25 C
Abidjan
dimanche 6 octobre 2024
AccueilLe Grand angleLe déni de grossesse : Toutes les femmes sont exposées

Le déni de grossesse : Toutes les femmes sont exposées

Le déni de grossesse est un trouble psychologique qui reste tabou et qui est encore mal compris dans notre société. Comment la femme peut-elle éviter cette grossesse surprise ?

Oui! le fait d’être enceinte sans le savoir est bel et bien une réalité. Les symptômes de la grossesse n’apparaissent pas, ce qui ne signifie pas que la grossesse n’existe pas pour autant. L’absence de nausées, de vomissements, d’une prise de poids, de tensions mammaires, d’un ventre arrondi, … peut être une illusion. Le déni de grossesse, ainsi que s’appelle cette « curiosité » est un trouble psychologique encore tabou et mal compris – connu – dans la société. Nargnahoua Coulibaly, qui en a souffert, avait un souci de conception dû à des myomes révélés après des examens. « Je devais me faire opérer mais j’ai refusé. J’ai juste fait un traitement traditionnel que je n’ai d’ailleurs pas terminé. Quand je suis tombée enceinte, mes menstrues venaient normalement et je n’avais aucun signe de grossesse comme les vertiges et les nausées », a-t-elle expliqué. Au fil des mois et sentant des mouvements dans son ventre, la jeune femme fait un test de grossesse qui s’avère négatif. « Le médecin m’a donné un bulletin d’échographie à faire et c’est après cette échographie qu’on m’a annoncé que j’étais enceinte de plus de six mois », ajoute-t-elle.

Invitée sur un plateau de télévision, Laetitia épouse Lola Muana a raconté comment elle a vécu cette situation. A l’en croire, après plusieurs mois de mariage sans enfant, elle a un moment senti quelque chose bouger dans son ventre. Les examens effectués dans la foulée ont révélé un fibrome « qui évoluait comme un enfant ». A la recherche d’un remède elle a fait d’autres examens jusqu’à ce qu’un médecin lui annonce qu’elle était enceinte de plus de cinq semaines. « Nous n’avions pas prévu sa venue, mais nous étions heureux », a-t-elle témoigné.

Si pour certaines femmes, apprendre la nouvelle de leur grossesse de cette façon est agréable, pour d’autre, cela a constitue un choc, un traumatisme qu’elles ont mis du mal à surmonter.  C’est le cas d’Ornella Faé. « Mes règles sont irrégulières. Et j’ai eu des rapports sexuels non protégés au cours desquels j’ai eu une infection qui a été soignée. Ensuite mes règles venaient normalement, mais avec des douleurs. Deux mois après, mes menstrues ne venaient plus. Et bizarrement mes seins avaient pris du volume. Au vu des interpellations de mes proches sur une supposée grossesse, j’ai décidé de faire un test de grossesse. Après les examens, j’ai appris que j’étais enceinte de deux mois et demi », a indiqué la jeune trentenaire. Chassée de la maison par ses parents, Ornella Faé a également été abandonnée par l’auteur de la grossesse. « Du coup, je me retrouvais seule. Il y a eu des moments où je pleurais, je me disais que si je n’étais pas croyante j’allais avorter parce que j’étais seule », a-t-elle poursuivi.

Ces différents exemples illustrent bien que le déni de grossesse reste encore improbable ou surréaliste pour des milliers de femmes. N’importe quelle femme en âge de procréer et de tout milieu peut faire un déni de grossesse. Les spécialistes distinguent deux types de déni de grossesse : le déni de grossesse partiel et le déni de grossesse total. En cas de déni de grossesse partiel, la grossesse est découverte avant le terme, plus précisément après le premier trimestre de grossesse. Une fois la reconnaissance du déni de grossesse est constatée, le corps de la femme se transforme en quelques heures. En ce qui concerne le déni de grossesse total, aucune découverte n’est faite au cours de la grossesse. La femme apprend sa grossesse lors de son terme et donc de son accouchement.

