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lundi 10 février 2025
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Promotion immobilière: Attention, arnaque !

Le déficit de 800.000 logements en Côte d’Ivoire attise les convoitises d’investisseurs, mais également d’individus malintentionnés, qui ont flairé une opportunité d’un gain facile. Si l’État a créé l’Agence nationale de l’habitat (Anah) -sur les ruines de l’ex-Sicogi- avec pour mission de bâtir des logements sociaux et économiques, le segment du standing est réservé aux entreprises privées dont certaines opèrent dans l’illégalité, exposant les souscripteurs à diverses formes d’abus.

Le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme (MCLU) tire la sonnette d’alarme, dans un communiqué rendu public le 10 décembre 2024. «Le MCLU informe la population qu’aucun programme immobilier agréé portant les noms ‘RESIDENCE NATHIFA’, ‘RESIDENCE SOA’ et ‘PROJET ESPOIR N’SIKAN’ n’apparaît dans sa base de données, indique la note ministérielle». Par conséquent, le MCLU «invite toute personne désireuse de souscrire à un programme immobilier, à faire preuve de prudence, en prenant préalablement attache avec ses services, ou à consulter sur le site Internet du ministère (www.construction.gouv.ci), les listes actualisées des promoteurs immobiliers agréés et des programmes immobiliers agréés». 

En Côte d’Ivoire, des souscripteurs avancent qu’ils sont victimes de l’indélicatesse de certains professionnels de l’immobilier. Sablux Côte d’Ivoire et TP N’sikan Projet Espoir sont classés au nombre de ces nombreux «professionnels» illégaux. Leurs noms n’apparaissent nulle part dans le fichier des 301 agents immobiliers agréés du ministère de la Construction, disponible sur le site www.construction.gouv.ci. 

Kedjevara, un artiste bien connu du coupé-décalé, évoque les déboires qu’il a connus, sur sa page Meta  dénommée Kedjevara History. « J’ai acheté mon premier terrain à 9 millions de francs CFA, à la Riviera Palmeraie, sur un espace bien connu appelé Garbadrome, en 2008, mais j’ai été grugé. Vous pouvez vous rendre à la police économique pour en savoir plus », relate-t-il, entre autres mésaventures qu’il assure avoir vécues, dans le domaine de l’immobilier.

Julien Bohé Sarr, assistant des plantations villageoises, un Ivoirien avec lequel nous nous sommes entretenus, soutient qu’il a souscrit à un programme de vente de logements, dans la commune de Cocody, à M’Badon, en 2012. « Le programme immobilier s’appelait les Jardins d’Eden. J’ai payé 15 millions de francs CFA, mais en 2015, les villageois de M’Badon ont fait opposition au projet en pleine réalisation et ils ont démoli nos maisons bâties sur ce terrain », rappelle notre interlocuteur, en nous présentant ses pièces justificatives. Au bout du compte, toutes les démarches effectuées pour un remboursement ont tourné en eau de boudin. Il n’a obtenu que 2 millions de francs CFA sur les 12 qu’il avait investis. Réunis sous l’acronyme Cosopimac, des souscripteurs ayant pour porte-parole docteur Guillaume Okoubo, pestent. Ils avancent qu’ils ont souscrit à un projet immobilier qui devrait être réalisé par un premier opérateur, le 05 octobre 2012. Ils sont environ 4500 Ivoiriens de l’intérieur et de la diaspora à avoir versé un montant total de 17 milliards de francs CFA à l’opérateur initial et aux opérateurs qui lui succéderont, de 2012 à 2017. «  Depuis lors, les souscripteurs attendent leurs maisons ou leurs remboursements. Le redressement judiciaire du Tribunal du commerce n’a pas encore pu apporter une solution à la situation des souscripteurs dont beaucoup sont ruinés, endettés, malades, voire décédés », s’indigne le secrétaire général du Cosopimac. 

Un autre souscripteur dénonce les pratiques de la société Kaydan Group, primée l’année précédente, pour ses performances. Il indique avoir souscrit à un projet réalisé par cette entreprise immobilière, à Grand-Bassam, depuis décembre 2018. « C’était l’une de ses premières opérations, dans la tranche de 40 et 50 millions F.CFA l’appartement. C’est un terrain de 430 m² pour un logement de trois pièces initialement, plus un supplément de terrain, pour passer de trois à quatre pièces, en raison du supplément de terrain. Depuis 2018, cette société ne nous a pas livré nos maisons », détaille l’infortuné qui requiert l’anonymat. Toutes nos démarches pour faire réagir Kaydan Group à ces graves accusations sont restées vaines. 

