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samedi 27 avril 2024
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Effondrement d’immeubles : Les vraies raisons de ces drames récurrents

Corruption des agents et organes de contrôle, insouciance des maîtres d’ouvrages et manque de réactivité des autorités expliquent les effondrements d’immeubles qui se multiplient dans le pays, principalement à Abidjan.

Récit inédit du drame de la 9e Tranche
Angré 9e Tranche, dans la commune de Cocody. Ce dimanche 6 mars 2022, après une journée bien remplie, KF rentre à la maison avec sa famille. Epuisé et son épouse n’ayant pas eu le temps de faire la cuisine, il entre dans le maquis attenant à l’immeuble dont il occupe un appartement au rez-de-chaussée, où il se fait servir un poulet et du poisson, puis il rentre chez lui. Il est presque 23 heures. Quelques minutes plus tard, deux boutiquiers ayant leurs commerces contigus à l’appartement de KF en sortent précipitamment. Questionnés par Gueu Francis, le tenancier du maquis, l’un d’entre eux indique que « le bâtiment tremble ».
Intrigué, le gérant du maquis s’aventure dans l’entrée principale de l’immeuble de 4 étages. Il aperçoit une fissure béante sur l’un des murs intérieurs et ressent, lui aussi, des tremblements. Il ressort et frappe immédiatement à la porte de KF mais personne ne répond. « J’ai entendu une grosse déflagration et je suis sorti en courant », raconte-t-il. L’escalier qui mène au 4ème étage venait de s’affaisser. Tout de suite après, les 3ème et 4ème étages s’effondrent du côté de l’appartement de KF. C’est le drame. Les minutes qui suivent, seront infernales. Le bilan de cette nuit s’élève à 6 décès.
Au-delà du drame humain qui s’est joué cette nuit-là à Angré, il s’agit surtout de questionner les conditions dans lesquelles ces bâtiments qui s’effondrent comme des châteaux de carte ont été construits. Certains riverains rencontrés ont affirmé que le bâtiment présentait des fissures, ce qui avait inquiété certains habitants. « Des locataires ont dit à la propriétaire que le bâtiment n’était pas stable et que l’eau coulait dans les murs. Elle est venue, a promis de faire des travaux mais elle n’a finalement rien fait », témoigne une riveraine.
Une semaine auparavant – le 27 février 2022 – la même catastrophe s’est produite à Treichville où un immeuble en construction de 7 étages s’effondrait, tuant 7 personnes.

Permis de construire inexistants
Les événements de ces derniers jours remettent sur la table les conditions dans lesquelles les immeubles sont construits à Abidjan. Les interrogations tournent notamment autour de l’existence des autorisations nécessaires pour construire, et les conditions dans lesquelles ces précieux sésames sont délivrés. Dans les deux derniers cas, selon le ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement, les immeubles qui se sont effondrés ne disposaient pas de permis de construire. Les propriétaires ont donc passé outre les dispositifs législatifs et réglementaires en vigueur et ont royalement ignoré les campagnes récurrentes de sensibilisation. Cette violation des normes de construction et d’urbanisme mises en place pour garantir la qualité des bâtiments, la sécurité des utilisateurs et la protection de l’environnement est donc à l’origine des drames de Treichville et d’Angré. Une situation dénoncée par le président du Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA) qui appelle à plus de professionnalisme dans le secteur de la construction. « C’est avec regret et tristesse que nous voyons un drame pareil se produire (…) Il y a trop de choses qui se passent, trop de choses qui se sont passées et il faudrait que nous arrivions à déterminer avec exactitude les causes de ces effondrements », a-t-il regretté. Et le président du CNOA de rappeler leurs nombreuses alertes. « Nous avons, à maintes reprises, relevé que plusieurs de ces bâtiments avaient été réalisés par des non-professionnels tels que des architectes, des ingénieurs-conseils », a expliqué Joseph Amon.

Sanctions pour les propriétaires et contrôleurs
Le Gouvernement a décidé de prendre des mesures pour renforcer le contrôle des constructions et pour éviter pareilles situations à l’avenir. Ainsi, en sa session du mercredi 9 mars 2022, le Conseil des ministres a-t-il décidé de mettre en place une brigade de contrôle mixte incluant les mairies, les districts et la Direction de l’Assainissement Urbain et du Drainage. Désormais, les maîtres d’ouvrages (propriétaires de bâtiments) ne respectant pas les lois en vigueur seront poursuivis devant les tribunaux. De même, les responsables administratifs ayant laissé poursuivre des travaux de constructions non régularisés, après de premiers contrôles, seront sanctionnés. Le Porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a révélé l’incarcération des propriétaires deux derniers immeubles qui se sont effondrés.
Pour le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Bruno Nabagné Koné, « ces accidents sont évitables si tous les concernés sont plus conscients de leurs propres responsabilités ». Le ministère, a promis Bruno Koné via Twitter, « continuera à monter en puissance dans son action de sensibilisation, mais également de contrôle et de démolition des constructions à risque ». Le patron de la Construction n’a pas manqué de rappeler que « le permis de construire est obligatoire pour toute construction en milieu urbain, de même que le recours à un architecte, à un bureau de contrôle ou à un ingénieur-conseil pour la conception de l’ouvrage, le suivi et la supervision des travaux (au-delà de R+2) ». « Construire est une affaire de professionnels. Ne risquons pas nos vies et celle des autres pour quelques économies ou en rusant avec l’Etat et nos lois. Soyons des citoyens responsables », a recommandé Bruno Nabagné Koné.

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