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dimanche 2 juin 2024
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Grogne autour de la CMU : C’est quoi le problème ?

L’obligation faite à tous les Ivoiriens d’être affiliés à la CMU pour pouvoir accomplir certaines opérations courantes a suscité une levée de boucliers contre cette assurance qui ambitionne d’offrir à tous des soins de santé de qualité à moindre coût.

Désormais, la présentation de la carte d’assuré de la Couverture Maladie Universelle (CMU) sera exigée pour les opérations suivantes : le retrait du passeport et du permis de conduire, l’inscription aux examens ou concours d’entrée à la Fonction publique, la police, la gendarmerie et des armées, l’inscription des étudiants dans les universités et grandes écoles publiques et privées. Une décision actée par le Conseil des ministres en sa session du mercredi 28 septembre 2022. Officiellement entrée dans sa phase active le 1er janvier 2020, la CMU est le système national obligatoire de couverture contre le risque maladie au profit des populations, notamment les plus démunies. Elle a pour objectif de garantir à l’ensemble des Ivoiriens résidant en Côte d’Ivoire l’accès à des services et à des soins de santé de qualité, à moindre coût.

Seulement, depuis sa mise en œuvre, la CMU rencontre des difficultés, ce qui a suscité une grogne, notamment au niveau des fonctionnaires. Ces derniers avaient dénoncé un « mauvais arrimage » entre la CMU et leur faîtière, la Mutuelle Générale des Fonctionnaires et Agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (Mugefci), source de difficultés pour eux pour avoir accès aux soins dont ils jouissaient librement par le passé. La question a même attisé les tensions entre l’Etat et la Mugefci dont les syndicats de fonctionnaires (membres de la Mugefci) se sont plaints d’une « dégradation des soins », dénonçant le paiement de certains médicaments plein tarif, à leurs coûts réels, malgré les cotisations versées. Si l’Institution de prévoyance sociale-Caisse nationale d’assurance maladie (IPS-Cnam, créée en 2014), chargée de réguler la CMU et le gouvernement ont longtemps poursuivi les négociations pour mieux faire fonctionner la CMU, les plaintes, elles, n’ont pour autant pas totalement cessé.

« Tout va se stabiliser »

Certains assurés – fonctionnaires, travailleurs du privé ou de l’informel – ont fréquemment poussé des gueulantes, ces derniers temps, notamment sur les réseaux sociaux, pour dénoncer des pénuries, alors que 90 % des médicaments sont censés être disponibles. « Comme tout nouveau système, au démarrage, il y a eu quelques couacs, nous en sommes conscients. Mais tout se stabilisera au fil du temps », a assuré un fonctionnaire du ministère de la Santé. Il a indiqué que c’est dans cet objectif que l’Etat a investi, pour la période 2018-2020, plus de 833 milliards de F CFA dans le secteur de la santé. « Il s’agit d’accompagner la mise en place de la CMU et de financer la réalisation d’infrastructures sanitaires, sans oublier le recrutement des ressources humaines adaptées », a-t-il répondu. Du côté de la Cnam, l’on explique que « le taux de couverture a été fixé à 70 % », les assurés bénéficiaires ne payant qu’un droit modérateur de 30 % de la prestation médicale, « qu’il s’agisse d’une consultation, d’une intervention chirurgicale ou encore de l’achat de médicaments ».

Dispositif obligatoire

Le caractère obligatoire de la CMU impose à tous les Ivoiriens résidant en Côte d’Ivoire de se faire enregistrer dans les centres d’enrôlement installés sur l’ensemble du territoire national, de retirer leur carte et de payer régulièrement leurs cotisations. A cet effet, deux régimes ont été mis en place. A savoir : un Régime général de base (RGB), contributif, à raison de 1.000 FCFA par mois et par personne, ainsi qu’un Régime d’assistance médicale (RAM), non contributif, celui-là, pour les personnes démunies qui, jusqu’à l’avènement de la CMU, étaient pour la plupart exclues du système de santé. Ainsi, toutes les personnes relevant du régime contributif ont l’obligation de s’acquitter de la cotisation mensuelle de 1.000 F CFA (soit par prélèvement à la source, pour les personnes qui travaillent, soit par versement à la Cnam en ligne, soit auprès des banques partenaires.

Priorité du Président Ouattara

Pour le Président Ouattara dont la CMU est une promesse de campagne, la mise en œuvre de cette couverture maladie est en même temps un défi et une priorité. Même si le système n’est pas totalement rodé, l’Etat a veillé – veille – à ce que tout se passe sans grandes difficultés. Depuis la promulgation de la loi instituant la CMU, en mars 2014, suivie de la création de la Cnam, tout est fait pour huiler la machine. Une phase expérimentale du Régime général de base a été ainsi lancée en avril 2017 auprès d’une population cible de 150.000 étudiants issus des établissements publics et privés d’enseignement supérieur d’Abidjan, de Yamoussoukro, de Bouaké, de Daloa et de Korhogo pour éprouver le système, avant sa généralisation. Cette phase pilote, qui a duré deux ans, a permis d’apprécier, d’une part et d’ajuster d’autre part les process en tenant compte des retours d’expériences de la population pilote.

En 2018, la Cnam enclenchait la vitesse supérieure en passant à la « généralisation progressive » de la CMU et du Régime d’assistance médicale au profit des personnes économiquement faibles ou démunies. Enfin, depuis le 1er juillet 2019, une partie de la population déjà enrôlée (notamment des étudiants), de même que les travailleurs du privé et du public prélevés à la source ont commencé à s’acquitter de leur cotisation mensuelle de 1 000 F CFA. Dès le 1er octobre 2019, tous ont donc déjà pu bénéficier, avec plus ou moins de satisfaction, des prestations de la CMU dans les établissements et centres de santé, services médicaux et pharmacies publics, ainsi que dans les officines, cabinets et établissements de santé privés agréés.

Des investissements importants

Trois ans après le lancement de la phase pilote, la CMU, bien que devenue officiellement « obligatoire » n’avait pas enclenché sa vitesse de croisière. Selon les chiffres disponibles, sur une population de 24 millions d’habitants, seulement 1,55 million de personnes, étaient enrôlées en octobre 2019, dont moins de 200.000 personnes démunies.

Le gouvernement poursuit toujours par ailleurs le vaste programme de construction, de réhabilitation et de modernisation des centres hospitaliers universitaires (CHU), des hôpitaux régionaux et généraux, et des centres de santé. Dans cette perspective, des investissements importants sont réalisés pour mettre le pays à niveau. Sur la période 2020-2024, ce n’est pas moins de 1 650 milliards de F CFA qui seront dégagés pour offrir un plateau technique à la hauteur des attentes des populations.

Souscription obligatoire

La Couverture maladie universelle (CMU) étant désormais l’assurance de base obligatoire pour tous ceux qui résident en Côte d’Ivoire, les autres assurances contre le risque maladie sont devenues des assurances « complémentaires ». Et, en l’occurrence, le gouvernement a imposé aux compagnies d’assurances d’obliger leurs clients souscripteurs d’une assurance complémentaire couvrant le risque maladie à être « en règle vis-à-vis de la CMU », c’est-à-dire d’y souscrire même s’ils ne bénéficient pas de ses prestations, comme il est désormais obligatoire de le faire, afin que tous contribuent à l’effort de solidarité nationale envers les plus démunis.  

De son côté, et en attendant de quadriller effectivement tout le territoire, la Cnam a déployé ses équipes sur le terrain pour accélérer le processus d’enrôlement de l’ensemble de la population.

M’Bah Aboubakar

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