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lundi 13 mai 2024
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Interview Dr Kouamé Jean Paul (Sexologue) : “Déféquer dans la bouche est une maladie connue”

Le scandale Porta potty accolé à Dubaï n’est pas une spécificité de cette ville. Il s’agit d’une paraphilie, une déviance sexuelle dont parle ici Dr Kouamé Jean Paul. Le sexologue explique que cette maladie est connue et qu’elle peut se soigner.

Quelle analyse faites-vous, en tant que sexologue, du phénomène Dubaï porta potty, qui a défrayé la chronique, il y a quelques semaines ?

C’est malheureusement un phénomène ou un fléau qui est en train de prendre de l’ampleur et qui ne laisse personne indifférent. Ce phénomène est en train d’emporter nos croyances et nos valeurs, surtout dans nos sociétés africaines.

Qu’est-ce qui peut expliquer la survenance de ce phénomène ?

D’un côté, vous avez des milliardaires hyper riches qui s’ennuient avec leurs milliards et qui souhaitent créer quelque chose qui pourrait leur secouer le cerveau et leur permettre de dépenser de façon intéressante leur argent et de l’autre, vous avez des influenceuses ou des personnes envieuses qui veulent paraître et qui veulent aussi avoir facilement certaines et qui seront complices de ce phénomène.

Est-ce une maladie ?

Cela peut être une maladie si, bien sûr, la personne, à chaque rapport sexuel, ne peut tirer son plaisir si les excréments n’interviennent pas. Cela s’appelle la scatophilie.

Est-ce qu’en dehors du phénomène Dubaï porta potty, cette maladie était connue des sexologues ?

Oui, c’est une maladie qui existe et que nous connaissons. Mais elle ne court pas les rues comme le paludisme, le Vih Sida. Mais il est clair qu’elle est connue depuis longtemps. Elle fait partie de ce qu’on appelle « les maladies de la honte ». Dans tous les cas, ça reste intime. Déféquer dans la bouche de son partenaire ou se faire déféquer dessus, c’est quelque chose de très connu. Et vous ne le saurez que lorsque vous êtes en intimité avec une personne qui en souffre. Tant que ça reste intime, ça ne gêne pas la société, ça ne gêne pas la loi. Et c’est là tout le danger.

Avez-vous déjà été confronté, personnellement, à des cas de scatophilie ?

Oui, une ou deux fois. Je voudrais préciser qu’on ne parle pas de maladie en ce qui concerne le milliardaire qui cherche comment pimenter ses ébats sexuels. On parle de maladie, quand celui ou celle qui n’arrive pas à prendre son pied sans l’intervention d’excréments va en demander à son ou sa partenaire, à chaque rapport sexuel. Donc c’est celui qui demande en réalité qui est malade. On peut dire du milliardaire qui fait cette pratique qu’il est malade, si et seulement s’il ne peut tirer son plaisir sexuel sans déféquer sur son partenaire. On peut aussi dire que la personne sur laquelle on défèque est malade, quand c’est elle qui va demander qu’on défèque sur elle. Il peut s’agir d’un homme ou d’une femme. Je précise que cela existe aussi, dans les milieux homosexuels.

Le fait de déféquer sur une personne pendant les ébats sexuels peut-il transmettre des maladies ?

Bien sûr. On sait que l’anus est le magasin ou l’usine de fabrication et de propagation de bactéries. Quand vous allez déféquer sur une personne, vous êtes en train de transporter tout ce qui est saleté de l’anus vers la bouche de cette personne. Le problème est que si la personne qui défèque est atteinte de Vih Sida, d’hépatite B, d’hémorroïdes internes – c’est-à-dire avec des saignements – elle transmet à chaque défécation ce virus. Là on ne parle plus de simples bactéries qui peuvent donner des infections urinaires. Ça va être le Sida ou l’hépatite B ou C que la personne va transmettre facilement, de cette façon. Voici le danger !

Est-ce que, finalement, la scatophilie n’est pas simplement une maladie qui a été mise en lumière par le récent phénomène Dubaï porta potty ?

C’est un phénomène qui date d’au moins un siècle. Ceux qui le pratiquaient – je veux parler du Porta potty – étaient pour la plupart des animistes, des féticheurs qui voyaient leur ascension sociale à travers cet acte posé sur conseil d’un féticheur, d’un charlatan. C’est donc un phénomène qui date d’au moins un siècle. C’est connu récemment parce que ça a été dénoncé par certaines personnes qui ont été choquées par ces propositions.

Une personne qui souffre de scatophilie peut-elle en guérir ? Et comment la soigne-t-on ?

Il faut d’abord que cette personne ait à l’idée une souffrance et une envie de changement. Ce n’est pas comme le paludisme, une infection urinaire où contre votre volonté on peut vous faire des injections pour vous soigner. Ce sont des maladies cognitives – des maladies qui se passent dans la tête – et contre lesquelles on ne peut rien faire, si la personne concernée n’a pas envie d’en guérir. Maintenant, si la personne se rend compte de son état et accepte de changer, elle sera prise en compte, après des séances d’entretien avec un sexologue. Tout peut alors redevenir normal dans sa vie et dans sa tête.

