Au moins 23 morts ont été enregistrés le vendredi 24 juin dans des violences à la frontière entre le Maroc et l’Espagne à Melilla. L’Union Africaine et l’ONU appellent à l’ouverture d’une enquête, alors que les associations locales accusent des politiques mortifères.
Sur les vidéos qui ont abondamment circulé la semaine passée, on voit des policiers marocains donner des coups à des hommes à terre avec leur matraque, sous les barbelés de la frontière maroco-espagnole. Ces corps seraient ceux de migrants d’Afrique subsaharienne. Ce jour, entre 1 500 et 2 000 migrants, principalement soudanais et sud-soudanais selon les associations, ont tenté de traverser la frontière pour passer du Maroc à l’Espagne. Ils étaient armés de pierres et de bâtons pour certains, pour se défendre face aux autorités espagnoles et marocaines. Ils ont étés accueillis à coup de bâtons et de gaz lacrymogènes, par celles-ci, provoquant des bousculades dans une zone étroite et des chutes depuis les barrières de la frontière.
Une première à Melilla
Au moins 23 morts chez les migrants selon les autorités tandis que les associations en déplorent 29 durant ce « vendredi noir ». Des dizaines de migrants, ainsi que des policiers marocains, ont été blessés. « Je pense que le bilan pour les migrants va augmenter, vu la gravité des blessures, commente Omar Naji, vice-président à Nador de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH). On ne peut pas dire combien il y a exactement de blessés, parce qu’il y en a aussi qui ont été transférés à Oujda, à 130 kilomètres de là ». Omar Naji explique que le drame est survenu après des violences entre policiers et migrants. « Il y a des migrants qui sont restés au sol, blessés, en train de saigner, pendant huit heures, sans que les autorités ne leur procurent les secours nécessaires à temps. Ils sont restés là à mourir doucement », décrit Omar Naji, qui était présent sur les lieux.
Quelles responsabilités ?
Dès la survenue du drame, le Premier ministre Espagnol Pedro Sanchez a qualifié la tentative de passage d’« attaque contre l’intégrité territoriale » espagnole. « S’il y a un responsable de tout ce qui s’est passé à la frontière, ce sont les mafias qui se livrent au trafic des êtres humains », a-t-il ajouté. « Tous ceux qui suivent le dossier de la migration à Nador savent que les migrants qui traversent la barrière vers Melilla le font dans le cadre d’une migration gratuite. Ils ne paient rien ; ceux qui sont gérés par les trafiquants sont ceux qui partent par la méditerranée », rétorque Omar Naji. Selon lui, la violence et la préparation armée des migrants s’expliquent par le contexte de plus en plus tendu à Nador. « Les autorités locales ont resserré l’étau ces dernières semaines. Les migrants vivent comme des animaux. Il leur est interdit de louer une maison et de vivre convenablement comme tout être humain. Lorsqu’ils veulent se procurer la nourriture, ils descendent dans le patelin le plus proche pour s’approvisionner. Récemment, les autorités sont passées dans tous les recoins de la ville pour dire aux commerçants de ne rien vendre aux migrants, pour les pousser à quitter Nador ». Ce qui aurait eu pour conséquence de les pousser à tenter le tout pour le tout, quitte à passer par la violence.
Demande d’enquêtes et manifestations
Rejointe par une cinquantaine d’organisations marocaine et internationales, l’ADMH
Appelle à l’identification et à la restitution des dépouilles aux familles, après l’ouverture d’une enquête indépendante. De son côté, le Tchadien Moussa Faki Mahama, chef de la Commission de l’UA, a dénoncé « le traitement violent et dégradant de migrants africains ».
Fanta FOFANA (Stagiaire)