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samedi 7 septembre 2024
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Trafic d’anacarde: l’État traque les contrebandiers

Plusieurs arrestations et d’importantes saisies ont été opérées par les forces de l’ordre, dans une phase de répression, dans le cadre de la lutte contre le trafic illégal d’anacarde. Un signal fort envoyé aux trafiquants par l’État de Côte d’Ivoire, à travers le Conseil du Coton et de l’Anacarde.

Ils sont tombés dans les filets des forces, car il pèse sur eux de lourds soupçons de trafic illégal d’anacarde. Ces présumés contrebandiers, selon le Directeur de la commercialisation au Conseil du Coton et de l’Anacarde, Mamadou Doumbia, sont connus dans la zone pour leurs activités illicites. « Bauer » et « Bomoti » sont de tristement célèbres surnoms que producteurs, acheteurs et exportateurs redoutent pour leurs capacités de nuisances dans le secteur de l’anacarde. Le premier a été interpellé dans la nuit du vendredi 10 mai 2024. Celui que les forces de l’ordre ont fiché comme étant « l’un des cerveaux du trafic dans la zone d’Abengourou », a été arrêté à 65 kilomètres de cette ville. Cueilli à Agnibilékro, ce jeune âgé de 32 ans attend de s’expliquer devant le juge pour les faits qui lui sont reprochés. Six jours après l’arrestation de Bauer, des éléments du Groupement spécial de la gendarmerie nationale ont mis le grappin sur cet autre présumé baron du trafic d’anacarde. L’homme, répondant au surnom de « Bomoti », a été arrêté avec l’un de ses sbires à Bondoukou. Les perquisitions menées au domicile des suspects ont permis de découvrir un fusil calibre 12, des munitions, un bordereau d’achat de noix de cajou et divers documents administratifs. Ces personnes interpellées ont été mises à la disposition de la Brigade de Bondoukou, avant d’être transférées à celle de Koun-Fao.

Dix tonnes de noix de cajou saisies

Les forces de l’ordre engagées dans cette lutte contre la fuite des produits agricoles avec l’étroite collaboration du Conseil du Coton et de l’ Anacarde ont stoppé le 20 mai 2024 un camion contenant 121 sacs de noix de cajou. Cette quantité est estimée à 10 tonnes. Selon nos sources, des éléments du Groupement spécial de lutte contre la fuite des produits agricoles, appuyés par les éléments de la brigade et de l’escadron de Bouna, ont saisi ce camion à trois kilomètres de la frontière ivoiro-ghanéenne. Si les occupants ont vite fait de prendre la poudre d’escampette, l’engin lourd a été conduit jusqu’à la brigade de Bouna. L’autre aspect de la traque aux contrebandiers consiste aussi à escorter les camions contenant des tonnes de noix de cajou. L’objectif, selon le Directeur de la commercialisation au Conseil du Coton et de l’ Anacarde, Mamadou Doumbia, est de s’assurer que ces camions respectent les modalités de la commercialisation extérieure des produits de l’anacarde. Ainsi, le 12 mai 2024, douze camions en provenance de Toumodi, Béoumi et Yamoussoukro, avec une quantité totale de 448 tonnes 685 kg de noix de cajou, ont été escortés vers Abidjan. Il est pertinent de rappeler que le décret n°2013-810 du 26 novembre 2013 fixant les modalités de la commercialisation extérieure des produits de l’anacarde, en son article 10, interdit l’exportation de noix de cajou brute par voie routière, sauf autorisation expresse accordée dans les conditions prévues par le code des Douanes, après avis du Conseil du Coton et de l’Anacarde.

