Cancers de la peau, du sein, de l’utérus, des ovaires, et même fibromes ; les produits défrisants capillaires exposent les femmes à de très graves maladies. Malgré les alertes sur la dangerosité de ces produits, les femmes noires aux États-Unis et en Afrique en font massivement usage. Et le marché de ces produits est en hausse en Afrique, en particulier, en Côte d’Ivoire, selon le magazine The Guardian.
De défrisants à maladies
Les produits défrisants capillaires utilisés pour lisser les cheveux crépus ou bouclés étaient censés faire le bonheur des utilisatrices. Mais aujourd’hui, ces défrisants sont sources des maladies au regard de leur composition en produits chimiques puissants tels que : l’hydroxyde de sodium (soude caustique), de guanidine ou de lithium (agents caustiques qui endommagent le cuir chevelu), du formaldéhyde ou des libérateurs de formaldéhyde – agent cancérogène connu et présent dans les lissages brésiliens – et plusieurs autres composants. Ces composants sont: parabènes, phtalates, triclosan, phénol, bisphénol A (BPA), etc.
La situation est d’autant plus préoccupante qu’une étude (RTBF, Rfi- Ipsos mai 2017) révèle que la Cote d’Ivoire semble détenir la palme d’or dans ce domaine. 97% des femmes ivoiriennes utilisent des produits lissants ou défrisants, d’après des recherches. Seules 3% préfèrent la coiffure naturelle, tandis qu’au Kenya ce taux est de 68%.
Interrogé par Le Tamtam Parleur, le cancérologue ivoirien Dr Yapo N’guessan Israel affirme que l’utilisation des produits de défrisage capillaire ou défrisants chimiques suscite des inquiétudes en santé publique, en raison d’un potentiel lien avec certains cancers chez la femme, notamment celle qui en fait un usage fréquent sur le long terme.
Notre spécialiste énumère trois mécanismes à travers lesquels les composants chimiques provoquent les cancers. Il y a les perturbateurs endocriniens ou de nombreux ingrédients des défrisants pouvant irriter ou interférer avec les hormones, œstrogènes et progestérones, favorisant des anomalies dans les tissus sensibles aux hormones. Vient ensuite l’inflammation chronique du cuir chevelu. Celle-ci serait provoquée par les brûlures chimiques ou l’irritation. Puis enfin, l’absorption transdermique. D’après Dr Yapo, le cuir chevelu est une porte d’entrée pour les substances chimiques dans le corps de la femme.
Confirmant ses propos, notre cancérologue cite les résultats de l’étude Sister Study réalisée en 2022 par National Institutes of Health (NIH) sur plus de 33 000 femmes américaines. Cette étude avait montré que l’utilisation fréquente de produits de défrisage plus de quatre fois l’an présentait un risque multiplié par deux de cancer de l’utérus.
Pour le cas des fibromes, une étude datant de 2012, effectuée par Black Women’s Health Study (BWHS) sur 23 000 Afro-américaines observées durant 12 ans conclut que celles usant régulièrement de défrisants chimiques augmentaient le risque de fibromes de 15 à 20%. Le risque était accru s’il y a des brûlures fréquentes du cuir chevelu. (Wise LA et al. American Journal of Epidemiology, 2012).
Dr Diomandé Vadoua, gynécologue, confie à Le Tamtam Parleur, que les fibromes qui restent des tumeurs bénignes pourraient être provoqués par les défrisants contenant certains composants chimiques dont les parabènes.
Les Africaines, grandes consommatrices piégées
L’organisation britannique Level Up, dans une recherche, a interrogé plus de 1000 femmes noires sur leurs expériences avec les produits défrisants au Royaume-Uni. 77% de ces femmes ignorent le risque élevé de cancer en lien avec les défrisants.
Plusieurs poursuites ont été engagées contre les fabricants aux Etats-Unis par des femmes noires pour l’élimination des lisseurs chimiques et les défrisants. Cela n’a pas empêché une embellie du marché de ces produits sur le continent africain, envahi par les marques des entreprises poursuivies aux USA. Elles sont propriétaires des marques les plus populaires en Afrique ayant fait l’objet de procès. C’est le cas de Dark & Lovely, fabriquée par L’Oréal (défrisant le plus vendu au Nigeria) ; de même que Ors Olive Oil, de Namaste Laboratoiries.
Au Kenya, c’est TCB Naturals, produit par Godrej Consumer Products (celui-ci passe pour être le plus grand acteur mondial des soins capillaires des femmes d’ascendance africaine). La plupart de ces marques citées et d’autres, comme Just For Me, Luster’s Pink, ou encore Soft & Beautiful, sont très répandues dans les salons de coiffure africains, notamment en Afrique occidentale, centrale, et australe.
Le marché des défrisants
Le marché des soins capillaires comprenant les produits défrisants devrait atteindre 12,1 millions USD (6.718.080.300 FCFA), en 2025, avec une croissance annuelle d’au moins 8,9% entre 2025 et 2029 pour atteindre 17 millions USD (9.435.497.600 FCFA) en 2029, selon BNP PARIBAS sur son site tradesolutions.bnpparibas.com.
Le marché mondial des défrisants pour cheveux devrait passer de 718 millions de dollars en 2021 à 854 millions de dollars annuellement en 2028 (The Guardian). La Tunisie, le Kenya, et le Cameroun sont classés parmi les pays ayant connu les plus fortes hausses de ventes de défrisants au monde, entre 2017 et 2022, selon Euromonitor, une société d’étude de marchés, qui précise au passage que les ventes ont augmenté de 10% en Tunisie et au Kenya, en cinq années.
Des solutions et alternatives aux défrisants ?
Dr Yapo demande aux femmes de garder la chevelure naturelle, qui fait penser au style « napy » qui prône la coupe masculine des cheveux. A défaut, « qu’elles s’assurent que le produit qu’elles utilisent ne contient pas des perturbateurs endocriniens », conseille-t-il.
La régulation reste aussi une solution. De l’avis d’experts en santé, la majorité des pays africains ont réglementé les cosmétiques en s’alignant sur des normes internationales telles que Codex Alimentariu (normes de l’Union Européenne) ou de la FDA américaine. Cependant, il n’y a pas de réglementation spécifique détaillée pour les défrisants.
En Côte d’Ivoire, la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM) est responsable de la régulation des produits cosmétiques, mais les défrisants chimiques ne sont pas spécifiquement réglementés. La disponibilité de produits de défrisage contenant des substances potentiellement dangereuses demeure toujours un problème.
Selon les experts, les femmes gagneraient à adopter des coiffures sans risques : tresses, tissages, chignons qui préservent du défrisage. L’utilisation de défrisants naturels, à base de plantes, dépourvus d’ingrédients toxiques, pourrait être envisagée, si nécessaire.