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dimanche 6 octobre 2024
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Location de maisons : On triche avec la loi

Si la loi demande deux mois d’avance et deux mois de caution pour louer une maison, certains courtiers ou propriétaires réclament en plus une somme équivalent à un mois de loyer sous le prétexte de « frais d’agence ». Une magouille punie par le Code de la construction et de l’habitat.

Trouver un logement à Abidjan est un parcours du combattant. Une course de fond qui nécessite du courage, mais surtout une santé financière à toute épreuve. Et ça, Fatim Karamoko, installée à AboboTé,un quartier d’Aboboil y a un mois, ne peut pas le nier. Enaoût, elle a dû payer deux mois de caution, deux mois d’avance, le mois d’agence (mois de loyer non remboursable), et 70.000 FCFA de frais de dossier pour le studio qu’elle loue à 60.000 FCFA le mois. Ce qui lui est revenu à 370 000 FCFA, hormis les trois visites précédentes effectuées à 5000 FCFA chacune.« Cette somme a été versée au propriétaire, en présence d’un courtier qui a récupéré le mois d’agence », souffle-t-elle. Comme elle, StéphaneKolanie dit avoir collaboré avec une agence immobilière à laquelle il a avancéla somme de 350.000FCFA pour un studio de 66.000 FCFA. Cette somme comprend les frais de dossier fixés à 20.000 FCFA, les mois de caution, d’avance et d’agence.« Il y a trop de laisser-aller dans ce processus de recherche de maison à Abidjan. Les frais de dossier, les coûts de visite des maisons, le mois d’agence qui équivaut au mois de loyer,…. Nous sommes conscients de ce que les structures immobilières doivent bénéficier du fruit de leurs efforts, mais la facture est quand même salée pour les locataires. C’est quand même abusé », trouve-t-il. Si Marlène Kouassia avancé deux mois de caution avant d’accéder à l’appartement qu’elle loue à Yopougon, elle n’a pas « échappé » au fameux mois d’agence. « C’était une demande du propriétaire qui voulait me faciliter la tâche, selon ses dires. Ainsi, dès la fin du premier mois, j’ai commencé les versements mensuels », confie-t-elle. Ce mois d’agence, plusieurs locataires ne comprennent pas pourquoi ils le payent. La difficulté de trouver un logement convenable fait que tous ferment les yeux dessus et s’exécutent.

Pour Léon Assi, chef d’une agence immobilière, les frais d’agence représentent les frais de prestations d’une agence. Le tarif fixé à un mois de loyer inclut, « les taxes et impôts que nous sommes aussi emmenés à payer, étant déclarés en tant qu’entreprise.Si un propriétaire ou un courtier réclame les frais d’agence, c’est non légal parce ce que ce dernier ne paie ni taxe, ni impôts. Les frais de visite à 5000 FCFA concernent uniquement les courtiers.Les agences sérieuses ne fixent pas de frais de visite »,rectifie Léon Assi. Avant de préciser que les frais de dossier que demandent les agences immobilières sont utilisés pour le paiement des impôts et l’achat des contrats de bail commercialisés par le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme.« Le document coûte 10.000 FCFA. Notre agence a donc fixé les frais de dossier à 20.000 FCFA. Dans d’autres agences, le montant des frais de dossier est fixé à 10% du loyer», détaille-t-il. En plus des formules mises en place pour leur rémunération, les agents immobiliers bénéficient également d’un pourcentage – généralement 10 % – sur le loyer mensuel. « Tout est notifié dans le contrat conventionnel de gestions immobilières que nous signons avec les propriétaires », clarifie-t-il.

Ce qui se passe sur le terrain

Aujourd’hui, la plupart des propriétaires de maisons s’occupent eux-mêmes de la gestion locative de leurs biens, prenant de facto le titre d’agence sans agrément. Ils prélèvent ainsi les frais d’agence, les cautions et les frais de dossier, parfois avec leurs acolytes, les courtiers. « Lorsque le client arrive par le biais d’un apporteur d’affaires, ils partagent le mois d’agence avec ce dernier. Ils utilisent les frais de dossier pour la gestion des mutations pour l’eau et l’électricité », dénonce César Ehoussou, gérant d’un bien immobilier.Pourtant, les articles 415 et 416 du Code de la construction et de l’habitat sont formels : « le propriétaire ne peut pas exiger plus de deux mois d’avance ni plus de deux mois de caution au locataire. S’il ne respecte pas cette mesure, il devra payer une amende qui sera le triple des sommes perçues en plus des deux mois d’avance et de caution ».Cette même loi, en son article 419, stipule que le recours à une agence immobilière, en vue de la conclusion d’un contrat de bail à usage d’habitation, est facultatif. Toutefois, l’exercice de la profession d’agence immobilière ou de courtier en immobilier dans la conclusion du bail à usage d’habitation est soumis à agrément ou à autorisation conformément aux dispositions du code.Les frais des agences immobilières,à en croire le juriste Jean Marc Tapé,doivent êtrefixés de commun accord entre les bailleurs et les locataires et ne doivent pas excéderle mois de loyer.

Le ministère veut mettre de l’ordre

Approché, le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme a indiqué être au parfum des agissements précités et y travaille pour trouver des solutions durables. « Le Code général des impôts prévoit en son article 1143 une taxe dite taxe sur l’excédent des sommes perçues par les propriétaires d’immeubles donnés en location. Cette taxe au taux de 300 %, est assise sur l’excédent des sommes stipulées au-delà de deux mois de caution et de deux mois d’avance sur loyer », indique Sylvain Gbongué Tia, directeur du Logement et de l’Aménagement foncier au ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme.

Il ajoute en sus, que « les honoraires ou commissions des agences immobilières et des courtiers en immobilier sont soumis à un tarif unique fixé par décret », comme le mentionne l’article 481 du Code de la construction et de l’habitat. « Le projet d’arrêté encore en cours approbation prévoit que letarif soit supporté par le propriétaire et le locataire à parts égales », précise Sylvain Gbongué Tia. Afin de faire respecter les dispositions de la loi de part et d’autre, le ministère de tutelle a mis en place tout une série d’actions notamment l’élaboration d’un contrat type de bail à usage d’habitation, qui respecte en tous points, les dispositions de la loi.

Pour les cas d’abus et de non-respect de la loi, le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme encourage tous les usagers, principalement les associations des consommateurs, à dénoncer auprès des tribunaux, les différents abus dont ils ou leurs membres sont l’objet.« Malheureusement, les récriminations sont nombreuses, mais très peu ou pas du tout de plainte n’est enregistrée auprès des juridictions compétentes », se désole le directeur du Logement et de l’Aménagement foncier. Il a en outre, invité la population à coopéreren exigeant le contrat de bail sécurisé proposé par leministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme dans la conclusion du bail à usage d’habitation. Conseil important : la tutelle recommande de ne traiter qu’avec des professionnels agréés pour éviter toute mauvaise surprise.

Marina KOUAKOU

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