Aucune femme n’est plus encline qu’une autre à faire un déni de grossesse. Cependant, plusieurs facteurs existent et augmentent le risque qu’il en survienne un : une stérilité supposée par le corps médical, un nombre de grossesses rapprochées, une grossesse due à une agression sexuelle, un contexte familial difficile (abus sexuel ou psychologique). Pour le déni de grossesse partiel, la femme peut, par exemple, découvrir son état au cours d’un examen chez son médecin généraliste ou chez son gynécologue ou simplement lors d’une discussion entre amis qui mène à la perception de l’idée d’ « être enceinte ». A partir de ce moment, la prise de conscience peut être un choc pour la femme qui ne s’attend pas à être maman, une part de culpabilité peut naitre, des questions peuvent surgir : « Comment n’ai-je pas pu voir ma grossesse ? Je n’ai pas fait attention à toutes les recommandations… ». Pour le déni de grossesse total, cela s’annonce plus compliqué pour la femme qui l’apprend pratiquement à quelques heures de son accouchement.

Comment le corps dissimule-t-il la grossesse?

Selon un obstétricien avec lequel nous avons échangé, la paroi abdominale se transforme en un véritable muscle, empêchant l’utérus de basculer vers l’avant. Le fœtus reste alors debout et se développe vers le haut, dans le ventre de sa mère. Il a toutefois de la place et ne souffre pas de retard de croissance. Par ailleurs, il faut savoir que derrière chaque déni de grossesse, il y a une histoire personnelle, intime, courant parfois sur plusieurs générations. Un accompagnement psychologique de la maman est essentiel pour une compréhension psychopathologique du déni de grossesse, pour l’aider à tisser un lien affectif avec son bébé. Car en l’absence du temps de maturation psychologique de la grossesse, ce lien peut être difficile à mettre en place, en réaction au sentiment de culpabilisation de n’avoir rien vu de la grossesse ou d’avoir eu des comportements à risque durant celle-ci.

L’avis d’un psychologue

Pour Diomandé Hamadou, psychiatre et Directeur général de l’hôpital psychiatrique qui connaît bien les dénis de grossesse, cette situation pose très souvent le problème de la responsabilité de la grossesse. « Le monsieur qui est le mari peut se rebiffer et ne pas reconnaître la grossesse. Et si malheureusement les deux ne vivent pas dans la même maison, ça devient plus compliqué. La concernée a un sentiment de culpabilité », fait-il remarquer. Il indiquera, ensuite, que les femmes abandonnées dans ces conditions peuvent s’auto accuser et aller jusqu’à chercher à se faire avorter. « Généralement c’est la catastrophe », a prévenu le praticien. « Si elle ne cherche pas à avorter, cet enfant ne sera pas le bienvenu s’il n’était pas désiré. Et c’est de là que viennent certaines maladies mentales liées à l’accouchement ou à la grossesse », a-t-il ajouté. Avant de citer l’exemple de cette femme qui a accouché et refusé de voir son enfant et de lui donner la tétée. « Si on ne fait pas attention elle cherche à tuer son enfant », a-t-il alerté. Il a par ailleurs souligné que des femmes ont été traduites devant les tribunaux parce qu’elles ont attenté à la vie de leurs enfants. « Mais devant la loi et au vu de leur état mental, il y a des circonstances atténuantes », a-t-il tempéré.

.

L’accompagnement psychothérapeutique

Pour le psychiatre, une femme, dans ce cas, a besoin d’un accompagnement psycho thérapeutique. « Ce sont des cas qui sont de plus en plus fréquents. C’est un peu comme si on prenait en charge la dépression », a-t-il révélé. « Il faut que la femme verbalise comment cela s’est passé. Après la verbalisation, le psychiatre ou le psychologue, en dehors des médicaments prescrits, amène à dédramatiser – pas à banaliser – la situation et amène la femme à concevoir un avenir avec l’enfant », a-t-il ajouté. « Si l’enfant est désiré et considéré comme un don de Dieu, alors, il n’y a pas de problème. Mais dans le cas où l’enfant n’est accepté ni par le responsable de la grossesse, ni par la mère, le problème est plus complexe et ne peut trouver solution uniquement avec la mère. Il faut que le couple en discute », a conseillé le spécialiste.

En somme, pour ne pas se retrouver dans la situation fort embarrassante du déni de grossesse, le praticien invite les femmes à se faire consulter « très souvent chez le gynécologue ».

Sandra KOHET

Articles Similaires
spot_img

Articles Populaires

commentaires recents