Les pièges des opérateurs indélicats

Roméo N’cho, maître de conférences en droit foncier, dans une publication disponible sur sa page Meta,  met en garde contre les annonces faites par certains promoteurs fonciers, c’est-à-dire des vendeurs de terrains, qui sont en réalité des opérateurs fonciers non encore professionnels. Leurs annonces sont trompeuses et  appâtent des potentiels acquéreurs de terrains. L’autre  cas de tromperie rencontré dans le domaine du foncier est ourdi par des lotisseurs qui  se convertissent en aménageurs pour impressionner les clients impatients. Alors qu’ils n’ont pas encore la pleine propriété d’un terrain, ils commencent à aménager cet espace. Ils y font des travaux de voiries, de bitume, d’installation électrique et hydraulique à l’effet de captiver l’attention des visiteurs, avertit Me N’Cho, par ailleurs expert judiciaire diplomé, près la cour d’appel d’Abidjan. Or, fait-il observer: « Selon l’ordonnance nº2013-481 du 2 juillet 2013, l’Arrêté de concession définitive (ACD) est le seul et unique acte qui confère la pleine propriété sur le domaine foncier urbain ».

 Le site www.homki-immobilier.com, pour sa part, demande à tout souscripteur de ne jamais verser d’acompte pour l’achat d’un terrain ou d’une maison, sans passer par un notaire. Le souscripteur doit absolument éviter également de donner des documents confidentiels comme un bulletin de salaire ou une pièce d’identité au promoteur immobilier, sauf sur la demande d’un professionnel, dans le cadre d’une transaction sécurisée. Des offres sur les réseaux sociaux, par voie téléphonique ou le moyen du porte-à-porte de sociétés immobilières pas connues doivent nous faire redoubler de vigilance. Enfin, il faut toujours lire attentivement les conditions de la transaction, avant toute signature, qui doit se faire devant un notaire. La règle d’or que conseille vivement Mathias Lessiehi, Directeur des opérations chez Abri 2000, une société immobilière exerçant dans le secteur depuis 35 ans, c’est de souscrire, de préférence, chez l’un des  16 acteurs du CAPC. Il s’agit de la Chambre des aménageurs urbains et promoteurs constructeurs de Côte d’Ivoire (CAPC), justifiant d’une grande expérience et d’une solide référence dans le secteur.

Quand la répression s’abat sur les transactions illégales

Dans le cadre de notre enquête, nous avons contacté la Direction de communication du ministère de la Construction en vain, durant un mois et demi. Notre courriel et nos  nombreuses relances  pour savoir ce que les services du ministère de la Construction réservent comme sanctions aux promoteurs immobiliers véreux, sont restées lettres mortes. Selon des informations disponibles sur la page Meta dudit ministère, dans le cadre de la lutte contre les mauvaises pratiques dans le secteur, 120 programmes immobiliers ont été contrôlés en 2023. Par ailleurs, 103 démolitions ont été effectuées la même année. En outre, ce sont plus de 7000 chantiers qui ont été contrôlés à Abidjan et 60 immeubles qui ont été démolis. 18.874 chantiers de construction ont été contrôlés en 2023, contre 14.190 en 2022 et 9.867 en 2021, sur le plan national. 

Comme solution au déficit de logements, le gouvernement a lancé un vaste programme de construction de 25.000 logements en location-vente et en location simple. Ce programme piloté par l’Agence nationale de l’habitat couvre  diverses zones du territoire national: Yopougon Bae, Akoupé-Zeudji, Sicogi Zone Industrielle, Yamoussoukro, San-Pedro, Bouaké et Korhogo.

En dépit de ces belles perspectives, les programmes mis à l’index par le communiqué du ministère, le 10 décembre dernier, ne sont pas fixés sur leur sort. Une locataire du «N’sikan Projet Espoir », à Bingerville, s’étonne que ce communiqué ministériel arrive maintenant, alors qu’elle a acheté son logement et l’habite depuis 2019. Le commercial de l’opération immobilière TP N’sikan Projet Espoir, M. Zou, que nous avons contacté, bat en brèche la rumeur d’une démolition imminente de cette cité ou d’une cession du terrain au profit d’une autre société. C’est une certitude, les habitants de la cité Projet Espoir N’sikan ne dorment plus sur leurs deux oreilles.

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