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samedi 15 février 2025
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Dépigmentation infantile: 400 nourrissons touchés par an

Entre 300 et 400 enfants âgés de 02 à 24 mois sont victimes de la dépigmentation infantile, chaque année, en Côte d’Ivoire. En cause, des mères qui utilisent innocemment ou consciemment des produits éclaircissants toxiques dans le but d’éclaircir la peau de leurs enfants. Ce phénomène est malheureusement la cause
de plusieurs maladiesde la peau pouvant aller jusqu’au cancer- dont souffrent
de nombreux enfants.

D’après Dr Kaloga Mamadou, professeur titulaire de dermatologie à l’Université Houphouët-Boigny d’Abidjan contacté par Le Tam-Tam Parleur, les mamans qui pratiquent la dépigmentation de leurs enfants sont impressionnées par le teint des personnalités publiques ou ont une obsession de maintenir le teint clair du bébé à la naissance. Il ajoute qu’il s’agit d’une dépigmentation involontaire ou subie parce que les enfants subissent cette pratique.

Mais, fait-il remarquer, « dans la majorité des cas, les mères ignorent les conséquences chez l’enfant ».

Toutefois, notre spécialiste de santé explique que l’on peut éviter d’utiliser ces produits néfastes pour la santé des enfants, quand on se rend compte que ceux-ci contiennent les sels de mercure, les corticoïdes, l’hydroquinone ou les produits dégageant des odeurs piquantes à l’ouverture. 

Les sels de mercure sont neurotoxiques, les corticoïdes sont pro-infectieux ou favorisent les infections et l’hydroquinone donne des taches et des éruptions sur le corps, précise Dr Kaloga.

En Côte d’ivoire, le phénomène de la dépigmentation des nourrissons et des enfants est encore nouveau. « Il n’existe pas des statistiques officielles à ce jour concernant la dépigmentation infantile », avoue révérend Marcelin Doh, coordonnateur de l’ONG Christ en Mouvement Côte d’Ivoire (CEM-CI), l’une des organisations de la société civile très active dans la lutte contre la dépigmentation, à travers la sensibilisation sur le territoire national. Une des jeunes victimes de la dépigmentation infantile découverte récemment par l’ONG est un nourrisson de 8 mois, dans la région d’Agniblékro, témoigne M. Doh Marcellin.

Le témoignage d’une mère d’enfant

Sur la chaîne ivoirienne, la Radio de la Paix, le 22 octobre 2024, une enseignante qui a pratiqué la dépigmentation sur son enfant, dès l’âge de 6 mois jusqu’à 6 ans, explique qu’elle s’est dépigmentée la peau pour prouver son aisance sociale. Mais lorsque son enfant était né, il avait la peau noire. C’est la raison pour laquelle elle a décidé d’éclaircir la peau du bébé pour plus de similitude de teint entre eux. Cette dame, qui a préféré témoigner sous anonymat, avoue que son enfant était devenu maladif et souffrait régulièrement de plusieurs pathologies de la peau. Elle arrêta de dépigmenter la peau de son enfant, après avoir pris part à une campagne de sensibilisation contre la dépigmentation, dans la ville de Soubré. Interrogée sur la façon dont elle procédait, la dame répond qu’elle a associé plusieurs produits pour laver et frotter son enfant, sans l’avis d’aucune personne ressource. De même, elle confie l’avoir fait à l’insu de son époux qui était régulièrement absent. Aujourd’hui, cette enseignante dit s’opposer à la dépigmentation et est prête à dissuader ses proches d’éclaircir leur peau et celle de leur enfant.

Les enfants plus vulnérables que les adultes

Les principaux maux dont souffrent les nourrissons subissant la dépigmentation sont

la miliaire sudorale, la dermite séborrhéique, la dermite des langes ainsi que la dermatite atopique, révèle le dermatologue Kaloga Mamadou qui reçoit annuellement entre 300 et 400 patients dans son service, au CHU de Treichville.

Le pédiatre Patrick Bagny du Togo, intervenant dans un élément de TV5 Monde, quant à lui, rappelle que la peau des enfants serait encore plus fragile que celle des adultes. De ce fait, chez les enfants, les produits sont rapidement absorbés, remontent dans le sang et interagissent avec les hormones. Ce qui engendre les risques des maladies cardio-vasculaires telles que : hypertension, diabète, l’insuffisance rénale, etc.

La duperie derrière les produits éclaircissants

Lire la composition chimique sur le flacon d’un produit de beauté ne suffit pas à protéger du danger des produits conçus pour la dépigmentation de la peau. Il se trouve malheureusement des fabricants de ces produits dits éclaircissants qu’on trouve sur les marchés, qui trompent la vigilance des consommateurs, en faisant du faux. 

La chaîne de télévision TV5 Monde, dans le cadre d’une enquête, a fait tester -par un laboratoire à Marseille (France)- quelques échantillons de produits achetés à Lomé  et le résultat a au contraire prouvé qu’ils contenaient de l’acide kojique, l’hydroquinone et des corticoïdes. Lesquels sont des composants toxiques dangereux pour la santé. 

Cette enquête avait été menée à Conakry (Guinée), Lomé (Togo) et Libreville (Gabon) et diffusée en février 2022. 

63% des Ivoiriennes se dépigmentent la peau

En Côte d’ivoire, la dépigmentation a été interdite en avril 2015 par décret adopté en conseil des ministres. Cependant, aussi bien cette interdiction que la réglementation sur le commerce des produits de beauté n’ont pas eu beaucoup d’effets. Alors que les fabricants devraient mentionner les composants chimiques de leurs produits sur les étiquettes, ces derniers ne le font pas. Ils se contentent de mettre la mention « produit éclaircissant », sans donner des détails. Un manque de transparence qui ne permet pas aux clients de savoir s’il y a des éléments toxiques dans la pommade ou le savon qu’ils se procurent, dénonce M. Doh Marcelin.

Le phénomène de la dépigmentation concerne en majorité les femmes. Selon une étude de l’ONG MEC-CI, 60% des femmes ivoiriennes utilisaient des produits éclaircissants contenant les matières toxiques que sont le mercure, les corticoïdes, l’hydroquinone, etc. En 2024, ce taux de femmes qui éclaircissent leur peau est passé à 63% : un chiffre non encore public, révélé en exclusivité à Le Tamtam Parleur par M. Doh, coordonnateur de MEC-CI.

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