Il y a aussi, dans ce phénomène Porta potty, le fait d’avoir des rapports sexuels avec des animaux

Il s’agit de la zoophilie. C’est effectivement le fait d’avoir des rapports sexuels avec des animaux. Ça entre dans le cadre des paraphilies, c’est-à-dire des actes sexuels déviants. Il y a donc la scatophilie et la zoophilie qui a été dénoncée de façon très récurrente, à Dubaï. Mais il n’y a pas que Dubaï. Il y a aussi Assinie (Ndlr : cité balnéaire ivoirienne), qui a été citée dans cette affaire. Quand on parle de Dubaï, ça nous ramène trop loin et pour finir, les gens se disent que ça n’arrive qu’aux autres. Il y a Assinie qui a été citée, il y a aussi Dakar qui a été citée, ainsi que la capitale équato-guinéenne. Si on parle de Dubaï qui a été maintes fois citée par le monde entier, parlons aussi de ce qui se passe tout près de nous. Ça peut amener beaucoup de personnes à prendre conscience et interpeller les parents pour qu’ils conseillent leurs enfants.

Cette maladie appelée la scatophilie n’est-elle donc pas liée à l’âge, à la race, à la nationalité… ?

Non, ce n’est pas lié à tout cela. Mais plutôt à la curiosité, à l’effet de mode, à l’envie d’être de plus en plus riche et à la maladie, pour ce qui nous intéresse, en tant que sexologue. Ce sont les quatre causes qui vont amener quelqu’un à déféquer sur une personne ou à accepter qu’on lui défèque dessus.

Quelles sont les autres formes de déviances sexuelles qui existent ?

Il y en a pas mal. On appelle paraphilie, en sexologie, tout comportement sexuel considéré comme déviant, toute attraction ou pratique sexuelle qui diffère des actes sexuels considérés comme faisant partie d’une sexualité normale. Il existe en tout 571 paraphilies répertoriées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). On peut citer pêle-mêle l’apodizophilie, le fait de se masturber en public, l’envie irrésistible de se déshabiller et de se masturber en public, qui n’a rien à voir avec le fait de se déshabiller en public qu’on appelle l’exhibitionnisme. Il y a aussi le syndrome du sauveur et le syndrome de l’infirmière. Sont atteintes du syndrome de l’infirmière des femmes qui aiment des hommes soit malades, soit pauvres, soit handicapés. Elles n’aiment que des hommes qui ont des problèmes. Et quand un homme est ambitieux et arrive à se sortir de sa situation précaire, la personne atteinte du syndrome de l’infirmière va le laisser et partir chercher un autre homme pauvre ou handicapé. Le syndrome du sauveur touche généralement les hommes. Une personne qui en est atteinte va aimer une femme jusqu’à l’aider à atteindre ses objectifs. Et une fois ces objectifs atteints, il va se détacher d’elle et chercher une autre à aimer. Il y a aussi le syndrome de Stockholm qui se manifeste chez des femmes qui tombent finalement amoureuses de leurs violeurs, de leurs ravisseurs. Nous pouvons citer aussi l’érotomanie qui est le fait pour des personnes de tomber maladivement amoureuses de célébrités ou de personnes ayant un rang social élevé. Quand l’érotomane est frustré, il peut se suicider ou tuer. Nous avons aussi la sexomnie, à ne pas confondre avec le phénomène de mari ou femme de nuit. Chaque fois que j’en ai parlé, il y a des pasteurs ou des hommes de Dieu qui sont entrés en contact avec moi pour me dire de laisser cette affaire qui, selon eux, est purement mystique ou spirituelle. Mais j’insiste pour dire que c’est une question purement scientifique. L’autre nom de la sexomnie est le somnambulisme sexuel. Ce sont des gens qui peuvent se masturber, gémir ou pénétrer dans leur sommeil, sans jamais s’en rendre compte. Ils peuvent avoir des rapports sexuels sans en être conscients, poser des actes sexuels inconsciemment.

Les études en sexologie clinique ont permis de comprendre que tout peut exister, par exemple l’envie de brûler une personne pendant les rapports sexuels, l’envie de tuer pendant les ébats sexuels, l’envie de voir la personne souffrir pour ensuite lui donner du plaisir, etc.

Est-il possible, ici en Côte d’Ivoire, de prendre en charge une personne qui manifeste une paraphilie et de la guérir ?

Bien sûr. En 2016, j’ai été appelé pour un cas très atypique. Celui d’un homme de 42 ans, marié, père de deux enfants, qui se masturbait en public. Je précise que c’était un expert-comptable. J’insiste sur la profession parce que généralement on a l’impression que cela ne touche que les pauvres qui n’arrivent pas à draguer. Non, celui dont je parle était bien, à tous points de vue. Chaque fois qu’il voyait une femme fessue à un carrefour, il se déshabillait et se masturbait. Il arrivait que les gens le frappent pour cela. Et quand je l’ai pris en charge, je l’ai guéri, en deux semaines. Sa femme témoignait que depuis plus de vingt ans qu’elle avait découvert cela, elle avait perdu tout espoir et pensait trouver le salut dans les églises. Je l’ai guéri, en deux semaines. Je le dis parce que quand il y a un problème, il faut toucher les bonnes personnes. Ce sont des problèmes qui se règlent.

Réalisée par M’Bah Aboubakar

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