27 C
Abidjan
mardi 8 octobre 2024
AccueilLe Grand angleOrpaillage clandestin : Quelles solutions ? 

Orpaillage clandestin : Quelles solutions ? 

L’orpaillage clandestin se développe de plus en plus dans de nombreuses régions, en Côte d’Ivoire. Une situation qui entraîne, bien souvent, des violences débouchant sur des morts d’hommes, la destruction de l’environnement, la pollution des eaux causée par l’utilisation du cyanure, un produit toxique.

L’orpaillage clandestin est un véritable fléau. Pour lutter contre ce phénomène qui cause un énorme préjudice aussi bien à l’Etat qu’aux sociétés minières, le gouvernement a mis en place, depuis 2013, le Programme National de Rationalisation de l’Orpaillage (PNRO). Il a pour objectif de réprimer l’orpaillage illicite et de formaliser le secteur, à travers un processus de formation d’artisans miniers par des chantiers écoles. Il s’agit principalement d’améliorer la contribution du secteur de la petite mine à l’économie nationale. Ce qui passe, selon le ministre en charge des Mines, par la poursuite de la création des chantiers écoles dans le secteur de la petite mine, la réactivation de 100 Comités Techniques Locaux (CTL); inopérants avant l’entrée en vigueur du PNRO. Pour le gouvernement, l’organisation de missions de sensibilisation des orpailleurs clandestins sur l’ensemble du territoire, avec l’appui des CTL, permettra de juguler les dégâts de l’orpaillage illégal. Dans la même veine, le renforcement des actions de renseignement et de répression de la Brigade de Répression des Infractions au Code Minier (BRICM) constitue un tournant important dans cette stratégie qui devra à terme, permettre le renforcement de la traçabilité de la production du secteur de la petite mine. Pour intensifier la traque des orpailleurs illégaux, le Conseil National de Sécurité a décidé, le 1er juin 2021, de la création d’un Groupement Spécial de Répression de l’orpaillage illégal en Côte d’Ivoire, une force de près de 560 hommes, dont 460 gendarmes et 100 agents des Eaux et Forêts.

Du pain sur la planche

Depuis 2014, un nouveau code minier régit l’exploitation artisanale de l’or en Côte d’Ivoire. Malgré l’arsenal juridique déployé, les choses ne se sont pas améliorées. « En 2016, ce sont environ 22 tonnes d’or qui ont été illicitement exportées, à partir de la Côte d’Ivoire », indiquait Christine Logbo-Kossi, la Directrice exécutive du Groupement Professionnel des Miniers de Côte d’Ivoire (GPMCI), lors d’un échange avec la presse, le 12 octobre 2017 à Abidjan. A l’en croire, « au niveau mondial, les dernières statistiques disent qu’en Côte d’Ivoire, par exemple, lorsqu’on produit 25 tonnes d’or, il faut savoir qu’il y a la même quantité qui sort de façon illégale. Alors, si nous avons produit 25 tonnes d’or, il y a donc aux alentours de 22 tonnes d’or qui ont échappé aux retombées fiscales dans notre économie. » Christine Logbo-Kossi assure que cette information émane de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) qui fait des recoupements avec des pays arabiques, qui déclarent détenir dans leurs coffres ces quantités de minerais. « Quand ils justifient de l’origine de ces minerais, on peut comprendre donc que ça se passe de façon frauduleuse», analyse-t-elle.

D’ailleurs, selon le ministère de l’Industrie et des Mines, entre 2006 et 2016, l’orpaillage clandestin a fait perdre à l’Etat ivoirien, un montant de 479,22 milliards de F CFA, soit environ 958 millions de dollars.

Des conséquences multiformes

Le nouveau code minier adopté en 2014 exige la création d’une structure légale à toute personne voulant faire de l’exploitation artisanale ou semi-industrielle. Ce texte interdit au détenteur d’un permis d’exploitation de se livrer à des travaux sur les terrains de culture, de même qu’il proscrit l’utilisation de produits chimiques pour préserver la qualité de l’environnement. Des exigences qui ne sont pas respectées par les orpailleurs clandestins, comme le font remarquer de nombreux observateurs et spécialistes de la question. Ainsices activités illégales font-elles planer sur les ressources foncières disponibles pour l’agriculture, de fortes pressions difficiles à gérer pour les communautés riveraines. « Nous constatons que dans les communautés rurales où l’orpaillage se pratique, il y a de plus en plus des conflits fonciers pour le contrôle des terres. Et des tensions constantes entre orpailleurs venus d’ailleurs et les propriétaires terriens », décrypte un enseignant à l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, ayant gardé l’ anonymat. Ce maître-assistant qui conduisait, en 2020, une étude sur l’orpaillage clandestin et la sécurité alimentaire, expliquera que : « les orpailleurs clandestins préfèrent contourner ces lois très contraignantes et rester dans la clandestinité ».

Dans une contribution publiée sur le site Internet de l’European Scientific Journal en septembre 2016, sur les « Impacts sociaux et environnementaux de l’orpaillage sur les populations de la région du Bounkani », des chercheurs ivoiriens ont relevé que cette pratique a un triple impact – sur la faune, sur la flore et sur les ressources en eau – qui la rendent plus que dangereuse. 

Triple impact

« Les activités d’orpaillage sur les sites de Lomidouo et Kintan ont contribué à la perte des espèces fauniques de cet espace due à la déforestation et à la production sonore. L’orpaillage utilise beaucoup de bois, lors du fonçage pour le soutènement des parois des puits. Dès lors, cette activité entraine la destruction de niches écologiques et la diminution de certains animaux. Les activités ayant un impact direct sur la faune sont essentiellement le fonçage et l’installation des orpailleurs sur le site », notent les chercheurs. En ce qui concerne l’impact sur la flore, ils font observer  « une destruction accélérée du couvert végétal », la coupe des arbres pour le soutènement des puits se faisant sur place et sans contrôle. Selon le chef de Cantonnement des Eaux et Forêts de Bouna, qu’ils citent, « aucun orpailleur ne détient d’autorisation de coupe. Le soutènement utilise en moyenne 15 bois (tronc d’arbre) pour un mètre. Un puits nécessiterait environ un chargement, soit environ 400 à 500 troncs d’arbres pour son soutènement. Ce qui fait qu’on assiste à une déforestation de la zone immédiate des deux sites. Par ailleurs, cette destruction du couvert végétal favorise l’érosion et le lessivage ».

L’eau intervenant dans la réalisation de presque toutes les activités de l’exploitation artisanale de l’or, les orpailleurs atteignent la nappe phréatique, lors de leurs activités. La nappe phréatique se situant en moyenne à 14-15 mètres de profondeur, ils ont recours à des motopompes pour évacuer des quantités impressionnantes d’eau. « Ces motopompes sur le site évacuent chacune plusieurs litres d’eau par jour, contribuant ainsi à diminuer le niveau de la nappe d’eau souterraine. Aussi, l’abandon des piles usées à l’intérieur des puits, peut-il polluer les ressources en eaux souterraines. Les moulins qui assurent le broyage du minerai utilisent de l’eau pour refroidir le moteur. Même si la consommation d’eau n’est pas significative à ce niveau, il faut noter le déversement des huiles usées et d’hydrocarbures qui peuvent atteindre les ressources en eaux », notent les chercheurs.

M’Bah Aboubakar

Articles Similaires
spot_img

Articles Populaires

commentaires recents