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mardi 22 octobre 2024
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Accusé d’apologie du viol… : Comment Yves de M’Bella a échappé à la prison

L’affaire a fait grand bruit, il y a quelques mois. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Yves de M’Bella – de son vrai nom Ebibendé M’Bella Yves-Marie – a eu une sacrée baraka. Suite à l’émission qu’il a animée sur les antennes de la Nouvelle chaine ivoirienne (NCI) et au cours de laquelle son invité, « un violeur repenti », a mimé sur un mannequin une scène de viol, l’animateur a échappé à la prison. Récit d’un épisode judiciaire.

D’après des sources judiciaires ayant requis l’anonymat, la décision, en appel, de ne pas condamner le célèbre animateur à une peine assortie d’emprisonnement est suscitée par la grande humilité dont Yves de Mbella a fait preuve, devant les magistrats. Les hommes chargés de faire appliquer la loi semblent avoir particulièrement été touchés par l’image d’un homme désolé et abattu, au bord de la dépression, après le lynchage médiatique et la clameur publique qui le vouaient aux gémonies. 

Sur les faits d’apologie de crime, considérant que le crime, dont l’apologie est reprochée aux prévenus, est celui de viol prévu et puni par les articles 403 et 404 du Code pénal, en tant qu’attentat aux mœurs, classé au chapitre 2 du titre 2 dudit code, relatif aux crimes et délits contre les personnes, la cour a estimé que cette infraction n’est pas établie. Cela, vu que les crimes dont l’apologie est prévue et punie par les articles 184, 185-1° et 190 du Code Pénal, sont ceux de vol, de meurtre, de pillage, d’incendie ou de destruction d’édifices, voire les infractions contre la sûreté de l’Etat et la défense nationale et les infractions contre la sécurité publique.  “La loi pénale étant d’interprétation stricte au sens de l’article 15 du Code pénal, il convient de dire que l’infraction d’apologie de crime n’est pas établie en l’espèce et renvoyer les deux prévenus de ce chef de poursuite”, lit-on, dans la décision dont letamtamparleur.com a obtenu copie.

L’infraction de l’animateur et son coaccusé a donc été requalifiée en « outrage public à la pudeur », dont la peine est beaucoup moins lourde que s’il s’agissait de « l’apologie du crime ». La cour a estimé qu’en se livrant à une démonstration télévisée de viol, dans une émission diffusée en direct, à une heure de grande audience, sur une chaîne non cryptée, Yves de M’Bella et Traoré Chérif Abdel Kader Barou, le supposé ex-violeur, ont “par un moyen permettant le contact visuel ou même auditif du public, porté atteinte aux bonnes mœurs et au sentiment moral de nombreux téléspectateurs qui en ont été involontairement témoins”. Par conséquent, la cour souligne que  “l’émoi général suscité par une telle émission, ainsi qu’il a été constaté sur les réseaux sociaux, est la preuve du trouble qu’elle a causée à l’ordre public”.

Si elle a estimé que l’infraction d’outrage public à la pudeur était établie à l’égard des prévenus, la cour leur a trouvé des circonstances atténuantes, étant entendu, selon les juges, que l’intention au départ était de sensibiliser les téléspectateurs sur les cas de viol.

“Le prévenu Ebibendé M’Bella Yves-Marie dit Yves de M’Bella ayant déjà bénéficié d’une dispense à l’exécution de la peine d’emprisonnement par le jeu du sursis, il convient de confirmer la peine en ce qui le concerne”, indique la décision de la Cour d’appel d’Abidjan Plateau. Le jugement ajoute, en ce qui concerne le prévenu Traoré Cherif Abdel Kader Barou, que “la peine d’emprisonnement prononcée est manifestement excessive, eu égard aux circonstances des faits et à sa personnalité” et qu’il sied de réformer le jugement attaqué en ce qui concerne la peine d’emprisonnement prononcée à son égard. 

En conclusion, le tribunal a déclaré Traoré Cherif Abdel Kader Barou et Ebibendé M’Bella Yves-Marie dit Yves de M’Bella “non coupables des faits d’apologie de crime“ mais en revanche “coupables des faits d’outrage public à la pudeur tels que prévus et punis par l’article 416 du Code Pénal”. Ils ont été condamnés à 12 mois d’emprisonnement chacun et à 500.000 FCFA d’amende, précisant qu’il sera sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement.

Rappelons que les faits incriminés se sont déroulés le 30 août 2021. Ce jour-là, un lundi soir, en présence d’un public, Yves de M’Bella, présentateur d’un talk-show populaire diffusé sur la chaîne de télévision privée La Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI), avait invité dans son émission – censée dénoncer le viol – Traoré Cherif Abdel Kader Barou, un supposé ancien violeur, à qui il a demandé d’expliquer comment il s’y prenait pour abuser de ses victimes, en s’aidant d’un mannequin. Très en verve, l’animateur avait même demandé à son invité si, parmi ses victimes, certaines avaient joui et avaient pris du plaisir quand il les violait. « Beaucoup, la majorité », a répondu le « violeur repenti ». C’est, ahuris, que les téléspectateurs découvrent cette scène qui les choque profondément. Surtout qu’elle arrache des fous rires aussi bien à l’animateur qu’aux autres invités sur le plateau. Des téléspectateurs, eux, sont choqués. Les réseaux sociaux s’emparent de l’affaire: c’est le scandale.

Dans la foulée, l’animateur s’excuse, mais est suspendu par son employeur. Saisi de l’affaire, le tribunal correctionnel d’Abidjan-Plateau, au cours de l’audience du 1er septembre 2021, déclarera Yves de M’Bella et Traoré Cherif Abdel Kader Barou (l’ex-violeur) coupables d’apologie de crime et d’outrage public à la pudeur”. Ils seront condamnés respectivement à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et 2 millions de FCFA d’amende pour le premier et à 24 mois d’emprisonnement et 500.000 FCFA d’amende pour le second, non sans avoir décerné mandat de dépôt contre ce dernier. Les deux prévenus ayant fait appel de cette décision, ils ont à nouveau été jugés. Devant la cour présidée par le juge Méité Sombè Souleymane, les conseils des prévenus, pour leur part, ont plaidé la relaxe, aussi bien pour les faits d’apologie de crime que d’outrage public à la pudeur, en faisant valoir qu’il n’y a pas d’infraction à la loi pénale. 

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