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samedi 15 février 2025
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Justice : Comment saisir le Tribunal Militaire

Institution judiciaire, le Tribunal Militaire d’Abidjan a pour mission de rendre  justice au sein des Forces Armées de Côte d’Ivoire, de la Gendarmerie Nationale et de la Police Nationale. Il est également compétent pour connaître des griefs des civils contre les Forces de Défense et de Sécurité (FDS).

Au pénal, les plaintes et dénonciations contre les militaires, gendarmes et policiers en Côte d’Ivoire sont déposées à la gendarmerie ou à la police dans les mêmes formes que n’importe quelle plainte civile. Les plaignants ont également la latitude de saisir directement le parquet militaire logé au Tribunal Militaire d’Abidjan. Dans l’un ou l’autre cas, des enquêtes sont établies sur procès-verbal transmis au Commissaire du Gouvernement. Ce dernier les traite, sépare les procès verbaux (PV) dont les faits constituent une infraction à la loi pénale, de ceux qui ne constituent pas une infraction du ressort du Tribunal Militaire. Dans le premier cas, le Commissaire du Gouvernement rend compte au Ministre de la Défense de son intention de poursuivre, en lui soumettant un avis de poursuite. L’ordre de poursuite signé, le Commissaire du Gouvernement qui jusqu’à ce stade de la procédure, agissait par délégation du Ministre de la Défense, retrouve tout le pouvoir du procureur de la République dans l’exercice de l’action publique : il saisit le juge d’instruction ou directement le tribunal, fait convoquer les juges et organise les audiences où les procès se tiennent tout au long de l’année. Les avocats de la défense ont un rôle immense à jouer dans la procédure militaire. Les décisions rendues par le Tribunal Militaire ne sont susceptibles que d’un pourvoi en cassation.

En cas d’infraction ne relevant pas de la matière pénale, le Commissaire du Gouvernement peut classer l’affaire ou la transmettre au parquet civil. Il peut encore la traiter à l’amiable lorsqu’il s’agit d’infraction mineure qu’on peut régler sans introduire un procès. Il s’agit notamment des affaires matrimoniales, des affaires relatives aux recouvrements de créance, de pension alimentaire….

Priorité au règlement à l’amiable

« Si le Tribunal Militaire se saisit des dossiers de pension ou de règlement de dettes privées, c’est pour éviter que les Tribunaux Civils qui appliquent à la lettre les taux de prélèvement et les procédures d’exécution, ne soumettent les militaires à des taux exorbitants et à des expulsions humiliantes et dégradantes que prévoient les procédures civiles en la matière. C’est pour cette raison que ces procédures sont appelées amiables », explique Me Ismaël Akaffou, avocat près dudit tribunal. C’est pour cette raison que ces procédures sont appelées « amiables ». A titre de comparaison, devant le tribunal civil, le juge des tutelles peut, sur la base d’un décret de 1976, prélever jusqu’à cinquante mille FCFA (50.000 FCFA) ou plus, sur la solde d’un sous‐officier pour la pension alimentaire d’un enfant, là où le Tribunal Militaire ne retient pas plus de vingt mille (20.000 FCFA). Dans tous les cas où les parties ne s’entendent pas à régler leurs litiges à l’amiable, elles ont le choix entre recourir à l’arbitrage de l’autorité hiérarchique – le Ministre de la Défense ou celui de l’Intérieur – ou saisir les Juridictions Civiles autrement compétentes.

Entre 2012 et 2021, 310 éléments des Forces de Défense et de Sécurité ont été poursuivis pour des cas de meurtres, assassinats, coups mortels et homicides involontaires. 19 pour viols, 332 pour racket. En 5 ans, 36 officiers supérieurs ont comparu devant le Tribunal Militaire d’Abidjan. Pour la seule année judicaire 2020-2021, le Tribunal Militaire a enregistré 423 dossiers, dont 151 dossiers de racket.

