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mercredi 25 septembre 2024
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Mutilation génitale féminine : Une pratique à la peau dure

Malgré la sensibilisation régulière, les Mutilations Génitales Féminines (MGF) persistent dans la société ivoirienne. Clandestine, cette pratique fait encore et toujours des victimes dans la gent féminine.

En Côte d’Ivoire, les Violences Basées sur le Genre (VBG) sont une tradition profondément enracinée. En dépit de toutes les stratégies pour la réduire à des proportions acceptables, 36,7% de femmes sont touchées par la pratique de l’excision dont 10% de filles de moins de 14 ans, selon la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant.  Nassénéba Touré a fait cette déclaration, lors de la cérémonie officielle de la Journée Mondiale de Lutte contre les Mutilations Génitales Féminines (MGF) qu’elle présidait. Ces chiffres ont été révélés, lundi 6 février 2023, par la ministre,  à l’occasion de ladite  Journée Mondiale  qui se tenait à Man – dans l’ouest du pays. Ils donnent une idée de l’ampleur d’une pratique qui résiste au temps. Si elle a déploré, à cette occasion, les risques des MGF sur la santé de la femme, l’émissaire du gouvernement  a invité à s’investir davantage dans la lutte et à soutenir les victimes,pour faire écho au thème de cette édition : « Partenariats avec les hommes et les garçons pour transformer les normes sociales et de genre afin de mettre un terme aux MGF».

C’est quoi les MGF

Les Mutilations Génitales Féminines ou Mutilations Sexuelles Féminines, regroupent, selon Dr Yao Kouadio Côme, gynécologue-obstétricien, « toutes les interventions qui consistent à  l’ablation partielle ou totale des organes génitaux de la femme. A cela, on inclut également toute autre intervention au niveau de la région génitale de la femme mais pas dans un but thérapeutique ». Le médecin distingue quatre types de MGF. D’abord le type 1 qui consiste à l’ablation du capuchon du clitoris uniquement et le type 2 qui, en plus de l’ablation du capuchon du clitoris, fait intervenir également l’ablation partielle ou totale des petites lèvres. Il existe ensuite le type 3 encore appelé l’infibulation, qui en plus de l’ablation du capuchon du clitoris, de l’ablation partielle ou totale des petites lèvres ajoute la fermeture par suture des grandes lèvres, ne laissant seulement qu’un petit pertuis – une ouverture – pour laisser passer les urines et le flux menstruel. Quant au type 4, il regroupe toutes les autres lésions qui peuvent survenir au niveau de la vulve, notamment les piercings, les produits caustiques que les filles utilisent souvent.

Les conséquences sur les victimes

Les MGF se pratiquent pour diverses raisons selon les experts. Il s’agit notamment des raisons socioculturelles, traditionnelles et psychologiques (esthétiques et hygiéniques, protection de la virginité, baisse du désir et vagabondage sexuels, chasteté). Pourtant, elles entrainent des conséquences immédiates, à moyen  terme et même des conséquences psychologiques.Dans l’immédiat, la victime peut ressentir des douleurs très intenses, accompagnées de peur d’angoisse, de chocs ( hémorragies souvent abondante), transmission du VIH/SIDA, du virus de l’hépatite, les infections de la plaie, rétentions urinaires, lésions des organes voisins y compris la mort. A moyen terme, ilpeut s’agir des douleurs de la cicatrice, des douleurs chroniques, des infections génitales et urinaires, abcès, kystes vulvaires, lésions des organes environnants, stérilité, accouchements longs et difficiles, déchirures vaginales et périnéales pendant l’accouchement. A cette liste, il faut ajouter les saignements abondants lors de l’accouchement, les fistules, les mortsnésliés à l’accouchement difficile, lesdécès de la mère pendant l’accouchement. Lesconséquences d’ordre psychosociales quant à elles, peuvent entrainer les troubles de la sexualité, la peur des rapports sexuels, la frigidité, le rejet du conjoint provoquant des disputes dans le couple, l’infidélité, le divorce…

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 91,5 millions de femmes et de filles de plus de 9 ans vivent actuellement en Afrique avec les conséquences des Mutilations Génitales Féminines.

La chirurgie réparatrice : une solution 

Avec l’évolution de la médecine, il est maintenant possible d’obtenir une réparation médicale via la chirurgie réparatrice. La chirurgie réparatrice des survivantes, (femmes excisées), consiste à repositionner le reste du clitoris. « Le clitoris en lui-même est long, il fait à peu près 10 cm, et les exciseuses amputent une partie (un demi-cm ou 1 cm). Ellesamputent aussi les lèvres, les petites lèvres. Ainsi, pour réaliser cette chirurgie, il faut d’abord enlever la cicatrice, disséquer le reste du clitoris et le repositionner. En fait c’est le même organe avec la même sensibilité et les mêmes innervations », explique le gynécologue obstétricien, Dr Yao Kouadio Côme. La praticienne  informe que pour bénéficier de cette intervention à Abidjan, il faut se rendre se rendre à l’hôpital de police d’Abidjan ou contacter une ONG de prise en charge.« On ne peut pas évaluer le coût. Il n’est pas codifié comme la césarienne qui dispose d’une nomenclature internationale des actes médicaux qui existe et qui permet de déterminer le montant. Il n’y a pas de coût évalué et puis c’est du social qu’on veut faire. Il y a un coût pour pouvoir réunir tout le matériel, mais il est variable », détaille le spécialiste.

Ce que dit la loi 

Pour lutter contre les MGF, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’un certain nombre de textes.L’article 5 de la Constitution – révisée en 2016 – vise et interdit spécifiquement les MGF : « L’esclavage, la traite des êtres humains, le travail forcé, la torture physique ou morale, les traitements inhumains, cruels, dégradants et humiliants, les violences physiques, les mutilations génitales féminines, ainsi que toutes les autres formes d’avilissement de l’être humain qui sont interdits ».

Le Code de procédure pénale prévoit, pour celui qui commet une MGF, une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et une amende de 360.000 FCFA à deux millions FCFA. La peine est portée au double, lorsque l’auteur appartient au corps médical ou paramédical. Citons également l’adoption de la loi n°2019-574 du 26 juin 2019 portant code pénal, qui abroge en son art 564, la loi n°8l-640 du 31 juillet 1981 instituant le code pénal et la loi n°98- 757 du 23 décembre 1998 portant répression de certaines formes de violences à l’égard des femmes.

Au niveau international, le pays s’est engagé à divers niveaux pour la lutte contre ce fléau. Ces engagements se sont traduits par la ratification  de nombreux accords ou traités.Notamment la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Violence à l’égard de la Femme (CEDEF) en 1995 et  le  Protocole facultatif de la CEDEF, en octobre 2011, le Protocole à la Charte Africaine sur les Droits des Peuples relatifs aux Droits des Femmes (protocole de  Maputo), en septembre 2011 et la Convention sur les Droits de l’Enfant  en 1991. Pour finir, La Côte d’Ivoire s’est engagée, lors de la conférence internationale sur la population et le développement (tenue en 2019 à Nairobi au Kenya), à réduire les mutilations génitales féminines de 36,7 % à 15 % d’ici 2030.

Marina KOUAKOU

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