Les relations entre le Niger et le Bénin se sont sérieusement dégradées, au cours de ce mois de juin 2024, autour des activités pétrolières. Les tensions se sont multipliées à la suite de plusieurs décisions prises récemment par les autorités nigériennes et béninoises, mais qui sont réciproquement contestées par chacune des parties. Le manque à gagner pour les deux voisins est énorme.
La tension est encore montée d’un cran depuis le 5 juin 2024 entre le Bénin et le Niger. Ce nouvel épisode fait suite à l’interpellation sur le territoire béninois de cinq Nigériens – qui se sont illégalement introduits sur le terminal pétrolier de Sèmè-Kpodji, appartenant à la société chinoise West African Oil Pipeline Company (Wapco), filiale de la China National Petroleum Corporation (CNPC).
Trois individus, dont la directrice générale-adjointe de Wapco au Niger, ont été arrêtés, inculpés, placés en détention provisoire le jeudi 13 juin 2024, puis jugés en procédure d’urgence pour « fausse attestation » et « usage de fausse attestation » par la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) dirigée par le procureur spécial, M. Mario Mètonou. Estimant qu’ils se sont introduits de manière frauduleuse sur le site du pipeline avec des badges falsifiés, la justice béninoise a condamné à 18 mois avec sursis les trois accusés, parmi lesquels Moumouni Hadiza Ibra, la directrice générale adjointe de WAPCO au Niger.
Les autorités nigériennes avaient dénoncé lesdites poursuites judiciaires contre leurs ressortissants puis ont fait interrompre le fonctionnement de l’Oléoduc, depuis le 6 juin 2024, a annoncé la télévision publique nigérienne, ce 13 juin 2024.
Le ministre nigérien du Pétrole -Mahaman Barké- a déclaré que le Niger était prêt à assumer les conséquences de cette fermeture des vannes. Les autorités béninoises sont restées silencieuses depuis que cette procédure judiciaire concernant les cinq Nigériens est en cours.
Des tensions qui occasionnent des pertes économiques
Les pertes occasionnées par l’arrêt des activités pétrolières pourraient être énormes pour les trois parties. Selon le magazine Financial Afrik qui a publié l’accord signé en septembre 2019 entre China National Petroleum Corporation et le gouvernement nigérien, le Niger a une prévision d’exportation d’environ 100 000 barils/jour de brut avec une part de gain de 25% sur la production, tandis que la société West African Oil Pipeline Company qui a financé à hauteur de 4,5 milliards de dollars la construction de l’oléoduc devrait s’arroger 75% de la production. Le Bénin, pour sa part, tire de grosses retombées sur les taxes prélevées sur le transit du pétrole sur son territoire.
Ce climat de tension est né depuis la décision des autorités béninoises de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien sur son territoire début mai 2024, à partir de Sèmè-Kpodji, pour protester contre le refus de leurs homologues nigériens d’ouvrir la frontière terrestre bénino-nigérienne, malgré la levée des sanctions de la CEDEAO contre Niamey.