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vendredi 17 mai 2024
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MACA / Evasion d’un narcotrafiquant : Toute l’histoire du fugitif

C’est une véritable chasse à l’homme qui a été engagée par les services de sécurité ivoiriens, depuis l’évasion, le 16 juin dernier, du narcotrafiquant Tamberou Mohamed. Comment ce Franco-Sénégalais s’était-il retrouvé à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) où il a été condamné à dix ans de prison ? Retour sur le parcours d’un fugitif.

Tamberou Mohamed a été arrêté à Abidjan en mai 2019, suite à un signalement de la police française. Tout est parti de l’interpellation, le 14 mai 2019, par les agents de la Cellule Aéroportuaire Anti-Trafic de l’aéroport parisien de Roissy Charles De Gaulle, de quatre individus arrivés par le vol AF 703 : Lespinasse Boehrer Philippe, Pestel Emeline, Alexia Michelle Laurence de nationalité française et Ouattara Alassane Cyrille de nationalité ivoirienne. La police venait de trouver en leur possession 73 kilogrammes de cocaïne.

La police française informe l’Unité de Lutte contre la Criminalité Transfrontalière Organisée qui se met immédiatement en branle. Les premiers éléments de l’enquête ivoirienne révèlent que Lespinasse Boehrer habiterait à Assinie, que les colis de cocaïne ont été expédiés par Paris Center Plus, une agence de voyage spécialisée dans l’expédition de colis entre Paris-Abidjan-Paris, sise à Treichville.

Les auditions des responsables de l’agence de voyage permettent d’identifier celui qui leur a remis les trois valises de 32 kilogrammes chacune à expédier à Paris. Interpellé, Kouassi Konan Albert affirme ignorer le contenu des valises au moment où il les a convoyées à l’agence de voyage. Il désigne à son tour ceux qui lui auraient remis les valises : Kouablan Martial, Ouédraogo Noufou, Kanga Kouacou Kouamé Justin, Lespinasse Boehrer Philippe, un certain Cissé et une dame nommée Soukpa. La police ivoirienne exploite le fait que Kouassi Konan Albert semble collaborer parfaitement pour requérir son implication dans la suite de l’enquête. Et la stratégie va s’avérer payante.     

Tamberou tombe dans les filets de la police

Moins de dix jours après la saisie des 73 kilogrammes de cocaïne à Paris, Kouassi Konan Albert reçoit un autre coup de fil d’individus sollicitant à nouveau ses services pour envoyer des colis à Paris. Il en informe immédiatement les éléments de l’Unité de Lutte contre la Criminalité Transfrontalière Organisée. Un traquenard est mis en place. Lorsque, le 23 mai 2019, Tamberou Mohamed et dame Diallo Fati se présentent pour remettre leur colis en vue de l’expédier à Kouassi Konan Albert, ils sont cueillis par la police ivoirienne.

La fouille des colis qu’ils voulaient faire expédier vers la France aboutit à la découverte de quatre sachets contenant de l’héroïne pure. La drogue était dissimulée dans une variété de produits alimentaires africains : poudre de mil, piment, poivre, assaisonnement traditionnel « soumara », kaolin, beurre de karité, etc. La police découvre que les deux individus logent à l’hôtel Onomo d’Abidjan, près de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny. La perquisition des deux chambres qu’ils occupent ne donnera rien.

Tamberou Mohamed, un trafiquant récidiviste

L’enquête ivoirienne révèlera que Tamberou Mohamed n’était pas à son premier voyage en Côte d’Ivoire. Kouassi Konan Albert indiquera notamment avoir déjà reçu l’année précédente du Franco-Sénégalais de 39 ans, des colis à expédier en France. L’analyse du passeport du narcotrafiquant allait en effet confirmer sa présence à Abidjan, en octobre 2018.

Cuisiné par la police ivoirienne, Tamberou Mohamed finit par craquer. Il révèle qu’il sort à peine de deux années de prison au Brésil pour trafic de drogue. La collaboration entre les polices internationales et l’examen du passeport de l’accusé permettront d’établir qu’il a effectué plusieurs voyages dans des pays d’Amérique latine connus comme des plaques tournantes du trafic international de la drogue. On découvre notamment qu’en 2016, Tamberou a été interpellé à l’aéroport de Rio de Janeiro au Brésil, où il a été incarcéré pendant deux ans. Les informations recueillies auprès des autres polices font également apparaître que le trafiquant a aussi été écroué en 2012, à la prison d’Ezeiza en Argentine, pour son implication dans un trafic de cocaïne entre ce pays et l’Uruguay.   

Tamberou avait déjà tenté de s’échapper

Le narcotrafiquant n’était pas à sa première tentative de se soustraire à la justice. En effet, alors même qu’il avait déjà été condamné à cinq ans ferme, en première instance, et aussi surprenante que cela puisse paraître, Tamberou Mohamed avait, l’année précédente, introduit une demande de mise en liberté provisoire, en attente de son jugement en appel. N’eût été la vigilance des juges de la 2e Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel d’Abidjan, le Franco-Sénégalais se serait donc retrouvé légalement en liberté, et on imagine aisément qu’il aurait pris la poudre d’escampette.

Les motifs invoqués pour le rejet de la demande de mise en liberté provisoire du condamné, tel qu’il ressort du jugement que Le Tamtam Parleura pu consulter, sont sans équivoque. Ce sont notamment : la gravité des faits pour lesquels il a été condamné ; le fait qu’il « prétend avoir une adresse bien connue en Côte d’Ivoire sans la préciser », ou encore qu’il « ne présente pas de garantie de représentativité ». C’était le 5 janvier 2022.

Le jugement en appel plus sévère

Le 9 mars 2022, la 2e Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel, qui avait été saisie par les avocats du prévenu, a rendu son jugement sur l’appel de sa condamnation en première instance à cinq ans ferme et cinq millions de F.CFA d’amende.

Lors de ce procès en appel, et aussi curieux que cela puisse paraître, le procureur invoque « des doutes sur la culpabilité du prévenu » et requiert qu’il soit relaxé pour « délit non établi », alors même que l’intéressé a bien été interpellé en possession d’héroïne qu’il s’apprêtait à faire expédier vers la France. Pire, tous ses antécédents judiciaires concourent à prouver que nous sommes bien en présence d’un grand trafiquant de drogue, de surcroît multirécidiviste. C’était sans compter avec la sérénité du président de la 2e Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel d’Abidjan. Là où Tamberou Mohamed avait été condamné à cinq ans ferme, en première instance, le juge Méité Sombè Souleymane lui donne dix ans d’emprisonnement et cinq millions F.CFA d’amende.

Presque un mois après son évasion, le trafiquant rusé court toujours, mais des sources sécuritaires estiment qu’il finira par se faire reprendre.

Jean-Marc DACOURY

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