Au moins 13,5 milliards de perte fiscale

S’il est difficile d’évaluer avec précision la fuite clandestine de la noix de cajou vers les pays voisins, le Directeur de la commercialisation du Conseil du Coton et de l’Anacarde, Mamadou Doumbia, pense qu’il est tout de même possible de faire une évaluation. En se basant sur leurs observations et celles des experts internationaux, il estime le manque à gagner à au moins 100.000 tonnes chaque année. Notre interlocuteur révèle que : « Sur chaque kilo de noix de cajou qui sort illégalement de la Côte d’Ivoire, notre pays a une perte fiscale de 135 francs, soit 13,5 milliards de francs CFA ». À en croire le cadre supérieur du Conseil du Coton Anacarde, les conséquences du trafic illégal d’anacarde impactent considérablement les recettes, la qualité des produits et surtout la réputation de la Côte d’Ivoire. « Comment pouvez-vous comprendre que la production de la Côte d’Ivoire est moins classée en termes de qualité que celle du Ghana», s’interroge le Directeur de la commercialisation. Pour lui, cela s’explique par le fait que les produits ivoiriens de meilleures qualités sont illégalement acheminés vers ce pays qui, du coup, voit sa production grimper en quantité et en qualité. Et M. Doumbia de s’indigner du fait que la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de noix brutes de cajou, se voit attribuer un indice de qualité de produit de 46-48, derrière le Ghana qui s’en sort avec une qualité de produit classée dans la catégorie de 48 à 50, sur le marché international.

Le mode opératoire des contrebandiers

« Des Ghanéens financent des producteurs et proposent des prix bord-champs plus élevés que ceux fixés par la Côte d’Ivoire ». Ce mode opératoire décrit par C. Zana, exportateur, explique comment les trafiquants venus de l’autre côté de la frontière font main basse sur d’importantes quantités de production de noix de cajou avant de les acheminer vers le Ghana. Plusieurs acteurs du secteur de la noix de cajou exerçant dans la zone de Bondoukou sont unanimes : les pistes et la corruption sont les moyens les plus utilisés par les trafiquants. Le Directeur de la commercialisation qui confirme ces deux modes opératoires rapporte qu’« avec des motos et autres tricycles, ils peuvent transporter sept à huit sacs pour environ une tonne de noix de cajou ». Il nous révèle l’autre mode opératoire : « Il fut un moment où les trafiquants injectaient des millions pour faciliter le passage de leurs camions aux barrages des forces de l’ordre ». Le responsable du Conseil Coton et de l’Anacarde assure que beaucoup de choses ont changé aujourd’hui avec l’implication, à plus grande échelle, des forces de l’ordre. Dans cette autre collaboration qui s’annonce étroite, « le Conseil du Coton et de l’Anacarde a offert 50 motos et d’autres importants moyens d’accompagnement aux forces de l’ordre pour faciliter leur présence sur les pistes utilisées par les contrebandiers ».


Le Conseil du Coton et de l’Anacarde a décidé de redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre le trafic d’anacarde./ Photo-DR

Des défis à relever

En dépit des efforts consentis par l’État de Côte d’Ivoire pour endiguer le phénomène du trafic d’anacarde, beaucoup reste à faire. Pour K. Aboulaye, acheteur d’anacarde, « ces actions qui donnent des résultats concrets doivent commencer en début de campagne, c’est-à-dire en décembre ou janvier ». Il est convaincu qu’après mars ou avril, les trafiquants ont déjà eu le temps de faire passer les produits de l’autre côté de la frontière. Un autre producteur, qui a préféré garder l’anonymat, déplore que les agréments qui leur permettent d’exercer pendant la campagne ne soient disponibles qu’au mois de février, là où les premières productions sont attendues au mois de décembre. « Ce laps de temps est une aubaine pour les trafiquants qui investissent le terrain », assure-t-il . Il est bon de rappeler que, selon les chiffres donnés par le Conseil du Coton et de l’Anacarde, la production nationale de noix de cajou en 2023 était de 1.125.000 tonnes. Cette année 2024, elle est à 1 million de tonnes. Selon le Directeur de la commercialisation, ce sont 431 milliards de francs CFA que génère cette production. Le prix plancher bord champ du kilogramme de noix de cajou a été fixé, pour cette campagne 2024, à 275 FCFA/kg contre 315 FCFA/kg en 2023, a annoncé le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani, au cours d’une conférence de presse, le 20 février 2024.

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