Vincent Toh-Bi salue le génie de Bassirou Diomaye Faye, le Président fraîchement élu au Sénégal, et son mentor Ousmane Sonko, qui ont su briser les codes et déjouer les pronostics. Il les appelle à vite retrousser les manches pour affronter la réalité du pouvoir qui est plus exigeante pour un chef d’Etat africain.
Ils l’ont fait. Contre le cours d’évènements imprévisibles, ils sont arrivés. Cela s’appelle «la puissance du rêve».
Ils ont sorti de leurs têtes et formaté en réalité ce qu’ils pensaient qu’ils pouvaient être pour leur pays . Ils n’ont pas attendu les milliards qu’il fallait. Ils n’ont pas attendu d’être de chevronnés politiciens aux résultats communautaires inexistants. Ils ont compris qu’un peuple qui ne parle pas n’est pas forcément un peuple qui ne pense pas. Ils n’ont pas été complexés par le fait qu’ils ne sont pas un Parti centenaire ou expérimenté. Ils n’ont pas écouté les grands politiciens de salons qui, cigares en mains, assis dans leurs douillets salons, critiquent tout et rien. Ils ont dédaigné tous ces brillantissimes experts géo-stratèges qui savent qui la France et les États-Unis installeront à la tête de quel pays africain, quand et pour combien de temps .
Ils l’ont juste fait parce qu’ils ont semé en leur peuple les graines de l’espoir, anabolisants ferments qui les ont portés au sommet. Ils l’ont fait .
Mais l’euphorie va vite passer et les semaines qui viennent, le mois prochain, le peuple qui croit l’Etat toujours très riche et qui méconnaît les mécanismes et les contraintes de la gestion publique, exigera que le prix du carburant soit réduit, que le riz, l’huile , le sucre, la viande soient beaucoup moins chers, que les jeunes dont certains ont perdu la vie pour rendre réel ce rêve aient tous du travail, que les soins de santé et l’école tous cycles confondus soient gratuits.
Le nouvel exécutif découvrira les mécanismes handicapants de la dette. Il sera confronté à la complexité des investissements étrangers et à la tyrannie des financements et subventions. Nos héros affronteront les résistances au changement de leur propre administration, quand ils proposeront des réformes. Ils seront confrontés à la lenteur atavique des fonctionnaires et des administrations, à l’inexpérience ou a l’inefficacité de certains ministères commandés par leurs propres hommes. Ils mèneront un difficile combat contre la corruption génétique dans laquelle seront emballés leurs propres compagnons de lutte, qui pourraient devenir en un court temps les nouveaux riches fanfarons, la nouvelle bourgeoisie politique. Ils découvriront les réalités impitoyables des relations internationales, de la diplomatie des grands, de l’enchevêtrement inextricable des intérêts des pays .
Et ils devront pourtant faire face et donner au peuple ce qu’ils lui ont promis, sans trop savoir le difficile exercice auquel ils s’exposeraient en faisant ces promesses.
Ils peuvent réussir. Ils devront réussir à rendre beaucoup de gens heureux . D’autres l’ont réussi avant eux ailleurs, pourquoi pas eux ?
(…)
Vincent Toh-Bi, ex-préfet d’Abidjan, spécialiste des questions électorales
NB : La titraille est de la rédaction