La prise en charge de l’autisme chez les enfants en Côte d’Ivoiredemeure une préoccupation fondamentale. Cette maladie neurologique qui touche les jeunes enfants est souvent peu connue et l’accompagnement médical devient un véritable casse-tête chinois pour les parents.
L’autisme comme réalité sociale et médicale souffre encore de ces maux qui sont les préjugés et l’indifférence. Le plus dur pour ces parents dont l’enfant est autiste, est au niveau de la prise en charge. Certains parents ont du mal à faire diagnostiquer leurs enfants par manque moyens. Ceux qui y arrivent se retrouvent seuls avec leur enfant, parfois sans soutien financier. « Je suis vraiment déboussolée. C’est sur fonds propres que se fait la prise en charge de mon enfant. En Côte d’Ivoire, la prise en charge des autistes est vraiment difficile car les structures de prise en charge sont moins développées et coûteuses. Par exemple, la prise en charge au Centre d’Action Médico-Psycho-Sociale de l’Enfant (CAMPSE) coûte 800.000 francs CFA par mois », indique Blanche Toualy, mère d’un enfant autiste. Les difficultés ne s’arrêtent pas là. « A l’Institut National de Santé Publique (INSP) et au Centre de Guidance Infantile, bénéficier d’une prise en charge relève du parcours du combattant. Il faut se présenter très tôt le matin, dès 4h ou 5h, pour espérer obtenir une séance pour l’enfant, puisqu’ils ont un quota journalier d’enfants à prendre en charge », déplore cette mère d’enfant autiste rencontrée à l’INSP. Les parents les plus fortunés, explique-t-elle, se tournent vers les structures privées. « La consultation y est comprise entre 25.000 et 50.000 francs CFA. La séance avec un éducateur spécialisé coûte 19.000 francs CFA et il faut trois séances par semaine, pour au maximum six mois. L’orthophoniste 25.000 francs CFA par heure et ce n’est pas remboursé par l’assurance », se désole-t-elle.
Licko Magouri Diane, présidente des parents d’enfants autistes et mère d’un enfant autiste âgé de treize ans mène, depuis plus de six ans, un combat concernant l’insertion de ces enfants dans la vie sociale et surtout la prise en charge qui est très difficile. « En Afrique, les spécialistes détectent les signes de l’autisme dès six mois, tandis qu’en Europe c’est à trois mois. Il y a un réel problème ; d’où mon combat. Il faut former le personnel sur les signes précoces de l’autisme », confie-t-elle. Elle ajoute : « l’éducation inclusive de ces enfants dans des écoles et structures compétentes est mon combat. Jusqu’ici quatorze écoles ont été visitées pour une sensibilisation en milieu scolaire, avec le soutien de la Direction des Ecoles et Collèges (DELC) ».
Une maladie pleine de préjugés
Outre le manque criant de structures spécialisées, les enfants souffrant de ce trouble du développement mal connu sont victimes de « préjugés socio-traditionnels » et souvent ostracisés, selon les spécialistes. Si en Afrique – et particulièrement en Côte d’Ivoire – l’autisme est diagnostiqué tardivement, cela est dû à la méconnaissance de la maladie et parfois au manque de services adéquats. L’autisme ou Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) est un trouble neuro-développemental qui touche les fonctions motrice, langagière, cognitive, d’intégration sensorielle de perception et gestion émotionnelle. Ce trouble débute durant la période du développement et apparait le plus souvent précocement dans l’enfance. Les individus atteints d’autisme perçoivent le monde différemment par rapport à une personne « normale » dite neuro-typique. Les capacités et les besoins des personnes atteintes d’autisme sont détruites et elles sont incapables de vivre de façon autonome. Certains souffrent malheureusement de graves handicaps qui nécessitent des soins appropriés. Cependant la préoccupation première des parents dont l’enfant est autiste se situe au niveau de la prise en charge.
Comment détecter ce trouble chez son enfant ?
Selon Dr Anna Corine Bissouma, psychologue et pédopsychiatre au Centre Té Bondé et à l’INSP, le diagnostic de l’enfant peut se faire tardivement. « Les parents sont toujours à la traîne et acquiescent l’idée que l’enfant qui ne parle pas n’est pas humain et que c’est un génie ou un sort maléfique », déplore-t-elle. « Les signes d’alerte sont légions : si un enfant de quinze mois à dix-huit mois qui avait commencé à parler arrête brusquement de le faire, il ne regarde pas quand on l’appelle, il ne s’intéresse plus aux choses autour de lui, il fait des gestes répétés, il a tendance à faire des mouvements de main devant les yeux, il bouge sans se fatiguer, il se mord quand il est fâché… il faut demander à voir un pédiatre avant de venir au centre », signale t’elle
Difficile insertion scolaire
Les enfants autistes sont souvent déscolarisés à cause des idées préconçues et des railleries qu’ils subissent au quotidien. Un autre challenge pour les parents d’enfants autistes concernant l’intégration de leur enfant. En Côte d’Ivoire l’âge requis pour intégrer la maternelle est de trois ans et pour le primaire dès six ans. Mais cela n’est pas toujours évident pour les enfants atteints d’autisme, vu que le mode d’apprentissage et d’adaptation d’un milieu à un autre est souvent ardu. C’est le cas d’Elsa dont la maladie a été détectée depuis l’âge de deux ans, dont l’histoire est émouvante. « Ma fille a dû être retirée de l’école à l’âge de trois ans car sa maîtresse trouvait qu’elle était différente et que sa place n’était pas au milieu des enfants normaux. Depuis lors, elle est toujours à la maison. Je l’encadre moi-même et elle a aujourd’hui treize ans », explique Sandrine, sa mère.
Roxanne KONAN (stagiaire)