Le 7 mars 2025, une rumeur annonçant la mort du chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, a été relayée à partir d’un supposé tweet de la chaîne de télévision française France 24 sur son compte X. Cette information a été très vite démentie par la diffusion d’une image du président de la République rentrant de voyage à Abidjan par la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI). Ce cas, comme bien d’autres, illustre l’ampleur des fake news, mais aussi les menaces qu’ils représentent, dans notre société à l’ère du numérique.
Face à la montée des différentes formes de désinformation du public à travers les réseaux sociaux, le gouvernement ivoirien a amplifié des campagnes de sensibilisation à l’endroit de différentes couches sociales sur le bon usage des médias sociaux.
<< Monsieur tout le monde >>
Abordant la question des sources de fausses informations et trolls, Suy Kahoffi, journaliste et expert en fact checking, a confié que << Monsieur tout le monde » est la principale cause. Aujourd’hui, on voit des personnes qui tentent de s’improviser spécialistes de l’information et de challenger, selon eux, les journalistes ; ce qui est totalement faux. Selon notre interlocuteur, tout le monde partage des fausses informations ou dit du mensonge sur x ou y et contribue dans une certaine mesure à désinformer les masses.
Une autre raison invoquée par le journaliste fact-checker est qu’une image ou une vidéo qui est décontextualisée, appelée deepfake, manipule et influence l’opinion en vue de pouvoir réellement dans une certaine mesure prêcher une vérité alternative qui n’est pas la vérité authentique.
Le cadre juridique de la répression
<< On peut s’exprimer librement, car la démocratie garantit la liberté d’expression, mais cette liberté s’exerce dans le respect des lois en vigueur », observe Beda Guillaume, Directeur du développement de l’audiovisuel et de la presse au ministère de la Communication, également Responsable de la cellule chargée de la mobilisation et des partenariats dans le cadre du projet gouvernemental #Enlignetousresponsable.
La loi, explique Beda Guillaume, n’est pas sévèrement appliquée. Pour le moment, le gouvernement veillent à ce que des campagnes de sensibilisation se multiplient pour faire connaître la législation sur les fake news, la diffamation et autres. Cependant, selon M. Beda : « à un moment, on ne va plus tolérer. »
« Stop au sorcier numérique » : 30 789 personnes sensibilisées
Le programme « stop au sorcier numérique,#Enlignetousresponsable » lancé officiellement juin 2024, a permis de sensibiliser 30 749 personnes dans 24 villes dont le Grand Abidjan, selon le rapport d’activité du programme « Enlignetous responsable ». Objectif du programme : <<responsabiliser chaque utilisateur en ligne» et encourager les citoyens à vérifier les informations, avant de les partager.
« Ce programme #Enlignetousresponsable, est une belle initiative, cependant malgré cet engagement contre la désinformation, il reste encore beaucoup à améliorer »>, souligne Suy Kahofi. L’expert note qu’aujourd’hui, les influenceurs bénéficient d’une plus grande confiance que les journalistes, ce qui représente un risque. Ces influenceurs, parfois sollicités par le gouvernement pour des campagnes de sensibilisation contre les fake news, peuvent aussi être manipulés par des adversaires politiques pour diffuser de fausses informations ou discréditer l’État. Puis, il tranche: «< il faut faire confiance aux professionnels de l’information que sont les journalistes qui sont formés et informés pour lutter contre la désinformation et pouvoir démêler le vrai du faux».
Le contexte électoral, une période propice
Selon l’expert Suy Kahofi, le contexte de la présidentielle d’octobre 2025 a déjà commencé à alimenter toutes les formes de manipulations. Pour lui, le slogan qui circule sur les réseaux sociaux, << tout ce qui est crou sera décrou »>, illustre bien cette réalité où certains individus se mettent au service de chapelles politiques, selon leurs intérêts du moment. Cela conduit à une manipulation croissante de l’opinion publique, à une instrumentalisation des sources et à une prolifération de fake news, alerte-t-il. L’expert en fact-checking, n’a pas manqué de lancer un appel aux journalistes. « Les journalistes doivent redoubler de vigilance et d’efforts pour préserver l’intégrité de leur métier, surtout vérifier rigoureusement l’identité et la fiabilité de ceux qu’ils considèrent comme des sources politiques en cette période électorale où la désinformation risque d’atteindre son paroxysme », conclut-il.