17 016 402 personnes étaient enrôlées pour la Couverture Maladie Universelle (CMU), à la date du 8 février 2025. 7 000 000 de cartes ont été produites et 6 000 000 distribuées. Et selon les estimations de la Direction Générale de la Couverture Maladie Universelle (DGCMU), 2 000 000 de personnes sont susceptibles d’utiliser les services de santé avec la carte CMU et 500 000 personnes l’ont déjà utilisée en 2024. Cependant, certains utilisateurs de cette carte ne sont pas satisfaits du service. Comment fonctionne la carte CMU ? Quelles sont les difficultés rencontrées par ses détenteurs ?
Dans un entretien vidéo publié le 26 décembre 2024 sur la page Facebook officielle de la DGCMU, Dr Ponou Armand Kouassi, médecin et consultant auprès de ladite structure, déclare que 1980 établissements sanitaires sont conventionnés et offrent des prestations aux détenteurs de la carte CMU sur 3500 établissements existant en Côte d’Ivoire. A la date du 8 février 2025 ce chiffre est passé à 2227 soit 65%.
En outre, 500 pharmacies privées sur un total de 1200 sont aussi conventionnées. Ce chiffre a atteint 1048 le 19 février 2025.
D’après Dr Christian Brou, directeur des prestations à la Caisse Nationale Assurance Maladie (CNAM), dans une vidéo diffusée par le site Abidjan.net TV, le 29 juillet 2023, 173 pathologies sont prises en charges par la CMU : l’hypertension artérielle, le diabète ou encore la transfusion sanguine, nouvellement intégrées à la liste des maladies. Il ajoute que 741 types de médicaments sont disponibles dans les pharmacies privées, pour les détenteurs de cartes CMU. Par ailleurs, toujours d’après la même source, 242 produits sont disponibles dans les établissements publics de santé, dans les localités dépourvues de pharmacies.
Des utilisateurs entre satisfaction et difficultés
Des assurés se plaignent des difficultés dans l’utilisation de la carte CMU. Ils évoquent, entre autres, des lourdeurs administratives pour obtenir les prestations ; la difficulté à obtenir la signature des bons de prises en charge. Ou encore le fait que certains médicaments ne soient pas couverts par la CMU. Mme Zigré Emma, agent communautaire dans une ONG à Soubré, est détentrice de la carte CMU. Elle a éprouvé du mal pour obtenir la signature de son bon. Elle explique qu’elle s’est butée au fait qu’il n’y avait pas sur place un médecin habilité à signer. « J’ai été confronté à des difficultés chaque fois que j’ai tenté d’acheter des médicaments avec ma carte. Ce qui a fait que je me limite désormais à utiliser ma carte pour les consultations afin de gagner en temps ».
Toutefois, dame Zigré Emma reconnait que la CMU marche bien à l’hôpital général de Soubré où elle se sert de la carte depuis 2023 pour faire ses examens médicaux (test de palu, échographie et scanner), avoue-t-elle. Grâce à la carte CMU, fait savoir Emma, l’échographie qui coûte 8 000 F CFA dans cet hôpital, lui revient à 2000 F CFA.
La signature des bons, un casse-tête
Dans la matinée du 11 février 2025, Le Tamtam Parleur a rencontré des utilisateurs de la carte CMU au CHU de Treichville. L’équipe d’accueil de la CMU est installée dans l’enceinte du bureau des entrées au sein du centre hospitalier. Trois agents, chacun avec une table et deux chaises visiteurs estampillées CMU, reçoivent à tour de rôle des patients des deux sexes. Madame Kouamé qui venait d’être reçue par un des agents, souffre d’une chirurgie mal faite de la cheville. Elle doit subir une seconde chirurgie pour retirer un métal du pied. Deux jours plus tard, joint au téléphone par Le Tamtam Parleur, madame Kouamé raconte qu’elle s’est vue obligée d’acheter de sa poche une partie des médicaments à 130.000 F CFA sur un kit complet de 170 000 F CFA. Et pour cause, la CMU ne couvrait pas tous ses médicaments. « J’ai dû acheter la plus grande partie moi-même », explique-t-elle.
