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vendredi 10 mai 2024
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Interview : Denis Charles Kouassi (DG CNPS) : « Le futur retraité ivoirien sera un retraité riche »

Dans cet entretien accordé au confrère Jeune Afrique, à Saint-Etienne en France, où il a assisté à la remise des diplômes des cadres ivoiriens de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) ayant bénéficié d’une formation à l’École Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (EN3S), Charles Kouassi, Directeur général du fonds ivoirien de prévoyance sociale revient sur le chemin parcouru par son institution, devenue l’un des premiers investisseurs institutionnels du pays. Il lève le voile sur ses perspectives à court, moyen et long termes et compte, avec la manne générée, améliorer les prestations à destination de la population.

Pourquoi avoir mis en place ce partenariat avec l’École Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (EN3S) de Saint-Étienne ?

L’EN3S a initié dès 1984 un partenariat avec la CNPS, qui s’est concrétisé, notamment par la mise en place de ce qui est devenu, en 1996, l’Institut de Formation aux Métiers de la Sécurité Sociale (IM2S) d’Abidjan. Tous les deux ans, le Cycle interafricain de formation des cadres de la Sécurité sociale forme les futurs responsables des caisses sociales des pays d’Afrique francophone. Aujourd’hui, 80 % de notre effectif, soit 1 500 agents pour l’ensemble du territoire, sont passés par cette école, ce qui est un gage de qualité et d’efficacité pour tous nos métiers.

Vous ambitionnez d’étendre votre régime de retraite et d’indemnités journalières en cas d’accident, de maladie ou de maternité à l’ensemble des travailleurs indépendants et du secteur informel. Où en êtes-vous ?

Notre régime du secteur formel, qui couvre aujourd’hui 1 million de travailleurs et qui est repassé dans le vert dès 2012, nous permet de générer un portefeuille monétaire financier significatif. De 26 milliards de F CFA en 2012, celui-ci a atteint 760 milliards de F CFA à la fin de l’année dernière et devrait franchir la barre des 1 000 milliards de FCFA d’ici à la fin de 2023. En 2030, nous devrions atteindre 2 500 milliards de F CFA d’excédents. Cette force de frappe nous donne toute la latitude pour étendre notre régime. Les travailleurs indépendants du secteur privé et informel représentent 7 millions de personnes. Nous sommes en train d’étendre la couverture à ces nouveaux bénéficiaires. En parallèle, grâce à nos excédents, nous allons garantir une revalorisation de nos prestations tous les deux ans. Rappelons que sur la période 2014-2022, nous avons déjà procédé à une revalorisation cumulée de 25 %.

Comment est accueilli cet enrôlement obligatoire sur le terrain ?

De manière générale, les populations ciblées sont très demandeuses. Le projet est dans sa phase d’opérationnalisation, après une campagne de communication en 2021 et 2022. L’extension du régime de retraite aux travailleurs indépendants et informels concerne déjà 300 000 enrôlés, qui, pour certains, ont déjà commencé à toucher leur prestation. Pour accélérer le déploiement, nous signons des conventions avec certaines corporations, par exemple des instituts de microcrédits qui seront chargés de verser les cotisations.

Quel est le montant de la cotisation ?

Dans le secteur formel, la cotisation est de 14 % du salaire, dont 55 % est versée par l’employeur et 45 % par le salarié. Pour les nouveaux bénéficiaires, qui prennent l’intégralité de la cotisation à leur charge, le barème est fixé à 12 % de leurs revenus, dont 9 % pour la retraite et 3 % pour les indemnités journalières en cas d’incapacité de travail pour maladie, d’accident de travail et de maternité.

Vous avez aussi en préparation un projet de création d’un nouveau régime de « retraite logement » à destination de tous les travailleurs…

Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, une personne souhaitant devenir propriétaire doit fournir un apport de 20 % pour prétendre à un crédit. C’est inaccessible pour une majorité de nos concitoyens. Afin que davantage d’Ivoiriens puissent devenir propriétaires, nous avons imaginé un financement sous la forme d’un fonds de garantie – le montant de la cotisation n’a pas encore été fixé, mais devrait être aux alentours de 6 %. Ce système permettra à ceux qui le désirent de bénéficier d’un logement en location-vente en fonction de leurs moyens, après seulement trois ans de cotisations au fonds en question. À partir de cette échéance, et dans le cadre d’un partenariat avec les banques du pays, le cotisant pourra décrocher un prêt au logement qui sera couvert par le fonds de « retraite logement » auquel la personne continuera de cotiser tout en payant le crédit de sa nouvelle habitation. Une fois retraitée, la personne récupère l’intégralité des cotisations versées sous forme de capital. C’est un système inédit, le futur retraité ivoirien sera un retraité riche, puisqu’il bénéficiera à la fois d’une retraire payée en numéraire, d’un logement et d’un capital.

Quelle est la prochaine étape pour la mise en place de ce nouveau régime ?

Nous attendons la réception d’une étude avant d’entamer les négociations avec les syndicats et les patronats. Celle-ci permettra notamment de déterminer le taux de cotisation et le montant que la CNPS apportera aux banques.

Quelles seront les banques partenaires de ce projet ?

Nous sommes actionnaires des principaux établissements bancaires du pays : Bicici, à hauteur de 21 %, Banque nationale d’investissement (BNI, 20 %), NSIA BAO (20 %), Bridge Bank (20 %), Ecobank (5 %) et Orabank (5 %). Nous surveillons d’ailleurs une éventuelle vente de la filiale ivoirienne de la Société générale – qui a dévoilé, en juin, la cession de quatre de ses filiales en Afrique subsaharienne. Le cas échéant nous répondrons présent, même si nous savons que cela sera beaucoup plus cher que pour la filiale de BNP Paribas. Dans nos banques partenaires ainsi que dans les autres, nous mettrons à disposition des fonds pour financer la « retraite logement ». Aujourd’hui, nos dépôts à terme sont rémunérés entre 5,5 et 6 %. Pour ce projet, nous allons procéder à des placements autour de 3 % auprès des banques afin que ces dernières puissent accorder des crédits à 5 % après intégration de leur marge, là où les taux de crédits au logement en Côte d’Ivoire se situent actuellement entre 8 et 9 %.

Vous avez également évoqué la possibilité de mettre en place un régime de retraite complémentaire. Où en est ce projet ?

En Côte d’Ivoire, le taux de prélèvement pour la retraite est de 14 %, alors que la moyenne mondiale s’établit aux alentours de 20 %. Nous disposons donc d’une marge potentielle d’au moins 6 %. Dès 2017, nous avons réceptionné une étude pour le déploiement d’un régime de retraite complémentaire et soumis le projet au gouvernement l’année suivante, mais nous attendons le retour de ce dernier.

Quelle couverture proposerait ce régime ?

Nous souhaitons que ce régime devienne obligatoire. À l’heure actuelle, un retraité ivoirien reçoit, au maximum, 50 % de son salaire soumis à cotisation (plafonné à 3 375 000 F CFA, soit 45 fois le Smig). Le régime complémentaire de retraite proposera 20 % de plus, afin d’atteindre l’équivalent de 70 % du salaire.

Envisagez-vous par la suite d’instaurer une assurance chômage ?

C’est également en cours de réflexion. Depuis la crise du Covid, la vulnérabilité de la population est apparue au grand jour. Le gouvernement nous a demandé que l’on travaille à un tel projet et un appel d’offres pour une étude sur l’assurance chômage a été lancé.

Source : Jeune Afrique

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