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lundi 19 mai 2025
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Exploitation sexuelle en Côte d’Ivoire Hommes et femmes abusent des enfants

Une enquête dévoile le phénomène de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales en Côte d’Ivoire. Des données chiffrées indiquent l’ampleur du phénomène, ses causes et ses conséquences sur la vie de ces enfants victimes.

Ce sont 251 enfants qui ont été interrogés dans une étude diligentée par SOS violence et ECPAT (End child prostitution, child pornography and trafficking of children/ Ndrl : en Français « Mettre un terme à la prostitution infantile, à la pornographie impliquant des mineurs et à la traite des enfants »), deux organisations internationales fortement engagées dans la protection infantile. Il ressort de cette enquête que des enfants de moins de dix-huit ans ont subi « toutes sortes de maltraitance sexuelle commise par un adulte et accompagnée d’une rémunération en espèces ou en nature, versée à l’enfant ou à une tierce personne ». Parmi les différentes formes de maltraitance exercées sur ces victimes mineures, la principale est la prostitution. 62% des victimes affirment avoir été exploitées sexuellement. 70% de ces victimes assurent que c’est par le moyen des Technologies de l’information et de la communication qu’elles ont été en contact avec des abuseurs. Au nombre de ces enfants, on compte 130 garçons et 121 filles. L’âge moyen des mineurs victimes d’abus sexuels se situe autour de seize ans. Ces 251 enfants enquêtés sont issus des villes d’Abidjan, Grand-Bassam, Man et Korhogo.

Profil des abuseurs et exploiteurs sexuels
Le rapport brosse un portrait des exploiteurs sexuels d’enfants. Alors que l’on a identifié pendant longtemps les personnes de sexe masculin comme les seuls abuseurs de ces mineurs victimes d’exploitation sexuelle, le constat fait sur le terrain a évolué. « De nombreux témoignages recueillis dans le cadre de la présente étude ont révélé que les femmes recherchaient également des services sexuels payant auprès d’enfants de sexe masculin, mais aussi féminin », révèle l’enquête publiée en 2016. Les victimes interrogées affirment avoir eu des rapports exclusivement avec les hommes à 77,3%, avec les femmes à 1,6% et avec les partenaires des deux sexes à 21,1%. Les exploiteurs ont également un profil d’intermédiaires ou proxénètes et de racoleurs. Ces actes de proxénétisme et de racolage, faut-il le mentionner, sont punis respectivement par les articles 335 et 338 du Code pénal. La peine, pour le proxénétisme peut aller jusqu’à 5 ans de prison.

L’étude dévoile qu’on pourrait parler de tourisme sexuel, dans le cas de la Côte d’Ivoire aussi. En effet, 16% d’enfants interrogés avouent avoir été victimes d’exploitation sexuelle de la part de touristes.

On découvre, par ailleurs, dans cette enquête, que certains enfants peuvent devenir acteurs et coauteurs d’actes répréhensibles dont ils ont, eux-mêmes, été victimes. Une proportion de 2,8% des mineurs reconnaissent qu’ils ont été impliqués dans l’accomplissement d’abus sexuels ou d’exploitation sexuelle d’autres enfants.

Causes de l’exploitation sexuelle
L’étude rédigée par Adèle Larissa Koidio Krouwa et Diego Curutchet Messemer, en qualité de co-auteurs de la recherche, a mis en avant les facteurs d’abus sexuels de ces mineurs. La principale cause qui pousse ces enfants à se livrer à l’exploitation sexuelle est leur condition de vie difficile. « Il s’agit d’abord de facteurs économiques renvoyant à l’extrême précarité des familles et/ou de l’environnement de l’enfant victime », relève l’étude. Les mineurs interrogés soutiennent qu’ils livrent leurs corps aux prédateurs sexuels pour subvenir à leurs besoins.

De plus, les facteurs socio-culturels sont avancés. Il s’agit d’une absence de la protection de la victime par ses parents, l’influence de l’enfant par son cercle amical, une mauvaise exploitation de la pratique de confiage des enfants par leurs parents à un membre de la famille élargie ou à toute autre connaissance. Parmi les enfants interviewés, 13,5% affirment vivre avec leurs parents biologiques, alors que 13,6% vivent chez un des deux parents. Le gros lot, 32,8%, vivent chez d’autres membres de leur famille et 22% avec des personnes sans lien de parenté. 9,7% de ces 251 enfants disent vivre seuls.

Du point de vue socio-économique, l’étude note que 53% d’enfants étaient des élèves ou des étudiants, au moment de l’enquête. Dans le même temps, 21,5% exerçaient une fonction dans le secteur informel. Il s’agit des métiers de personnel de maison, de serveur de maquis ou de restaurant, de vendeur ambulant, de coiffeur, de couturier ; 8% étaient sans emploi, tandis que 17,5 de ces enfants s’identifiaient eux-mêmes comme des prostitués. Par ailleurs, ce sont 82,4% des enfants scolarisés qui ont invoqué comme raison de leur pratique de la prostitution, la recherche d’un moyen de payer leurs études.

Quelles que soient les causes de cette exploitation sexuelle, elle ne manquera pas d’avoir des effets négatifs sur les victimes.

Des conséquences graves pour les mineurs
Les effets des abus sur le corps des enfants sont visibles. Sur le plan physique, les conséquences peuvent renvoyer aux risques d’exposition aux Infections Sexuellement transmissibles (IST), notamment le VIH-SIDA. À cet effet, selon les chiffres de l’ONUSIDA, avec une prévalence de 1,9% en 2021, la Côte d’Ivoire comptait près de 380.000 personnes vivant avec le VIH, dont 18.000 enfants.

Il y a également les risques de contracter des grossesses non désirées et les violences physiques qui existent dans le milieu de la prostitution. Ce phénomène de grossesses non désirées a été observé effectivement chez des mineures en milieu scolaire ivoirien où le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a documenté 3588 cas de grossesses précoces, de septembre 2022 à avril 2023.

Sur le plan psychologique, l’on notera des changements au niveau du comportement, mais également de l’état émotionnel des sujets soumis à l’exploitation sexuelle. Cela va se traduire par un comportement violent, agressif et quelquefois orienté vers la propre personne de la victime et d’autrui. Ce qui ne peut être que l’expression d’un mal-être chez l’enfant voire d’un déni de sa condition de personne victime. Et le rapport d’enquête de déduire : « un sentiment de responsabilisation précoce peut interrompre le processus normal de développement à la période de l’enfance ».

Des conséquences sociales sont également constatées. Cela va se traduire dans le vécu par la stigmatisation d’enfants perçus par la société comme déviants, provocateurs, incitateurs à la débauche et non comme des victimes d’exploitation sexuelle. « La société semble opter pour une stratégie de rejet et d’exclusion de l’enfant victime, contribuant à son repli sur soi, à la destruction de ses liens sociaux et à la compromission subséquente de sa capacité d’intégration, une fois adulte », fait observer l’étude.

L’Etat ne manque pas d’initiatives pour mener la riposte à l’effet d’endiguer le fléau de la prostitution infantile. La Côte d’Ivoire est signataire de traités régionaux et internationaux. Elle dispose également d’un arsenal juridique assez protecteur pour l’enfant. Néanmoins, l’étude fait un certain nombre de recommandations au gouvernement. Elle appelle à un renforcement des mécanismes de prévention et de résolution des défis auxquels sont confrontés ces victimes mineures. Enfin, elle recommande la création d’un fonds d’indemnisation spécifique pour les victimes d’exploitation sexuelle.

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