La chaîne de films porno, Dorcel TV, a déposé ses valises en Côte d’Ivoire depuis deux ans. Objectif, s’y implanter pour réaliser des films X avec des acteurs ivoiriens. Entre fermes condamnations, indignation des leaders religieux, regard
de sociologues et réactions de bloggeuses.
« La pornographie attire la malédiction. » Tels sont les propos du Révérend Yahi Dion Robert, fondateur des Églises protestantes baptistes Œuvres et Mission. Selon cet homme de Dieu, « qui parle de pornographie fait allusion à la nudité ». Le religieux explique que lorsqu’on est pornographe, cela impose l’exposition du sexe et donc la nudité. Il renchérit en ces termes : « Dieu n’aime pas ça. » Le fondateur des Églises Protestantes Baptistes Œuvres et Mission estime que réaliser des films pornographiques et les vendre, c’est tout simplement de la déchéance morale. Il termine son propos en alertant la jeunesse : «Que les jeunes se préservent et se gardent de telles aventures à cause de l’argent». Interrogé sur l’installation de Dorcel TV en Côte d’Ivoire, l’imam Mamadou Dosso du Centre d’éducation et de recherche islamique à Abidjan n’a pas dit le contraire. Il s’inquiète d’ailleurs pour les mineurs. Car il est persuadé qu’une fois ces films pour adultes réalisés, ils atterriront sur Internet pour s’inviter dans les téléphones portables de la jeunesse. L’imam ne passe pas outre mesure pour dire que : « C’est un danger pour la jeunesse en général, mais surtout pour la jeunesse musulmane. Nous interpellons tous les leaders d’opinion », lance-t-il.
« Il fallait s’y attendre ».
L’enseignant-chercheur et sociologue -Dr Oussou Kouamé- n’est pas surpris par l’installation de Dorcel en Côte d’Ivoire. D’après notre interlocuteur, l’arrivée d’une structure de production de films X en Côte d’Ivoire pourrait être de l’ordre de la dépravation des mœurs. Cependant, l’enseignant-chercheur pense que nous vivons dans un monde qui est évolutif et qu’on ne peut rien contre l’évolution. « Le rapprochement culturel que nous imposent les médias a forcément un impact sur la vie sociétale. Et comme on a tendance à copier ce que l’Occident nous sert, que ce soit en bien ou en mal, il fallait s’y attendre », déclare l’universitaire. Il rappelle que les films pornographiques étaient diffusés dans les salles de cinéma en Côte d’Ivoire depuis bien longtemps. « Plusieurs décennies après, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de consommateurs de films X en Côte d’Ivoire »,fait-il remarquer.
« Les Ivoiriens sont de gros consommateurs de porno»
Sein’t Tingbo, bloggeuse sexuelle, écrivaine et rédactrice en chef du blog Minoulibre.com, note d’entrée que «les Ivoiriens sont de gros consommateurs de porno». Pour elle, l’arrivée de Dorcel en Côte d’Ivoire est une bonne chose parce que les Africains sont de gros consommateurs de porno. Les sites pornographiques sont parmi les plus visités en Afrique. «Avec l’installation de l’industrie du X en Côte d’Ivoire ou en Afrique, ce sont des jeunes qui auront du travail. Je ne parle pas uniquement d’acteurs, mais aussi de techniciens, de cadreurs, etc». La bloggeuse sexuelle est convaincue que cette industrie pornographique se rapprochera peut-être de nos réalités africaines, parlant de sexualité. Les Africains ne seront plus seulement de simples consommateurs de films pornographiques, mais ils vont être aussi présents dans la chaîne de l’industrie du porno. Si l’écrivaine prend le contre-pied des leaders religieux, elle ne manque pas cependant d’exprimer quelques interrogations sur les salaires de ces acteurs. «Est-ce qu’ils seront payés à la hauteur du travail qu’ils feront. Surtout que ces acteurs vont engager leur corps, leur visage, leur réputation dans une société qui n’est pas toujours réceptive à ce genre de production», s’interroge-t-elle.
Des ONG en partenariat pour éviter d’autres scandales
On se souvient qu’au Cameroun, plusieurs acteurs ont dû démissionner à cause du traitement salarial dérisoire que leur proposait la structure. A en croire les témoignages de certains acteurs qui avaient fait le tour de la toile, ils étaient payés à 150.000 francs CFA par mois pour plusieurs scènes. Par ailleurs, ces acteurs ne bénéficiaient pas de suivi médical. Pour certainement éviter de telles dérives, Dorcel s’est attachée les services de trois ONG africaines, dont une, ivoirienne. En collaboration avec Dorcel TV, elle sera chargée de contrôler chaque tournage, avec pour mission d’accompagner et de soutenir les acteurs et actrices afin de garantir leur sécurité sanitaire et leur confort. Jointe par le Tam-tam Parleur, cette ONG qui a requis l’anonymat, a semblé être gênée d’aborder la question, visiblement à cause de la sensibilité et de la confidentialité que revêt ce dossier. Elle ne nous dira pas plus sur le contrat qui la lie à Dorcel.
De nombreux jeunes tentés par l’aventure Dorcel
«Je suis intéressé… »; « Aidez-moi à entrer en contact avec Dorcel TV… »; « Je rêve de devenir acteur porno». Ils sont nombreux, ces candidats dont les demandes pleuvent sous les annonces de recrutement d’acteurs de films pour la structure Dorcel en Côte d’Ivoire. Si la structure que nous avons vainement tenté de joindre pendant un mois, opère discrètement, les tournages ont commencé. «J’ai des amis qui ont été recrutés comme cadreurs et techniciens. Les lieux des tournages sont tenus secrets pour des raisons de sécurité», nous informe notre source.

Des actrices du X recrutées au Cameroun par Dorcel Africa./Photo-DR
Selon le site Internet français lepoint.fr, Dorcel a réalisé un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros, soit près de 23 milliards F.CFA en 2020, contre 20 millions d’euros (13 milliards de F.CFA) en 2012. Créée en 1979 par le Français Marc Dorcel, l’entreprise éponyme est implantée dans plus de 75 pays dans le monde.