Sensible à l’état de délabrement de l’hôpital psychiatrique de Bingerville, Issa Sangaré Yeresso, journaliste, appelle les pouvoirs publics à se pencher sur le sort de cet asile des fous. Cette publication est tirée de sa page Facebook.
Les hôpitaux psychiatriques sont les parents très très pauvres des investissements, dans le domaine de la santé, sur le continent africain. Sur un territoire de 322.462 km2 de la Côte d’Ivoire, il n’y a qu’un seul hôpital psychiatrique indigne de ce nom. Celui de Bingerville que j’ai discrètement visité la semaine dernière. J’en suis sorti complètement bouleversé. La construction de cet établissement a commencé en 1957; il a ouvert ses portes le 28 février 1962. En 2023, rien de nouveau. Le local d’époque coloniale ne répond pas aux normes sanitaires. Les bâtiments sont vétustes, insalubres. On ne compte qu’une vingtaine de chambres individuelles, très peu de chambres d’isolement et des dortoirs internats. Les toilettes très sales sont des nids de microbes. Malades et parents sont sur des lits de fortune et couchés à même le sol. Le repas est comparable à celui des forçats. L’eau y vient à 3 heures du matin au compte-gouttes ; l’électricité au petit bonheur la chance. Le lieu ne peut contenir qu’une centaine de malades. Le personnel très qualifié dévoué en nombre insuffisant ne peut pas consacrer le temps académique médical nécessaire aux délicats patients.
Pourquoi en Afrique, les malades mentaux sont si marginalisés ? Pourquoi sont-ils les éternels parias? Et pourtant dans notre société stressée, surmenée et dérangée, nombreux sont les enfants, les adultes, les ouvriers, les commerçants et les cadres de la haute administration qui, subitement, ont des dysfonctionnements du cerveau, des troubles mentaux. Ils ne seront sûrement pas volontaires pour aller se faire consulter à l’hôpital psychiatrique de Bingerville.
La Côte d’Ivoire a connu deux grands présidents bâtisseurs : feu Félix Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara en exercice. Les différents ministres de la Santé de ces illustres bâtisseurs ont dans leurs programmations méchamment ignoré les malades mentaux, malgré les budgets conséquents mis à leur disposition. En Côte d’Ivoire, nous venons, à coups de milliards, en un temps record, de construire 6 stades de football, avec les infrastructures d’accompagnement pour la CAN. Et si par malheur des joueurs, arbitres, membres des staffs, spectateurs passionnés ou (et) des officiels devenaient subitement fous, aurions-nous le courage de les évacuer à l’hôpital psychiatrique de Bingerville ??? Dans cet hôpital, j’ai rencontré des mères et leurs enfants désemparés et désespérés.
L’asile des fous oubliés se trouve à deux pas du prestigieux Hôpital Mères enfants qui fait la fierté de toute l’Afrique (classé en France parmi les trois meilleurs hôpitaux). Au secours madame Dominique Ouattara ! Au secours Children of Africa ! Pour un hôpital psychiatrique digne de ce nom, en Côte d’Ivoire.
Les faits sont sacrés les commentaires sont libres
Dr Issa Sangaré Yeresso
Prix international de journalisme Université Aix Marseille 2
Chevalier de l’ordre de la Culture