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dimanche 9 février 2025
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Filière palmier à huile : Les leviers de la transformation

Avec plus de 50 milliards de FCFA de revenus annuels perçus par les planteurs de Côte d’Ivoire et 450 milliards de chiffre d’affaires pour les usiniers, la filière huile de palme offre des perspectives alléchantes aux producteurs ivoiriens. Pour réussir ce défi, il faut jouer sur plusieurs leviers qui vont d’une action forte sur la fiscalité à la protection des forêts.

La filière palmier à huile occupe une place centrale dans l’économie nationale et est en pleine croissance, depuis quelques années. Deuxième pays producteur africain avec 650.000 tonnes de palme brute et premier pays exportateur d’huile de palme brute en Afrique, la Côte d’Ivoire compte bien faire rendre cette filière plus performante et plus compétitive. « La filière palmier à huile représente plus de 4% du PIB de la Côte d’Ivoire », selon le ministre de l’Agriculture et du Développement Rural. Elle pourrait faire mieux si plusieurs leviers étaient actionnés pour exploiter ce potentiel.

Pour l’ONG Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) qui a publié une note sur cette problématique en février 2020, « la filière doit adopter une nouvelle trajectoire de développement et s’inscrire d’une manière plus ancrée dans le cadre du développement durable ». Les clés principales étant, selon les auteurs de l’étude : « l’augmentation de la productivité des petits planteurs », « une contractualisation plus étroite entre ces derniers et les entreprises de transformation » et « un engagement accru de tous les acteurs de la filière dans la certification environnementale, conjuguée à une politique forestière plus efficace ».

Enjeux multiformes

Malgré ses résultats encourageants, la filière ne doit pas dormir sur ses lauriers. Elle doit faire l’effort de travailler – de pair avec les pouvoirs publics et tout autre organisme intéressé – à arrimer la productivité des planteurs villageois à celle des industriels, tout en se fixant des objectifs rigoureux de préservation des forêts. Cela doit se manifester, de l’avis de Maxime Cumunel, Adjoint au Directeur de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM), par « des actions de sensibilisation, de formation et d’appui financier aux producteurs, portées par les industriels comme par les coopératives, avec l’appui d’une interprofession qui doit être renforcée pour mieux relever les défis collectifs posés à la filière ». Une chose est sûre, relever les défis de la durabilité de la filière, dans toutes ses dimensions économique, sociale et environnementale, ne peut relever seulement du secteur privé. L’Etat a un rôle fondamental à jouer, notamment en matière de recherche et de vulgarisation, ainsi que sur le plan fiscal et réglementaire, y compris en matière de politique forestière. Sans oublier l’accompagnement des bailleurs internationaux.

Des leviers à actionner

Pour nombre de responsables de la filière palmier à huile, l’abaissement de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur les huiles alimentaires devrait constituer un grand pas dans le processus de renforcement de la filière. « Toujours au chapitre fiscal, la filière évoque l’intérêt d’une réduction, voire d’une suppression temporaire, des impôts pesant sur les producteurs. Ceux-ci représentent 1,5% de leur chiffre d’affaires et sont prélevés lors de la vente auprès des transformateurs. Etant donnés les efforts réalisés par les producteurs pour modérer la hausse des prix, lors des périodes de «surchauffe», au bénéfice des consommateurs ivoiriens, l’Etat pourrait faire un geste en leur faveur, en suspendant cet impôt jusqu’à la reprise des cours », énonce l’ONG FARM.

Garantir la sécurité sanitaire

Ces acteurs proposent également la mise en œuvre de contrôles sanitaires sur les huiles d’importation. Persuadés de produire une huile de meilleure qualité, ils considèrent qu’une telle mesure permettrait de mieux préserver la santé de la population tout en renforçant la protection de leur marché. Au demeurant, face au maintien et même au développement d’une transformation informelle, l’Etat pourrait engager des mesures sanitaires visant à garantir la qualité des huiles commercialisées dans le pays, y compris en cas de raffinage artisanal, dont l’impact sur la population, bien que non mesuré, peut susciter des inquiétudes.

Renforcer l’interprofession

Pour les opérateurs du secteur, un appui de l’Etat dans la gestion de la filière, notamment s’agissant des mécanismes de fixation des prix et des relations producteurs-coopérative-transformateurs, serait la bienvenue. Certains acteurs soulignent par ailleurs le risque que ferait peser sur les coopératives l’ouverture de l’encadrement des producteurs à d’autres organisations, souhaitée par l’Etat pour gagner en efficacité. L’interprofession appelle ainsi l’Etat à amplifier ses actions pour améliorer l’accès des producteurs aux intrants, à accélérer la mise en place du cadastre et à sécuriser le foncier. « De fait, s’ils ne peuvent faire valoir de titre de propriété ou de droit d’usage, les producteurs ne sont pas incités à investir et ont plus de mal à obtenir un crédit. Il s’agit là cependant d’un point délicat, qui touche au sujet très controversé des droits de propriété », fait noter l’ONG FARM. Elle ajoute que si la filière ne critique pas l’installation récente du conseil hévéa-palmier à huile, elle s’interroge néanmoins sur sa vocation, les modalités de son action et son budget. « Cette structure présente l’avantage de couvrir deux cultures proches sur bien des points (même producteurs, mêmes régions, mêmes problématiques), alors qu’aucune interprofession ni aucune coopérative ne les traite toutes deux simultanément. Néanmoins, la lettre de mission du conseil fait craindre une redondance de ses fonctions avec celles de l’interprofession, et l’envergure de son budget fait dire aux acteurs de l’huile de palme qu’ils feraient un meilleur usage des milliards de FCFA mobilisés dans ce cadre », analyse Maxime Cumunel.

Protéger efficacement les forêts

Pour améliorer la durabilité environnementale de la filière, l’Etat doit à la fois faciliter la mise en œuvre d’une certification ambitieuse et mener une politique forestière efficace. Il lui faut donc préciser les contours exacts de son plan en faveur de la reforestation et ses implications pour la filière palme. En outre, il lui incombe de faire respecter les dispositions réglementaires en vigueur pour la préservation des forêts existantes.

M’Bah Aboubakar

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