Les derniers chiffres fournis par le gouvernement font état d’environ 10.064 millions de pauvres en Côte d’Ivoire, avec un taux de pauvreté de 39,4% contre 44,4% en 2015.
Si vous vivez en Côte d’Ivoire avec moins de 750 FCFA par jour, vous êtes pauvres. Et vous êtes en situation d’extrême pauvreté si vous vivez avec moins de 350 FCFA quotidiennement. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde sur le fait que la pauvreté est un phénomène complexe et pluridimensionnel qui ne peut être réduit à sa simple expression monétaire, c’est-à-dire à un niveau insuffisant de ressources économiques pour vivre de façon décente. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) estime que « la pauvreté n’est pas un phénomène unidimensionnel – un manque de revenus pouvant être résolu de façon sectorielle – mais plutôt un problème multidimensionnel qui nécessite des solutions multisectorielles intégrées. De même, la Banque Mondiale affirme que la pauvreté a des « dimensions multiples », de « nombreuses facettes » et qu’elle est « la résultante de processus économiques, politiques et sociaux interagissant entre eux, dans des sens qui mettent à nu l’état d’indigence dans lequel vivent les personnes pauvres.
Le taux de pauvreté a régressé, mais…
Selon des chiffres fournis par le ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la Pauvreté, le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire est passé de 39,4% en 2018 à 35% en 2020. Ce qui signifie qu’entre ces années, le nombre de pauvres en Côte d’Ivoire a diminué. « Les critères de la pauvreté ne sont pas que monétaires », a indiqué le ministre Myss Belmonde Dogo. Ils tiennent compte, dira-t-elle, de plusieurs mécanismes, tels que les infrastructures. « En zone rurale, une population peut arriver à se nourrir, mais si les infrastructures ne sont pas présentes dans cette localité, elle rentre dans nos critères de pauvreté. Si dans une zone bien définie, vous n’avez pas l’eau courante, l’électricité, des pistes reprofilées, etc. vous rentrez dans le critère de pauvreté », a-t-elle expliqué.« On estime en effet, à environ 10.064 millions, le nombre de pauvres avec un taux de pauvreté de 39,4% contre 44,4% en 2015 », a ajouté Myss Belmonde Dogo qui n’a pas manqué de préciser que cette régression a été obtenue « grâce à l’effet conjugué des performances économiques remarquables, des réformes et des mesures de politiques sociales mises en œuvre par le gouvernement ».« En pratique, ce sont des groupes de populations spécifiques tels que les femmes, les jeunes, les personnes déplacées ou isolées, qui risquent de souffrir le plus des difficultés rencontrées par les ménages et les communautés, dans l’économie locale et au niveau du cadre institutionnel », a fait observer la membre du gouvernement.
Une enquête menée par l’Institut National de Statistique (INS) avec l’appui Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), indique que les ménages extrêmement pauvres en Côte d’Ivoire sont en général de grande taille – ils comptent plus de six personnes – et sont dirigés par des hommes en couple âgés d’au moins 36 ans, sans niveau d’instruction ni diplôme, et ayant au moins un enfant. Toujours selon ce rapport provisoire sur l’analyse de l’extrême pauvreté et ses déterminants, des inégalités et de la vulnérabilité, il ressort qu’en Côte d’Ivoire, l’extrême pauvreté s’observe le plus en milieu rural, fortement concentrée au Centre-Ouest, notamment dans le Tonkpi, le Haut-Sassandra, la Marahoué et au Nord, dans le Tchologo.
La situation à l’international
A l’international – même si la question de la pauvreté reste cruciale – les chiffres qui définissent les pauvres sont différents de ceux divulgués par les autorités ivoiriennes. Selon la Banque Mondiale, pendant près de 25 ans, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté avait moins de 2,15 dollars par jour (environ 1320 FCFA). De façon générale, le nombre de pauvres avait tendance à régulièrement baisser, d’année en année. Cette tendance a subi une inversion brutale en 2020, à la suite des graves perturbations engendrées par la crise de la COVID-19, conjuguées avec les conséquences des conflits – notamment la guerre russo-ukrainienne – et du changement climatique, déjà responsables d’un ralentissement du rythme de réduction de la pauvreté.
Les ménages pauvres ont particulièrement pâti des baisses de revenu, des pertes d’emploi et des interruptions de travail enregistrées pendant la pandémie. Les femmes, les jeunes et les travailleurs informels et à bas salaires, en particulier dans les zones urbaines, ont été parmi les plus durement touchés. Les inégalités se sont creusées aussi bien au sein des pays qu’entre eux, avec des répercussions à long terme sur l’accès aux chances et à la mobilité sociale, fait remarquer la Banque Mondiale. « Bien que la pauvreté mondiale soit récemment repartie à la baisse, renouant ainsi avec la tendance observée avant la pandémie, entre 75 et 95 millions de personnes supplémentaires pourraient vivre dans l’extrême pauvreté en 2022, par rapport aux projections pré-COVID, en raison des effets persistants de la pandémie, mais aussi de la guerre en Ukraine et de la hausse de l’inflation », lit-on sur le site internet de l’institution internationale. Ainsi, l’augmentation des prix alimentaires a des effets particulièrement néfastes sur les familles pauvres, un habitant moyen dans un pays à faible revenu consacrant environ les deux tiers de ses ressources à des dépenses de nourriture, contre 25 % pour les habitants d’un pays à revenu élevé.
Les prévisions de la Banque Mondiale
Pour les analystes de la Banque Mondiale, les gouvernements peuvent souvent atténuer l’impact de la montée de l’inflation sur les familles pauvres, en recourant à des mesures de protection sociale. Même si, relativisent-ils, la situation actuelle diffère des épisodes passés de forte inflation alimentaire en ce que les finances publiques ont été déjà lourdement sollicitées par les diverses mesures budgétaires adoptées pendant la crise de la COVID. Ces pressions inflationnistes ne pouvaient pas survenir à un pire moment pour des économies encore sous le choc de la pandémie.
« Les études indiquent que la plupart des pays ressentiront les effets de ces crises très probablement jusqu’en 2030. Dans de telles circonstances, l’objectif visant à ramener sous la barre des 3 % le taux d’extrême pauvreté dans le monde, d’ici à 2030, qui était déjà compromis avant la pandémie, sera désormais inaccessible en l’absence de mesures rapides, significatives et solides dans les pays », conclut la Banque Mondiale.
M’Bah Aboubakar