Petite fille d’imam, Naky Sy Savané a su, à force d’abnégation, s’imposer dans le cinéma ivoirien et africain dont elle est aujourd’hui une fierté.
Quand on lui demande le secret de la longévité de sa carrière, émaillée de distinctions glanées aux quatre coins du monde, Naky Sy Savané se contente de sourire et de hocher la tête. «Ce n’était pas évident », assure-t-elle. Son cas et son expérience peuvent pourtant faire école et inspirer d’autres, puisqu’à la réalité, rien ne lui a été donné.
L’histoire de Naky commence dans son village à Odienné où, après les travaux champêtres, la troupe théâtrale de ses aînés animait les soirées. « J’assistais à leurs répétitions, mais je n’avais pas le droit de monter sur scène. Le jour de la représentation, la comédienne principale a fait une crise de paludisme. Je me suis proposée de la remplacer au pied levé, mais mon offre a été rejetée. Mais face aux réclamations du public qui voulait voir un personnage féminin sur scène, et non pas des hommes déguisés en femmes, ils ont fini par faire appel à mes services », se rappelle l’artiste. Le déclic est instantané. Du haut de ses onze ans, elle sent déjà que sa place est sur la scène. Elle ne la quittera pas. De retour à Abidjan, elle veut retrouver cette sensation nouvelle. Bientôt, tout en allant à l’école, elle se lance dans la comédie. «J’avais une double vie», confesse-t-elle. Elle se fait très vite un nom dans le milieu et est repérée par le metteur en scène Saïdou Bokoum qui lui écrit des rôles sur mesure. Connue du public, il lui devient impossible de se cacher de ses parents. Quand ces derniers lui font remarquer qu’une jeune fille qui passe à la télé lui ressemble, elle s’empresse de répondre : «Tout le monde me dit qu’elle me ressemble ». «Quand ils ont su la vérité, ça a été dur », se souvient la comédienne, dont la mère a essuyé bien de moqueries pour son choix.
C’est sa rencontre avec Henri Duparc qui va véritablement la propulser sous les deux de la rampe. Il lui confie une belle partition dans le film « Bal Poussière », devenu un classique du cinéma ivoirien. Après Henri Duparc, avec qui elle collaborera deux fois, elle travaillera avec les grands noms du cinéma ivoirien comme Roger Gnoan M’Bala dans « Au nom du Christ » (Grand prix du Fespaco en 1992) et ceux de la sous-région, à l’instar du Burkinabé Idrissa Ouédraogo ou encore du Sénégalais Sembène Ousmane (Mooladé, prix Un Certain Regard en 2004). Depuis, Naky Sy Savané est une étoile dans le ciel du 7e art africain.
A Marseille où elle s’est installée depuis plusieurs années, elle continue de s’engager pour l’art. Elle a mis sur pied une structure « Afriki Djigui Theatri », qu’elle définit comme « un refuge pour toutes les minorités afin qu’elles créent et montrent leurs œuvres ». Naky n’a pourtant pas coupé les ponts avec son pays où elle tient depuis quelques années le Festival international du film des lacs et lagunes d’Abidjan (Festilag) dont la 10e édition s’est tenue en décembre 2022.
M’Bah A.