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dimanche 27 octobre 2024
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Dépression périnatale : Un trouble peu connu

Si la dépression est reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme la première cause de morbidité et d’incapacité dans le monde, l’on parle en revanche très peu de la dépression périnatale, affection qui concerne les femmes enceintes et les jeunes mères.

La particularité de la dépression périnatale, selon la psychologue Maeva Bauer, est sa survenue : lors de la grossesse (on parle de dépression prénatale) ou lors de la première année de vie de l’enfant (il s’agit ici de dépression postnatale). Cependant, il n’existe pas toujours de frontière temporelle entre la dépression prénatale et la dépression post-partum, d’où son appellation « dépression périnatale ». Les mères qui vivent une dépression périnatale peuvent ressentir une culpabilité excessive envers leur bébé, l’impression d’avoir de la difficulté à développer un lien affectif avec lui, un sentiment d’incompétence maternelle, de la honte, de l’irritabilité, ou encore manifester une phobie d’impulsion.

Un trouble à connaître

Selon les experts, les signes qui alertent sur la survenue de la dépression périnatale sont, notamment le sentiment d’être dépassée, les pleurs répétés, la difficulté à créer des liens d’attachement avec son enfant et des doutes sur sa capacité à prendre soin de soi et de son bébé. Il faut ajouter à ces signes, une grande fatigue, un sentiment de vulnérabilité marqué, un rejet du bébé, une tristesse envahissante, une irritabilité, de la colère, une importante anxiété, des troubles somatiques, notamment des maux de tête, de dos…Généralement, ce trouble psychique – qui passe inaperçu – est causé par plusieurs facteurs, à savoir les changements hormonaux causés par la grossesse, le manque de sommeil, l’épuisement, les énormes changements de vie provoqués par l’arrivée du bébé. Il faut ajouter à cela, la fatigue post-grossesse et post-accouchement, le stress, l’absence de soutien pendant cette période importante, un accouchement difficile, stressant, qui ne se passe pas comme prévu ou traumatisant, les changements organisationnels engendrés par l’arrivée du bébé, un bébé présentant des difficultés de sommeil, d’alimentation,…

Un problème de santé publique

Pour la psychologue Yao Esther Doris épse Kra, la dépression périnatale « constitue un problème de santé publique majeur (Ndlr en Côte d’Ivoire) en raison de sa prévalence (environs 15%). ». Dans une étude intitulée « Dépression maternelle prénatale et poids de l’enfant à la naissance à l’hôpital général d’Abobo », qu’elle a conduite dans cette commune d’Abidjan, elle indique qu’ « une femme sur sept présente un épisode dépressif entravant de manière significative son rôle maternel ». De même, assure la psychologue, la dépression est considérée comme la deuxième maladie la plus handicapante pour les femmes en âge de procréer. « Ce qui donne un caractère particulier à la dépression périnatale c’est le contexte dans lequel elle se produit et les effets qu’elle a sur le fœtus, le jeune enfant et les autres membres de la famille », fait remarquer Yao Esther Doris épse Kra. Son étude, publiée en 2014 dans la revue Ivoirienne d’anthropologie et de sociologie « Kasa Bya Kasa » a concerné 200 femmes. Ramenés à l’échelle nationale, ces chiffres révèlent l’ampleur d’une pathologie mal connue et surtout mal appréciée dans la société ivoirienne.

Conséquences sur la mère et l’enfant

La dépression périnatale, selon les résultats de l’étude de la psychologue, peut être associée à une insuffisance de soins maternels, une mauvaise alimentation, des soins médicaux insuffisants, un désintérêt pour les activités quotidiennes notamment. L’une de ses conséquences serait une réduction de la croissance fœtale – faible poids de naissance – et un accroissement du taux d’infection chez le nouveau-né et l’enfant.« Or, le développement physique et psychologique d’un enfant est étroitement lié à l’état de santé générale de la mère », stipule Dr Yao. Ainsi, une mère en bonne santé psychologique, pendant la grossesse, entretient des relations de qualité avec l’enfant qu’elle porte. La nature de cette relation entretenue pendant la période prénatale conditionne le poids de l’enfant à la naissance. C’est dire que l’état psychologique de la mère pendant la grossesse joue un rôle important dans la détermination du poids des enfants à la naissance.« Le poids à la naissance est révélateur de plusieurs aspects du développement fœtal et relativement facile à mesurer. Il est largement utilisé depuis longtemps dans les statistiques comparatives. Le poids est le principal indicateur indirect d’une amélioration de la santé périnatale. La santé du nouveau-né à la naissance dépend beaucoup de sa maturité et de son poids. Elle est aussi conditionnée par la qualité et l’hygiène des soins pre-partum (ndlr ;la période allant de six mois de grossesse à sept jours après l’accouchement), et l’investissement », explique Dr Yao Esther Doris.

Outre le faible poids du bébé, la dépression prénatale peut engendrer d’autres conséquences telles que la modification du développement des systèmes biologiques associés au stress chez le fœtus, mais aussi accroître le risque de complications pendant la grossesse et l’accouchement, l’envie de suicide de la mère…

Pour y remédier, les experts proposent de se faire accompagner psychologiquement. Il est parfois nécessaire de recourir à un traitement médicamenteux, lorsque la dépression est sévère. Si les symptômes sont observés dans l’entourage, il convient aussi d’adopter certaines mesures en vue de les soulager. Les experts préconisent notamment d’être à l’écoute de la souffrance de la mère sans la minimiser, de créer un espace d’échange et de dialogue sans jugement,  d’organiser une aide pratique dans la réalisation des tâches quotidiennes. Ils conseillent surtout de consulter un professionnel qui pourra aider la mère à traverser cette épreuve. .

Marina KOUAKOU

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