Seulement 3,87 % des femmes utilisent le préservatif féminin, encore appelé le femidom. Dans le contexte de lutte contre le VIH/SIDA et de promotion de la santé reproductive, le préservatif féminin est pourtant l’une des méthodes de protection les plus sûres, à l’instar du condom, pour les hommes.
Le préservatif féminin peine à trouver une large adhésion auprès du public féminin. D’après une étude menée en 2023 par l’Agence Ivoirienne du Marketing Social (AIMAS), seulement 3,87 % des femmes utilisent le femidom, tandis que 96 % d’entre elles n’en veulent pas.
Pourquoi cette méthode de contraception est-elle si peu utilisée ?
Stéphanie Yéo, sociologue et experte en protection sociale, a déclaré à Le Tamtam Parleur que le fémidom a été conçu pour la femme, comme une alternative pour les femmes dont les partenaires ne voulaient pas se préserver. « Le préservatif féminin ne fait pas l’unanimité auprès des femmes », relativise Bénédicte Bolou, promotrice d’événements culturels. Cette dame renchérit que le préservatif féminin est une mauvaise idée. D’où le fait qu’il n’a pas pu prospérer. Le Chef cellule IST-VIH Sida à AIMAS, Romaric Kouassi, confie que l’utilisation de ce préservatif reste limitée en Côte d’Ivoire pour la gente féminine, au vu des différentes barrières. Il précise par ailleurs qu’au-delà des MST-SIDA, le fémidom offre la possibilité à la femme de choisir de contracter ou pas une grossesse.
Le condom préféré au femidom
Une enquête réalisée en 2023 par l’AIMAS auprès des travailleuses de sexe (TS) dans les villes d’Abidjan, San-Pedro et Yamoussoukro fait ressortir que seulement 3,27 % des femmes utilisent le préservatif féminin au niveau national, contre 93 % qui préfèrent le port du préservatif masculin. En outre, l’étude nous apprend qu’une travailleuse du sexe pratique, en moyenne, 42 rapports sexuels en 48 heures d’affilée. Fort heureusement,a fait savoir Romatic Kouassi, les travailleuses du sexe, plus exposées, ont facilement adopté le préservatif féminin. « Celui-ci leur offre une option de protection avec des partenaires qui refusent de se protéger », commente Romaric Kouassi de l’AIMAS. Notre interlocuteur ajoute que tous les clients n’acceptent pas le port du fémidom par les TS. Le fémidom protège pourtant aussi contre le contact peau-à-peau qui peut parfois être un facteur de transmission pour certaines infections comme le papillomavirus à l’origine, comme on le sait, du cancer du col de l’utérus.
Selon Romaric Kouassi, la promotion du fémidom a été plus vulgarisée dans les pays anglophones que dans les pays francophones d’Afrique. « Cela est dû au fait que le VIH/SIDA était plus féminisé et les femmes ont été plus exposées que les hommes dans les pays anglophones », explique-t-il. L’ONUSIDA a indiqué que 4,8 millions de femmes en Afrique du sud, vivent avec le virus. 6 voire 7 Sud-africaines sur 10 ont été violées une fois dans leur vie, déclare Romaric Kouassi. Dans ce pays, la majorité des femmes portent le fémidom de peur de contracter le VIH SIDA au cours d’un viol.
Pourquoi le fémidom ne prospère pas en Côte d’Ivoire
Le principal obstacle est le coût, nous explique Romaric Kouassi. Le condom est vendu à 300 FCFA pour un paquet de trois unités, disponible en boutique et dans d’autres points de vente. En revanche, le fémidom, qui est destiné à un usage unique, se vend entre 1200 FCFA et 1500 FCFA dans certaines pharmacies, et l’unité à 1000 FCFA auprès des ONG. “Avant, pour changer, ma copine devenue aujourd’hui ma femme portait le préservatif féminin, mais je sentais le rebord du caoutchouc, ce n’est pas confortable », réagit Abou Sanogo. Adeline Bah Bi déclare avoir « trouvé les dispositions prises pour porter le fémidom assez complexes ». Elle affirme donc avoir abandonné. La cherté du fémidom et son inaccessibilité sont dénoncées par Romaric Kouassi. « Cette différence de prix constitue un frein pour de nombreuses femmes », avoue-t-il. D’après notre interlocuteur, contrairement au préservatif masculin, qui peut être facilement enfilé avant un rapport sexuel, le préservatif féminin nécessite une certaine maîtrise pour son insertion correcte, ce qui peut décourager son utilisation, notamment en raison de la gêne ressentie ou du manque d’expérience. C’est tout le contraire du condom qui peut se mettre à l’aveuglette. L’autre frein réside dans la complexité du retrait du fémidom, qui oblige la femme à être dans une position assise. Face à tous ces obstacles, il est compréhensible qu’il ne soit pas aussi largement adopté que le préservatif masculin, tranche Romaric Kouassi.
Inverser la tendance au rejet du fémidom
Pour amener les femmes à recourir au préservatif féminin, le Chef cellule IST VIH-SIDA de l’AIMAS, Romaric Kouassi, propose que les acteurs et le gouvernement intensifient la promotion du fémidom auprès des jeunes, même si de nos jours la vulgarisation de la prophylaxie (PrEP), ces comprimés pris avant les rapports sexuels pour prévenir le VIH/SIDA, fait que la jeune génération néglige l’utilisation du préservatif. M. Kouassi suggère également que le fémidom soit subventionné, au même titre que le préservatif masculin, utilisé à 97 % par les jeunes.
En Côte d’Ivoire, 420 000 personnes vivent avec le VIH/SIDA, dont 64 % sont des femmes, rapporte le site abidjan.net. Chez les jeunes, le taux de prévalence reste très élevé. De 92,4 % en 2023, ce taux est demeuré à 90,1% en 2024, marquant un très faible recul, nonobstant les nombreuses campagnes de sensibilisation.