De nombreux conflits fonciers naissent des conditions dans lesquelles les transactions se font, en dehors du notaire. Est-ce que l’obtention d’une lettre d’attribution villageoise par l’acheteur d’un terrain fait de ce dernier le nouveau propriétaire du lot ? En s’inspirant de l’histoire vécue par une femme, le juriste Allister Kablan répond à cette interrogation.
J’ai acheté un terrain à Abidjan Yopougon et j’ai eu ma lettre d’attribution villageoise. J’ai commencé à clôturer le terrain et ériger les fondations. Comme je n’avais plus d’argent, j’ai stoppé les travaux.
Je reviens plus tard et je constate qu’ils sont en train de construire sur le terrain. Pis encore, ils ont utilisé les fondations que j’avais faites. J’ai failli devenir folle !
J’ai fait constater cela par un commissaire de justice et j’ai lancé mon assignation en déguerpissement, dans le but de déguerpir ceux qui occupent mon terrain, car si je casse ce qu’ils ont construit, c’est comme si je me rendais justice et ils peuvent me mettre en prison pour ça.
Alors, avec ma lettre d’attribution villageoise, j’ai lancé au Tribunal, l’assignation en déguerpissement.
Je me rappelle avoir dormi lors du verdict à 17h.
1)Dans mon cas, j’ai payé avec quelqu’un, sans passer devant le notaire
Les juges disent sur ce point : « attendu qu’aux termes de l’article 5 du décret 71-74 du 16 février 1971, toute transaction en matière immobilière doit être passée devant un notaire. Qu’il n’est pas contesté que l’attestation villageoise dont se prévaut la demanderesse est un acte sous seing privé. Que sa validité doit être soumise à la rédaction d’un notaire. »
2)Dans mon cas, j’avais ma lettre d’attribution villageoise et je voulais déguerpir ceux qui étaient en train de construire
Les juges disent concernant ce point que : « selon l’art. 220 de la loi N°2020-624 du 14 août 2020 instituant code de l’urbanisme et du domaine foncier urbain, la pleine propriété des terrains urbains immatriculés au nom de l’Etat est conférée par l’Arrêté de Concession Définitive et délivré par le Ministère chargé de la Construction et de l’Urbanisme. »
Or moi, je n’avais que la lettre d’attribution villageoise et aucun autre document et les juges m’ont fait savoir que : « l’attestation villageoise n’est pas un acte administratif. Que seul un acte administratif, en dehors de l’ACD, peut être regardé comme un commencement de preuve. Qu’au sens de l’ordonnance N°2013-481 du 02 juillet, seul l’attestation domaniale qui a remplacé la lettre d’attribution peut revêtir le caractère d’un commencement de preuve de l’ACD.»
Finalement, comme je n’ai pas fait la transaction devant notaire et que je ne disposais seulement que de la lettre d’attribution villageoise, je n’ai pas eu gain de cause
Allister KABLAN (Juristes chrétiens pour tous)
allisterkablan@gmail.com
NDLR: Les titres et le chapeau sont de la rédaction