Alors qu’il est projeté que la dette de l’Etat ivoirien pourrait atteindre 22.000 milliards FCFA à fin 2022, la question de la dette publique est de nouveau au centre du débat politique. L’opposition critique de façon récurrente un régime qui « surendette » le pays, là où l’Exécutif n’y voit que le signe d’un dynamisme économique, sous la houlette d’un Etat crédible qui développe le pays, en faisant recours à une dette « parfaitement maîtrisée ».
Selon les chiffres officiels publiés par le ministre de l’Economie et des Finances, la dette de la Côte d’Ivoire était à 21 117,4 milliards FCFA au premier trimestre 2022. De quoi faire bondir l’opposition. Lors d’une récente conférence de presse, le porte-parole du PPA-CI, Katinan Koné, n’a pas manqué de pointer un doigt accusateur vers un gouvernement qui sacrifierait l’avenir des générations futures avec une dette qu’elle aura du mal à supporter. Les faits semblent plutôt contredire ces déclarations alarmistes qui présagent un avenir relativement sombre pour le pays.
La Côte d’Ivoire s’endette intelligemment
Une analyse approfondie de la dette publique ivoirienne laisse apparaître qu’elle est constituée à environ 60 % par la dette extérieure (12 665,4 milliards FCFA) et à près de 40% par la dette intérieure. Cette espèce de quasi-équilibre entre dette intérieure et dette extérieure met le pays à l’abri de toute forme de chantage vis-à-vis des créanciers internationaux qui savent dès lors que le pays ne dépend pas presque exclusivement de leurs concours pour financer son économie et son développement.
Par ailleurs, en y regardant de plus près, on note que la Côte d’Ivoire s’endette intelligemment. Comme nous l’avons indiqué plus haut, 40% de sa dette relève de la dette vis-à-vis de créanciers, et elle est donc libellée en Franc CFA. En étudiant notre dette, nous nous sommes rendu compte que 62,3% de la dette extérieure de l’Etat ivoirien est libellée en Euro, contre seulement 18,6% en Dollar américain et 12,3% en monnaie locale. En d’autres termes, plus de 80% de ces emprunts sont protégés des fluctuations pouvant résulter de la volatilité du Dollar. En effet, des Etats dont l’essentiel de la dette est libellé en Dollars ont parfois vu leur endettement exploser par le fait d’une malencontreuse coïncidence d’une brusque montée du cours de la monnaie américaine. La dette ivoirienne en dollars ne représentant qu’environ 19% de l’encourt de la dette, le pays est donc relativement à l’abri de ce genre de choc, mais il serait important qu’Abidjan continue de réduire le pourcentage de la dette libellé dans la monnaie américaine au profit de l’Euro, ceci aussi longtemps que la CFA serait lié à la devise européenne par une parité fixe.
Plus endetté sous Gbagbo que sous Ouattara
Dans l’absolu, la Côte d’Ivoire sous le règne du président Laurent Gbagbo était de loin beaucoup plus endettée que celle d’Alassane Ouattara. En effet, en matière d’endettement, ce qui compte c’est le ratio entre le volume de la dette et le PIB, qui représente la richesse produite par le pays. Or, d’après des données de la Banque Mondiale, du FMI et du ministère du Budget du dernier gouvernement du Président Gbagbo, avec 8.377 milliards F.CFA, la dette de la Côte d’Ivoire d’alors représentait 69% du PIB du pays. Comme nous l’avons relevé, au premier trimestre 2022, la dette cumulée de la Côte d’Ivoire a atteint 21 117,4 milliards FCFA et ne représentera que 51% du PIB du pays là où, sous le Président Gbagbo, la dette atteignait déjà les 69% du Produit Intérieur Brut. Les non-initiés pourraient s’étonner de ce qu’une dette presque trois plus élevée sous le Président Ouattara ne représente que 51% du PIB alors qu’elle était à 69% sous Laurent Gbagbo. Les économistes expliquent cela par le fait que l’actuel régime a produit beaucoup plus de richesse pour son pays que son prédécesseur.
D’après les économistes, le montant global de la dette ne peut être pris en compte dans l’analyse de l’endettement d’un pays que si ce chiffre est comparé au PIB. Et si l’encourt de la dette de la Côte d’Ivoire est comparé à son PIB, puis croisé avec le ratio dette/PIB recommandé par l’UEMOA, le pays a encore une très bonne marge. L’UEMOA recommande un niveau d’endettement jusqu’à 70% du PIB et la Côte d’Ivoire est à seulement 51%.
Le second indicateur important dans l’analyse de la dette d’un pays c’est sa capacité à rembourser ses dettes. Un Etat qui respecte les échéances de remboursement peut continuer à emprunter à des taux d’intérêt faibles. La Côte d’Ivoire est jugée comme une signature crédible. En témoigne sa capacité à lever des fonds sur les marchés financiers, toujours au-delà même des espérances des autorités.
Le pays n’a donc pas, pour le moment, de quoi s’inquiéter et se faire peur sur cette question de la dette.
Jean-Marc DACOURY
