de l’accompagnement de l’infirmier, de l’aide-soignante et  périodiquement de sorties récréatives organisées», énumère-t-elle.

Des défis à relever

Chaque pensionnaire arrive au centre avec un bout d’histoire de son passé. Un patient reste attaché à son poste radio à l’ancienne et un autre a fait ranger sur un meuble du salon un combiné téléphonique d’antiquaire. Quelquefois, les accompagnateurs des pensionnaires voient leur rôle s’étendre à celui de facilitateur pour recoller les tissus de la famille. « Nous avions reçu un pensionnaire de quatre-vingts ans qui avait des rapports difficiles avec ses huit enfants depuis plus de vingt ans. Face à cette rupture familiale, nous avons usé de tact et de patience. Nous sommes parvenus à réconcilier les enfants avec le père et l’épouse que les enfants rejetaient auparavant. C’était la condition pour relever notre pensionnaire qui a vite recouvré la santé », se souvient la co-gérante du foyer.

Des difficultés, la Maison de retraite en rencontre au quotidien. « J’ai un patient que je n’ai pu accueillir dans le centre parce qu’il est sous respiration artificielle. N’ayant pas de groupe électrogène, je ne l’ai pas accepté, à mon corps défendant », s’indigne Arlette Monney, qui lance un appel au gouvernement pour que l’établissement bénéfice d’un appui. Elle sollicite notamment des fauteuils roulants, du personnel qualifié, une ambulance pour les évacuations sanitaires, des vivres, etc.

En une année d’exercice, la Maison de retraite de Bingerville a accueilli quinze pensionnaires et a accompagné quatorze personnes du troisième âge qui ont décidé de rester à domicile. 

Le dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH -2021) affichait 754.461 personnes de plus de 65 ans, sur une population globale de 29.389.150 habitants, en Côte d’Ivoire.

 

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