Si le Tribunal Militaire est institué pour connaître des problèmes au sein de l’armée, un civil peut bel et bien saisir cette juridiction, lorsqu’il existe un litige entre lui et un militaire, un gendarme ou un policier. De même, le coauteur civil d’une infraction militaire peut être jugé devant les Tribunaux Militaires seulement dans la mesure où cette personne est embarquée à quelque titre que ce soit sur un bâtiment de la Marine Nationale ou un aéronef militaire, au terme de l’article 6 de la loi n° 74-350 du 24 juillet 1974 relative à l’institution d’un Code de Procédure Militaire.

Le fonctionnement du Tribunal Militaire  

Organisé comme les Tribunaux Civils, le Tribunal Militaire est composé d’un parquet – dirigé par un Commissaire du Gouvernement – des substituts et des juges d’instruction. Le Tribunal Militaire siège avec quatre jurés militaires et un président d’audience qui est un magistrat civil de la Cour d’Appel, tous nommés par décret. Egalement nommé par décret, le Commissaire du Gouvernement est le chef du parquet et chef du Tribunal Militaire.

La Juridiction Militaire fonctionne selon le Code de Procédure Militaire, sous le contrôle de la Cour Suprême. Il existe deux types de juridiction au sein de la Juridiction Militaire qui sont les Juridictions d’Instruction et les Juridictions de Jugement.

En ce qui concerne les Juridictions d’Instruction, il y a les Juges d’Instruction Militaire et les Chambres de Contrôle de l’Instruction. Quant aux Juridictions de Jugement, ce sont les Chambres de Jugement et les Tribunaux Prévôtaux, c’est-à-dire ceux qui sont relatifs à la Police des Armées. Chaque Tribunal Militaire comprend au moins une Chambre de Jugement, une Chambre de Contrôle de l’Instruction, un Juge d’Instruction et un Parquet Militaire. Précisons qu’il n’y a qu’une seule Chambre de Contrôle de l’Instruction pour deux ou plusieurs Tribunaux Militaires et le Commissaire du Gouvernement près  ladite Chambre est désigné parmi les Commissaires du Gouvernement près les Tribunaux en Cause.

Ainsi, la compétence territoriale d’une Chambre de Jugement peut être étendue aux ressorts de deux ou plusieurs Tribunaux Militaires.  Actuellement, en Côte d’Ivoire, ne fonctionne que le Tribunal Militaire d’Abidjan. Deux autres, ceux de Bouaké et de Daloa existent, mais ils ne sont toujours pas fonctionnels. « En application de la loi n° 74-350 du 24 juillet 1974 instituant le Code de Procédure Militaire, le décret n° 74-490 du 03 octobre 1974 crée les Tribunaux Militaires d’Abidjan, de Daloa et de Bouaké. À ce jour, seul le Tribunal Militaire d’Abidjan a été ouvert par arrêté le 11 décembre 1974. Il est compétent sur l’ensemble du territoire à l’égard de la Police Nationale et des membres des Forces Armées », précise le site Internet du Tribunal Militaire d’Abidjan. Le Tribunal militaire d’Abidjan se trouve de ce fait compétent sur toute l’étendue du territoire ivoirien.

Depuis sa création jusqu’à ce jour, six personnalités ont présidé aux destinées de cette Juridiction Militaire. Il s’agit de Félix Houphouët-Boigny (de 1974 à 1978), certes civil mais en tant que chef suprême des Armées, du Colonel Moké B. Joseph (1978 – 1981), du Colonel Djika A. (1981 – 1984), du Colonel Beda Sika (1984 – 2000) et du Magistrat-Contre-amiral Ange Bernard Kessi entre 2000 et 2022. L’actuel Commissaire du Gouvernement est le magistrat Lieutenant-Colonel Kouadio Konan Judicaël, nommé le 28 décembre 2022. Il a pris fonction le 4 janvier 2023.

M’Bah Aboubakar

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