Un autre assuré, la quarantaine environ, repart précipitamment. Il est venu pour des soins en urologie, mais s’est entendu dire que : « la CMU ne couvre pas cette pathologie » , lâche-t-il. Pour avoir le cœur net sur les prestations de la CMU, Le Tamtam Parleur a interrogé un des agents d’accueil CMU du CHU de Treichville qui explique : « lorsqu’un assuré se présente à l’accueil avec sa carte, nous faisons un contrôle biométrique de la carte, avant de lui remettre une fiche de soins et un bon de prise en charge. Puis l’assuré paye son ticket modérateur au taux de 30% et muni de son reçu de paiement et son bon, nous l’orientons vers le service habilité pour sa consultation ». Et une fois la consultation terminée, l’assuré reviendra voir les agents d’accueil à nouveau avec la liste des produits prescrits par le médecin pour recevoir un bordereau de facturation à transmettre à la CNAM.
Selon l’agent le bon doit être signé ensuite par le médecin qui l’a consulté. Malheureusement ces médecins habilités à apposer leur signature ne sont pas toujours disponibles, selon plusieurs assurés faisant retarder l’achat des médicaments pour les patients. C’est d’ailleurs l’un des plus sérieux problèmes rencontrés par les détenteurs de la carte et la source de nombreux grincements de dents. Qu’en est-il de la réalité des coûts médicaux pris en charge par la CMU ? L’agent CMU rassure que les personnes détentrices de la Carte Maladie Universelle obtiennent effectivement les prestations, qu’il s’agisse des consultations, des examens et des médicaments avec une prise en charge de 70%. Elles payent seulement 30% du coût des médicaments ou des prestations médicales. C’est le cas de la consultation au CHU de Treichville qui est offerte à 1500 F CFA aux assurés de la CMU contre 5000 F CFA aux autres usagers.
Le casse-tête de plusieurs assurés qui se sont confiés à Le Tamtam Parleur, reste la disponibilité des médecins pour signer en urgence les bons d’achats des produits afin de faciliter l’accès rapide aux médicaments et aux soins. Sur la page Facebook de la DGCMU, les responsables de cette direction réagissent aux plaintes des internautes, certains se présentant comme des assurés. Parmi les difficultés qui reviennent, on note le refus de certains établissements médicaux d’accepter la CMU ou encore les difficultés à obtenir la carte après l’enrôlement. A la CNAM, l’on est d’ailleurs conscient des difficultés. La structure se dit même disposée à apporter des solutions. « La CMU évolue normalement ; il y a des difficultés, cela est vrai, mais nous attendons de les connaître pour corriger », déclarait le directeur des prestations de la CNAM, Dr Brou Christian, en juillet 2023.
CMU égale solidarité des bien-portants envers les malades
Selon une étude réalisée en 2019 et citée par le consultant de la DGCMU, Dr Ponou Armand, 37% des personnes vivants en zones urbaines, soit une personne sur deux, et 60% de celles vivants en zone rurales, autrement dit deux personnes sur trois, renoncent aux soins par manque de moyens financiers. Pour ce consultant, c’est ce qui justifie le caractère obligatoire de la CMU parce que l’assurance maladie universelle repose sur un mécanisme de solidarité dans lequel les personnes bien portantes, cotisent pour faire soigner les personnes malades. « L’assurance volontaire pratiquée depuis toujours n’est pas inclusive », ajoute-t-il. En effet, l’assurance maladie universelle, avec une cotisation mensuelle de 1000 F CFA, soit 12 000 FCFA / l’an par assuré, prend en compte toutes les catégories de la population, notamment les personnes qui ignorent l’utilité de l’assurance maladie ; celles qui sont démunies -qui n’ont pas les moyens de payer la police d’assurance – et les personnes à risque dont la police d’assurance est beaucoup plus élevée. La prime d’assurance maladie en Côte d’Ivoire atteint 350.000 F CFA/ l’année (Cf. L’enquête de Le Tamtam Parleur N° 086 du 20 janvier 2025, intitulée « Pourquoi les Ivoiriens fuient les assurances »).
Les cliniques privées toujours attendues
Bien qu’étant des acteurs clés dans l’offre de santé à la population ivoirienne, les cliniques privées n’ont pas encore intégré le processus de la CMU, affirme un responsable de la CNAM contacté par Le Tamtam Parleur.
La Couverture Maladie Universelle a été instituée par la Loi N°2014-131 du 24 mars 2014. Un décret du gouvernement pris le 28 septembre 2022, a consacré son caractère obligatoire