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samedi 15 février 2025
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Secteur sanitaire privé : Plus de 80% des cliniques dans l’illégalité

La campagne de fermeture ou de suspension des cliniques et des établissements sanitaires privés qui fonctionnent illégalement se poursuit sur le terrain. Selon le gouvernement, plus de 80% des cliniques fonctionnent dans l’illégalité la plus totale.

Le ministère de la Santé est déterminé à assainir le secteur. La campagne de sensibilisation « Zéro clinique illégale d’ici 2025 » déployée par ce département, entre octobre et décembre 2022, est entrée de plain-pied dans sa phase de répression. Selon les chiffres fournis par le ministre Dimba Pierre N’Gou, le 14 octobre 2022, à l’inauguration de la clinique Procréa, « 81% des cliniques sur le territoire national exercent dans l’illégalité ». Il a saisi l’occasion pour appeler « tous les propriétaires de Cliniques Privées et ceux qui envisagent d’ouvrir une Clinique Privée » à se conformer aux normes et à la réglementation édictées par la Direction des Etablissements Privés et des Professions Sanitaires (DEPPS) logée au sein de son ministère.

De fait, le système sanitaire durement éprouvé par les vingt dernières années de crise politique a vu l’émergence de Centres de Santé Privés qui n’ont pas toujours respectés les règles. La sensibilisation puis la phase de répression initiée par le ministère de la Santé participent de la volonté d’assainir ce secteur. Pour Dr Marie-Josèphe Bitty, Directrice des Etablissements Privés et des Professions Sanitaires, l’action du ministère se situe à deux niveaux : « le premier, c’est de faire en sorte que les établissements aient une légalité d’existence, dans la mesure où ils répondent aux critères et la deuxième chose, ceux qui ne sont pas conformes à ce que nous souhaitons doivent fermer ».

Etrangers au corps médical

Pourquoi et comment des Centres de Santé illégaux ont-ils pu prospérer toutes ces années jusqu’à atteindre le taux vertigineux de 81% ? « Il y eu des moments de désordre qui ont fait que certains établissements illégaux ont pu prospérer. Dans ce pourcentage – 81% – nous avons beaucoup de ce qu’on appelle les clandestins. Il s’agit de ceux qui ne se déclarent pas du tout et qui ont des pseudo-infirmeries. Nous appelons généralement ces centres des « piqûreries ». Ils sont très nombreux sur l’ensemble du territoire. Il y a aussi ceux dont les papiers sont périmés. Ils évitent les lois en vigueur. Et dans tous les cas, ils ne veulent pas qu’on les connaisse », répond la patronne de la DEPPS, qui ajoute que ceux qui s’y adonnent sont passibles de peines d’emprisonnement pour exercice illégal. A en croire Dr Marie-Josèphe Bitty, la plupart de ceux qui sont dans l’illégalité « ne sont pas vraiment dans le corps médical, n’ont pas les compétences, encore moins les diplômes requis pour exercer. Ce ne sont pas des médecins, encore moins des infirmiers reconnus par l’Etat ». Employant parfois du personnel non qualifié, les cliniques et établissements sanitaires clandestins sont aussi responsables d’un préjudice financier non encore mesuré, explique la Directrice des Etablissements Privés et des Professions Sanitaires. « Lorsque les clandestins exercent, il y a un double préjudice. Un préjudice qualitatif déjà, parce que la qualité des soins n’est pas contrôlée et la population est exposée ; mais aussi un préjudice financier, puisqu’il y a une concurrence déloyale qui s’installe dans le faux », fait-elle remarquer.

« Les cliniques privées constituent environ 50% de l’offre de soin en Côte d’Ivoire. Et environ 50% de la population ivoirienne se soigne dans les établissements sanitaires privés. A Abidjan, ce chiffre est de 60% », indique Dr Marie-Josèphe Bitty.

Tous satisfaits de l’opération

Satisfait de la campagne « Zéro clinique illégale d’ici 2025 », le Syndicat National des Cadres Supérieurs de la Santé (SYNACASSI) encourage le ministère à poursuivre cette opération. Pour eux, les clandestins ne sont rien d’autres que des « hors-la-loi ». « Nous souhaitons aussi que toutes les structures impliquées dans la gestion de ce dossier travaillent de concert. C’est bien de fermer les cliniques exerçant dans l’illégalité, mais c’est aussi bien d’assurer le suivi. Donc, il ne sert à rien de fermer une clinique et de la voir rouverte trois jours après ! », a déclaré à la presse le Secrétaire Général de ce syndicat, Dr Guillaume Esso Akpesse. Du côté de l’Association des Cliniques Privées, l’on est également favorable à cette opération qui permettra d’assainir le secteur. Pour le Président du Conseil d’Administration de cette association, Dr Joseph Boguifo, « les cliniques clandestines peuvent parfois surfacturer et souvent sous-facturer leurs prestations ». « Dès le moment où il s’agit de la vie des individus, il y a des textes qui réglementent tout ça, notamment en ce qui concerne les coûts. On ne peut pas faire du commerce avec la santé des malades. Donc, dès le moment où il y a du dumping, on favorise justement le commerce et tout cela est dangereux pour les malades. Vous ne pouvez attirer un patient que sur votre compétence. C’est pour ça qu’il y a prix plancher, en deçà duquel vous ne pouvez pas descendre », fait-il remarquer.

Pour le ministère de la Santé, il s’agira, en bout de la chaîne, de mettre à disposition de la population des moyens de reconnaître les Centres de Santé Privés agréés par l’Etat. « Nous sommes en train de mettre en place une stratégie à ce sujet. Il s’agit de doter les Centres en règles de plaques d’immatriculations, d’enseignes spécifiques comme les pharmacies, pour que les populations les voient et sachent que tel Centre ou tel autre est légal. Ce sont des plaques qui seront visibles et installées à l’entrée des établissements », a exprimé Dr Marie-Josèphe Bitty, résolue à remporter ce combat contre les cliniques clandestines.

M’Bah Aboubakar

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