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lundi 3 juin 2024
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Disparu en 1983 : Ernesto Djédjé, 40 ans déjà !

Décédé le 9 juin 1983, à Yamoussoukro, dans des circonstances troubles, Ernesto Djédjé était un artiste chanteur aux multiples talents. Danseur hors pair, poète fabuliste, musicien et arrangeur, la mémoire de ce héros de l’épopée musicale ivoirienne continue de se raconter au pluriel.

C’est à l’âge de 35 ans que Djédjé s’éteint brutalement. L’artiste chanteur qui se nomme Ernest Blé Djédjé Loué, à l’état civil, incarne la fusion de plusieurs influences musicales. Il s’agit du cubain, de la soul music, du funky, mais  aussi du tohourou, un art musical du terroir bété d’où il est originaire. Le natif de Tahiraguhé, dans le département de Daloa, qui ponctuait ses déhanchés d’un coup de tête, savait tenir en haleine son public par son puissant jeu scénique. Le parcours de vie de l’artiste n’a pas été de tout repos. Il naît de l’union d’un père sénégalais  et d’une mère ivoirienne, originaire de Daloa, se nommant Dapia Blé. Abandonné à sa mère, l’enfant sera élevé par celle-ci et ses frères. Ses oncles maternels le baptisent du nom initiatique de « Djédjé », qui signifie l’iroko, un arbre sacré, chez les Bété. À l’âge de dix ans, l’adolescent est initié au tohourou. Il développe ses qualités vocales et lyriques et il s’imprègne des mythes de sa tradition. A seize ans, celui que ses admirateurs  surnomment « Zouzou », forme avec son ami Mamadou Kanté, un orchestre de fortune appelé « Les Antilopes ». Les deux artistes sont repérés par Amédée Pierre, le « père » du « dopé » (le rossignol, en bété, en raison de sa voix langoureuse).

 « L’Oasis du désert » à Treichville

Ces derniers intègrent l’orchestre d’Amédée Pierre dénommé « Ivoiro Star Band ». Leurs prestations au bar-dancing « L’Oasis du désert », le temple mythique d’Amédée Pierre, fréquenté par la jeunesse branchée d’Abidjan, cristallisent les passions. Djédjé, alias le « Gnoantré » (épervier, en bété), est nommé chef d’orchestre. Contre toute attente, le chanteur quitte cette belle aventure musicale. Il embarque pour la France, en 1968, où il entame des études en informatique. Ernest Djédjé Blé Loué fait la rencontre de Manu Dibango, un arrangeur avec qui il fait ses premiers 45 tours, à Paris. On retiendra de cette collaboration, la sortie des titres comme « Anowa » (1970) et « Mamadou Coulibaly » (1973), qui font écho à Abidjan. L’artiste ne résiste pas à l’appel du pays. Après son passage à San Pedro où il crée une formation musicale, il s’installe à Abidjan. Le poète-fabuliste prend attache avec le fondateur du label Badmos Store, qui se nomme Raïmi Gbadamassi. Nous sommes en 1977. C’est l’année charnière pour ce danseur né.

 Ziboté, l’hymne du succès

Le ziglibithy naît cette année et Djédjé en est intronisé « roi » par son public. Il sort son album dont  « Ziboté » est le titre éponyme. L’icône de la jeunesse est propulsée au sommet des hits de la sous-région. Le chanteur a réussi la prouesse de créer un rythme musical « n’zassa » (de mélange, en langue locale). Cette créativité s’affranchit des sonorités de l’afro-cubain, de la soul, de l’afro-beat qui dictent le tempo musical de l’époque. Avec cet opus, Djédjé entame une carrière internationale. Il  fait des tournées artistiques dans la sous-région, en Afrique centrale et au Liberia. Son parcours avec son nouvel orchestre, « Les Ziglibithiens »,  est couronné par la consécration. Le chanteur est primé meilleur musicien de l’année 1976-1977 par  Référendum Ivoire Dimanche. Sur le plan local, le « roi » du ziglibithy anime les soirées de gala de la présidence de la République. L’artiste a les faveurs du président Félix Houphouët-Boigny. Hélas, il rencontre son destin à Yamoussoukro, le 9 juin 1983, dans des circonstances brumeuses. Une année auparavant, il avait produit un album intitulé « Tizéré ».

Le « père » du ziglibithy laisse à la postérité, une discographie colorée que ses héritiers artistiques comme Johnny Lafleur, Blissy Tebil, John Yalley, Luckson Padaud  et autres, auront du mal à perpétuer. Le natif de Tahiraguhé a eu quatre enfants de trois lits.

La stèle majestueuse de l’artiste qui trône à la façade principale de l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC) de Cocody,  est la preuve vivante que Djédjé repose à jamais au Panthéon du patrimoine culturel ivoirien.

Firmin YOHA

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