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dimanche 2 juin 2024
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Le Grand Angle | Gratuité de la césarienne : Entre business et nécessité

La césarienne, cet acte chirurgical qui permet l’accouchement par incision de l’abdomen et de l’utérus, est devenue de plus en plus récurrente, dans les hôpitaux ivoiriens. Ce qui fait dire à certains observateurs que cette pratique est devenue plus un business du corps médical qu’un besoin sanitaire pour les femmes en couches.

Comme toute intervention chirurgicale, la césarienne est associée à des risques pour la mère et pour son enfant. Il peut en résulter des séquelles pour la mère. Celles-ci peuvent perdurer plusieurs années, après l’accouchement, et affecter la santé de la femme et de son enfant, ainsi que les futures grossesses. Conscient de ces menaces sanitaires, l’Etat a mis en place, en 2012 – au sortir de la crise postélectorale – une politique de gratuité des soins, d’abord « totale », puis « ciblée », dans les hôpitaux publics. Objectif de ce programme : « offrir, à titre gracieux, des services et actes médicaux, dans le cadre des consultations prénatales, des accouchements et leurs complications, des consultations pour les enfants de 0 à 5 ans et de la prise en charge du paludisme grave ». Ainsi, selon les informations reçues, les kits remis par le gouvernement sont gratuits et composés de plusieurs éléments. Il peut s’avérer que des éléments qui sont censés être dans le kit soient absents. Ceci n’est pas du fait de l’agent de santé, mais plutôt de celui de la Nouvelle Pharmacie de la Santé Publique (NPSP) qui fait les kits. Dans ce cas de figure, une ordonnance peut être délivrée pour acheter les éléments manquants dans une pharmacie. Si les populations ont applaudi cette mesure, la réalité sur le terrain les fera déchanter.

Ainsi, la césarienne qui devait être pratiquée gratuitement a coûté une fortune à certaines parturientes et à leurs parents. Un agent de santé que nous avons rencontré est incisif. « La césarienne est une opération qui engage beaucoup de frais. Elle ne saurait être gratuite au public comme au privé », affirme-t-il, sous couvert d’anonymat, invoquant la sensibilité du sujet. Ainsi, la gratuité de la césarienne telle que souhaitée par le gouvernement, n’est pas une réalité observable dans les hôpitaux publics, le coût de cette opération variant d’une clinique à l’autre. Dans les centres de santé publics, témoigne une source, en cas de manque des kits d’accouchement, « il faut payer le kit de césarienne qui s’élève à 60.000 F CFA, la location du bloc à 50.000 F CFA et l’hospitalisation. Le coût des chambres varie entre 2.000 et 10.000 francs CFA pour cinq jours d’hospitalisation ». Il ajoute : « Il faut au moins 120.000 francs CFA pour bénéficier d’une césarienne », sans compter la prescription des produits pour les autres soins. Au Centre Hospitalier Universitaire d’Angré, le coût de la césarienne est de 200.000 F.CFA pour les personnes non assurée et de 250.000 F.CFA pour les personnes assurées. Des montants qui sont loin de réfléter la politique de gratuité initiée par le gouvernement.

La césarienne, un business ?

En 2020, Hyacinthe Kouakou Andoh, alors Directeur coordinateur adjoint du Programme national de la santé de la Mère et de l’Enfant, au ministère de la Santé publique, faisait remarquer qu’en Côte d’Ivoire, il est enregistré 3.3% de cas de césarienne, là où « par principe cette pratique médicale est gratuite dans tous les établissements publics.» Avec le nombre de cas élevés de césarienne pratiquées dans les centres hospitaliers du pays, ces dernières années, il est important de se demander si ce n’est pas une autre trouvaille pour extorquer de l’argent aux parturientes. Aboudramane Soumahoro, directeur de société, estime que c’est du business parce qu’il n’a jamais compris les raisons pour lesquelles les médecins ont fait accoucher son épouse par césarienne, quatre fois de suite. « Mon épouse a fait quatre accouchements par césarienne. Pour le premier, le médecin a indiqué que le cordon ombilical avait entouré le cou de l’enfant et qu’il fallait faire une opération pour sauver la mère et le bébé », explique-t-il. Il indique que le coût de chaque césarienne lui est revenu à un peu plus de 700.000 F. CFA, sans compter les soins.

« Dans mon cas, le médecin m’a expliqué ce qui se passait et m’a laissé décider de prendre le risque ou pas », e

Précise de son côté dame Yao, mère d’un enfant né par césarienne. Autrefois considérée comme le dernier recours pour sauver la mère et son bébé, la césarienne est désormais perçue comme une opération de routine. Par contre, ne pas recourir à la césarienne, en Côte d’Ivoire où le système de santé fait souvent défaut dans certaines régions, peut engager le pronostic vital de la mère et du bébé.

Nécessité de la césarienne

Selon un médecin, exerçant dans un hôpital de la capitale économique, plusieurs facteurs justifient l’urgence d’une césarienne. « Normalement, la césarienne est plus dangereuse que l’accouchement par voie basse. Toute femme qui est dans les conditions normales pour accoucher doit le faire par voie basse », fait-il observer.

Un autre médecin explique que l’opération n’est pratiquée qu’en cas d’absolue nécessité. A l’en croire, plusieurs raisons expliquent la césarienne. Lorsque le bassin de la mère est trop étroit, lorsque l’enfant est en mauvaise position (présentation transversale, cordon ombilical mal placé) ou rencontre un obstacle à la sortie (fibrome), détaille-t-il, la césarienne s’impose. « Lorsque l’utérus est mal formé ou que la mère est dans un mauvais état de santé ; diabète, herpès génital, hypertension artérielle, insuffisance rénale ou maladie au cours de la grossesse, le médecin est obligé de pratiquer une césarienne. », ajoute-t-il. Le praticien soutient que certaines anomalies sont détectées, lors des consultations prénatales – notamment au huitième mois – ce qui pousse le médecin à programmer la césarienne. « Mais il y a d’autres causes qui ne se révèlent qu’à la dernière minute. Et là, nous n’avons pas le choix. Nous pratiquons la césarienne pour sauver la vie de la mère et de l’enfant », justifie-t-il.

Il existe également des cas, selon le médecin, où l’enfant est en souffrance fœtale, une complication dans le travail de l’accouchement, qui survient lorsque le fœtus n’a pas reçu « suffisamment d’oxygène ». « Là, on ne réfléchit pas, il faut césariser et pour sauver l’enfant et pour le bien-être de la maman », explique-t-il. « La césarienne est aussi nécessaire dans le cas où la mère refuse de pousser pour éviter les risques de saignement après l’accouchement. Il en est de même pour les bassins étroits, pour lesquels l’accouchement par voie basse est possible mais les dimensions étant réduites, une césarienne est aussi nécessaire », ajoute le praticien.

Sandra KOHET

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