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lundi 14 octobre 2024
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Accueil dans les services publics: le calvaire des malentendants

La barrière de la communication est un supplice pour les malentendants et sourds-muets qui arpentent les couloirs des services publics. Pour une fois, ils ‘’parlent’’ de leurs frustrations.

« Dans tous les services où je suis allé, j’ai toujours eu des difficultés », nous fait savoir Doh Lemoin Christian, fonctionnaire. Il se souvient d’une course à la banque où de l’autre côté de la vitre, le caissier lui parlait sans savoir qu’il recevait un malentendant. « J’ai dû prendre une feuille et un stylo pour écrire», raconte-t-il. Quant à Soualio Mandela, il n’a pas oublié le jour où le vigile d’une banque a cru qu’il avait affaire à un mendiant. « Il m’a ignoré jusqu’à ce que j’écrive sur une feuille que je suis malentendant et que je suis là pour faire une opération bancaire». Notre interlocuteur explique ensuite que chaque fois qu’il se retrouve dans un service public, dès que les personnes à l’accueil se rendent compte qu’il est malentendant,  ils le font attendre très longtemps. Ces mêmes difficultés, poursuit Soualio Mandela, il les rencontre également dans le transport en commun. « Dès que le chauffeur de taxi se rend compte que tu es sourd-muet, il continue son chemin». L’un des témoignages les plus surprenants est celui de Sanogo Adama, cet autre malentendant, nouveau fonctionnaire, qui était allé pour remplir les formalités, s’est retrouvé au milieu des centaines d’autres fonctionnaires. Le service d’accueil procédant par appel nominal « j’y suis resté là toute la journée parce que je n’entendais pas ». Selon une étude réalisée en 2021 par Dr Maïmouna Ymba, Docteure en Géographie, Maître-assistante à l’Institut de Géographie Tropicale, à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, sur l’accessibilité aux services de santé pour les personnes sourdes, 56,1 % des personnes sourdes interrogées trouvent que le service d’accueil des structures de soins est mauvais. Selon  cette étude publiée le 1er mars 2022 sur le site www.uirtus.net/ 43,9 % des personnes sourdes ont affirmé avoir été stigmatisées et 58,5 % des personnes sourdes ont dit avoir patienté plus de 2 heures, avant d’être reçues par l’agent de santé. Sur les 383 personnes sourdes qui ont constitué l’échantillon de cette enquête, 23,8 % ont affirmé que leur relation avec les professionnels de santé est souvent conflictuelle, à la suite d’un problème de communication. 

Les interprètes à la rescousse

Ils ont l’expertise de la langue des signes et jouent un rôle fondamental dans la communication entre les malentendants et la société. Parmi eux, Léonce Ekeni, interprète à l’école pour les sourds de Yopougon. C’est lui qui nous a permis de recueillir les confidences des malentendants et sourds-muets pendant ce reportage. Il reconnait la difficulté du manque de spécialistes en langue des signes dans les services publics. Régulièrement sollicité par les tribunaux pendant des procès au cours desquels un malentendant est mis en cause, M. Ekeni est souvent témoin de situation inimaginables : « Ce sont les juges qui se cotisent pour payer mes honoraires ». Ces anecdotes qui ne manquent pas d’interêt, font dire à l’interprète que « ce métier ne nourrit pas son homme ». Selon lui, ceci explique le fait que de nombreux interprètes préfèrent intervenir au sein d’associations de sourds et de malentendants afin de se rendre utiles auprès de cette minorité.   

Mahmoud Ouédraogo, interprète, membre de l’association des sourds-muets et malentendants musulmans de Côte d’Ivoire, se souvient d’avoir, lui-aussi, prêté ses services au 15e arrondissement d’Abobo et à la gendarmerie d’Adjamé pour des cas de viol et de grossesse non reconnue, impliquant des sourds-muets et malentendants. 

Des pistes de solutions 

Quand nous avons échangé avec Okou Dieudonné, directeur de L’Ecole ivoirienne pour les sourds- muets sur la difficile communication entre les services publics et les malentendants, il a reconnu que le problème est réel. « Nous travaillons sur un projet qui doit aboutir à la formation, en langue des signes des agents des services publics ». Pour Joëlle Musezi, présidente de l’Association nationale des interprètes en langue des signes de Côte d’Ivoire, ce problème est transversal. C’est pour cela que l’Etat de Côte d’Ivoire doit « travailler pour que tous les ministères aient, en leur sein, des interprètes en langue des signes ».  Le plaidoyer de Cissé Valoma, un autre malentendant, est que l’Etat de Côte d’Ivoire permette aux malentendants et sourds-muets de passer le permis de conduire comme c’est le cas dans des pays européens. Selon notre interlocuteur, « cela permettra à certains d’entre nous qui ont les moyens financiers de s’offrir une voiture afin d’éviter toutes ces frustrations avec les transports en commun ». 

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit les personnes atteintes de déficience auditive, comme celles qui sont incapables d’entendre aussi bien qu’une personne ayant une audition normale. La déficience auditive peut être légère, moyenne, sévère ou profonde. En Côte d’Ivoire, le recensement général de la population ivoirienne de 2014, dénombrait plus de 90.000 malentendants et sourds-muets vivant dans le pays.

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