Le mois d’octobre est mis à profit pour sensibiliser sur le cancer du sein à travers l’initiative « Octobre rose ». Une occasion de parler de cette maladie et d’enseigner les moyens de la prévenir.
Prévenir le cancer du sein doit essentiellement passer par la mise en pratique de plusieurs attitudes – limiter l’alcool et être physiquement actif – puisque les antécédents familiaux ne peuvent disparaître. Il faut donc éviter la cigarette, réduire au minimum la consommation de l’alcool, contrôler régulièrement le poids, surveiller l’alimentation – manger sainement, éviter les aliments gras – privilégier l’allaitement maternel, pour celles qui allaitent… Les résultats des dernières études démontrent que ce mode de vie est le moyen de lutte véritable contre cette maladie qui est « la première cause de mortalité par cancer chez les femmes ». Les spécialistes expliquent que la consommation d’alcool par jour ne devrait pas excéder un verre de vin au risque, pour les femmes, d’être de plus en plus exposées au cancer du sein.
Si la consommation du tabac est en lui-même un danger et un facteur de risque, les femmes pré-ménopauses devraient s’abstenir d’en consommer. A cela s’ajoute le surpoids ou l’obésité qui peut augmenter le risque de cancer du sein, surtout si l’obésité survient plus tard dans la vie, après la ménopause.
Il est aussi important de pratiquer l’auto examen – la palpation du sein, qui reste la première manière de dépister le cancer. Il est également indiqué de rendre visite une fois par an à un médecin et de consulter des spécialistes pour un examen beaucoup plus poussé lorsqu’on n’arrive pas soi-même à détecter un changement. Cette recommandation est plus importante pour les personnes qui ont eu dans leur famille, une maman, une tante, une sœur, qui a souffert de ce mal », conseille docteur Mévo Seton Jean-Luc, cancérologue.
Les signes du cancer du sein
En général, le cancer du sein se présente sous un changement inhabituel au niveau des seins. Il peut s’agir d’une rougeur, d’une déformation, d’une rétraction au niveau du mamelon ou d’une induration d’une partie de la peau. Un aspect de peau d’orange ou un écoulement (en dehors de la période des règles), au niveau du sein. « Dès l’apparition de ces symptômes, il faut impérativement consulter un médecin », conseille le spécialiste. Il peut aussi prendre des formes très variées, d’où l’importance d’examens médicaux complets. « Une femme présentant des anomalies persistantes – durant plus d’un mois, en règle générale – devrait passer des examens, notamment radiologiques, voire faire un prélèvement de tissus (biopsie) pour déterminer si une grosseur est maligne (cancéreuse) ou bénigne. À un stade avancé, le cancer peut perforer la peau et provoquer des lésions ouvertes (ulcères) qui ne sont généralement pas douloureuses. Le cancer du sein peut se propager à d’autres parties de l’organisme et provoquer d’autres symptômes. Le plus souvent, les ganglions lymphatiques situés sous le bras sont le premier signe de propagation détectable. Il arrive toutefois qu’on ne sente pas des ganglions lymphatiques porteurs de cancer », prévient l’OMS qui a publié une étude sur la question. A en croire l’organisation mondiale, de nombreuses causes, autres que le cancer, peuvent être à l’origine de l’apparition de grosseurs dans le sein. « Pas moins de 90 % des grosseurs mammaires ne sont pas cancéreuses. Parmi les anomalies non cancéreuses qui se développent dans le sein figurent des tumeurs bénignes comme les adénofibromes et les kystes mammaires, ainsi que des infections », atteste-t-elle.
Etat des lieux en Côte d’Ivoire
Le cancer du sein en Côte d’Ivoire se dépiste de plus en plus tôt, contrairement aux années précédentes. « Les cas que nous rencontrions étaient vraiment avancés avec des ulcérations. De plus en plus de femmes et jeunes filles viennent spontanément se faire dépister quand elles ont des soucis et même quand elles n’en ont pas au niveau du sein. Elles n’attendent pas le mois de la lutte contre le cancer du sein. On améliore la survie de nos patients avec la radio thérapie. Il y a également des avancées sur la sensibilisation », révèle docteur Mévo Seton Jean-Luc. La plupart de ces cas, souligne-t-il, surviennent entre 45 ans et 65 ans. « Il s’agit du cancer du sein sporadique parce qu’il y a la forme héréditaire. En Côte d’Ivoire comme ailleurs, le cas de cancer sporadique est élevé. Le cancer héréditaire représente 5 à 10% des cancers du sein », indique-t-il. Avant d’ajouter que la forme sporadique est liée à une imprégnation hormonale prolongée, citant le cas d’une jeune fille qui a eu une puberté précoce (avant 12 ans) et une ménopause tardive (après 55 ans). « Elle a eu une longue imprégnation hormonale et a été exposée pendant longtemps aux hormones. C’est l’action répétée des hormones sur les cellules au niveau du sein qui va finir par entrainer le cancer du sein de type sporadique. Le risque, pour ce qui est de la forme génétique, est plus accru à partir de 30 ans », affirme-t-il.
Prise en charge
Depuis 2017, le gouvernement a décidé d’améliorer l’accessibilité des populations aux thérapies innovantes, en prenant en charge les 10% des frais qui étaient à la charge de chaque patient, soit 100.000 FCFA. Mais les frais de la prise en charge restent toujours aussi élevés pour les malades. « Les médicaments sont importés, raison pour laquelle ils sont chers. Il y a 5 ans ou 6 ans, la boîte de 80 mg de docetaxel revenait à un peu plus de 200.000 FCFA. Aujourd’hui on peut l’avoir à 35 000FCFA », indique le cancérologue. Lorsque le cancer est localisé et qu’il n’y a pas de métastase, les patients paient 300.000 FCFA au minimum par séance de chimio y compris les facteurs de croissance. Pourtant, « il faut 6 séances à cure de chimio. La radio thérapie qui se fait quand la maladie n’est pas avancée coûte 50.000 FCFA la séance pour 20 séances, donc 1.000.000 FCFA. Il faut compter au moins 3.000.000 FCFA pour un cancer qui est localisé », explique-t-il. En ce qui concernent les cancers du sein métastatiques, c’est encore plus compliqué, cela dépend des résultats de l’immunohistochimie. Aujourd’hui en plus de la chimio thérapie, nous disposons de la thérapie ciblée. Il y a aussi l’immunothérapie qui a fait son entrée. « Ces thérapies coûtent vraiment cher. Il faut compter plusieurs millions pour des séances avec une thérapie ciblée ou une immunothérapie », conclut docteur Mévo Seton Jean-Luc.
Marina KOUAKOU