25 C
Abidjan
dimanche 6 octobre 2024
AccueilLe Grand angleFilière karité : Les raisons de la léthargie

Filière karité : Les raisons de la léthargie

Malgré ses bons résultats, la filière karité est confrontée à des difficultés structurelles qui expliquent sa léthargie actuelle. Cependant, des efforts sont fournis pour sortir de l’impasse.

Selon les statistiques du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, le karité occupe le 5e  rang mondial – après le Nigeria, le Mali, le Burkina Faso et le Ghana – avec une production de beurre estimée à 40.000 tonnes par an.

Ces bons résultats sont pourtant douchés par des difficultés structurelles, inhérentes à la filière et à son organisation. « Le manque d’unité de transformation, la méconnaissance des coûts, les difficultés d’accès à des emballages appropriés et au financement, l’instabilité des coûts de l’amande et la faible compétitivité des produits transformés sur place, constituent des freins au plein essor de ce produit », analyse Kouablan Koffi, chercheur au Laboratoire Central de Biotechnologies (LCB), logé au Centre National de Recherche Agronomique (CNRA). De son côté, Diarrassouba Nafan, enseignant-chercheur à l’Université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo, relève que la filière karité rencontre des difficultés qui se situent au niveau de la non maîtrise de la croissance de l’arbre, de l’absence de statistiques fiables sur le parc et la production, de la coupe abusive du bois de karité ainsi que de la faiblesse de la qualité de la noix. « En mettant des moyens adéquats à la disposition des scientifiques, ils pourraient mener des travaux de recherches appropriés pour maîtriser la croissance de l’arbre et proposer des méthodes de culture de cette plante pour une meilleure rentabilité », soutient l’universitaire.

En faire un produit de rente

Au Réseau ivoirien de Karité de Côte d’Ivoire, l’on estime, depuis plusieurs années, que la « domestication » de l’arbre de karité permettra aux populations des zones de savane de créer de véritables plantations et d’en faire un produit de rente, au même titre que le café, le cacao et l’hévéa, entre autres. En attendant, ces professionnels souhaitent « une meilleure organisation de la filière », en vue d’augmenter les revenus des exploitants d’amandes de karité et de bénéficier de la transformation.

Au dire de Lydie Kambou Rachel,  administratrice des huit régions productrices de karité en Côte d’Ivoire, il convient de structurer la filière pour permettre aux sociétés coopératives de travailler dans de bonnes conditions et d’arriver à l’autonomisation financière des femmes exerçant dans ce secteur d’activité. Elle sollicite, pour ce faire, des équipements idoines auprès de potentiels investisseurs. « Il y a 20.000 braves femmes qui se font mordre par des serpents, qui travaillent dur, avec des équipements artisanaux », a-t-elle regretté en 2019, en marge du Salon International de l’Agriculture de Paris. A cette occasion, elle a relevé l’objectif des productrices qui est de vendre grande quantité, en container, puisque le karité est un produit pérenne, la meilleure huile végétale respectant le taux d’acidité, d’humidité, d’impureté.

Défi majeur

Face à tous ces défis, Abidjan ambitionne sérieusement de mettre en œuvre des mesures idoines à l’effet d’assurer la compétitivité de ce produit sur le marché mondial. Objectif affiché : faire ressortir les potentialités économiques susceptibles, à terme, de réduire la pauvreté en sortant les producteurs de la précarité et surtout en leur permettant d’exercer leurs activités dans de bonnes conditions.

Les analystes de la filière pointent du doigt entre autres la préservation et la gestion des peuplements de l’arbre à karité, la domestication par l’amélioration génétique et la maîtrise des techniques de multiplication végétative. Sans oublier le renforcement des capacités des collectrices et de leurs organisations, l’amélioration du taux de transformation, l’organisation et le développement du circuit de commercialisation.

Une difficulté commune à toutes les zones de production reste celle de la pérennité des vergers. Ainsi, le karité africain en général, et ivoirien en particulier, doit composer avec de nombreuses difficultés qui pourraient déterminer, dans les prochaines années, son évolution. La durabilité de la ressource constitue, de ce fait, un aspect majeur du développement du secteur du karité. Selon les spécialistes, l’arbre à karité est une espèce menacée d’extinction. En cause, fait remarquer l’agence Ecofin, dans un article paru en 29 avril 2020, l’exploitation de l’arbre pour son bois utilisé dans la construction de maisons et de palissades ou encore la production de charbon ainsi que le défrichage des terres au profit des cultures comme le coton. Cette situation reste compliquée, à cause des difficultés de régénération des parcs arboricoles de karité, liées notamment aux caractéristiques intrinsèques de l’arbre lui-même. Ainsi, il faut près de quinze à vingt ans à l’arbre pour donner des noix, avec un pic du rendement après 40 à 50 ans. Pour ne rien arranger, la production de fruits varie d’une année à l’autre, d’un endroit à l’autre, voire d’un arbre à l’autre, en fonction notamment des facteurs climatiques et de l’impact des activités humaines.

Bonne dynamique mondiale

C’est un fait : la filière a connu sur le continent une embellie aussi bien au niveau des amandes que du beurre, au cours de ces vingt dernières années. Une étude menée en 2017 par l’Alliance Globale du Karité (AGK), indique que les exportations africaines de karité sont passées de 50.000 tonnes à plus de 300.000 tonnes sur la même  période. Le taux de croissance annuel moyen des exportations de la région s’est élevé à 26,9% sur la période 2002-2011.

Dans la région ouest-africaine, le Centre du Commerce International (ITC) indique que la valeur totale des exportations de beurre de karité est ainsi passée de 1,5 million $ (environ 893 millions FCFA) à 52 millions $ (30.966 milliards FCFA) entre 2000 et 2012. Pour les amandes, le taux de croissance annuel moyen des exportations de la région s’est élevé à 26,9% sur la période 2002-2011. Les Pays-Bas représentent le plus gros importateur de beurre de karité, depuis l’Afrique de l’Ouest, suivis du Danemark et de la France. Selon les prévisions de l’organe de recherche de consommation Transparency Market, le marché mondial du karité pourrait peser quelque 3,5 milliards $ (environ 2084 milliards FCFA) d’ici 2028.

M’Bah Aboubakar

Articles Similaires
spot_img

Articles Populaires

commentaires recents