Il y a des visages surentraînés et des jeunes qui en font un métier, derrière ces personnes qui restent immobiles pendant des heures dans les artères d’Abidjan. On les appelle les «hommes-statues». Derrière ce que certains auraient tendance à réduire à de simples guignols, se cache un véritable business.
Beugré Tchotche, la trentaine révolue, vit dans la commune de Koumassi depuis quelques années. Loin des rues qu’il occupe régulièrement dans le rôle «d’homme-statue» depuis trois ans, il nous explique qu’il n’a pas attendu d’avoir une formation spécifique pour révéler ses aptitudes d’homme-statue appelé dans leur jargon «bloqueur». Il dit être tombé sous le charme de cette activité. C’est en côtoyant des bloqueurs que le jeune Tchotche apprend les rouages d’un métier où rien n’est gagné d’avance. «Il faut apprendre à faire le vide dans la tête et surtout travailler sur son endurance. Cela passe par d’intenses activités sportives», fait-il savoir, avant d’ajouter que l’équilibre doit être la grande force du ‘’bloqueur’’. Cette équilibre, même quand il l’a, l’homme-statue a besoin d’une sérénité à toute épreuve.
La sérénité, un atout fondamental qui paye !
Rester sans bouger dans les rues ou dans une cérémonie attire forcément des regards. Et selon Beugré, certains indiscrets n’hésitent pas à s’approcher pour être sûr qu’aucun de vos membres ne bouge. «Les enfants, quant à eux, vous regardent dans les yeux et vous touchent pour être sûrs que vous êtes un homme vrai». Ce sont de telles réalités du métier qui, selon ce jeune homme, nécessitent une grande sérénité. Au-delà de ces réalités, le métier d’homme-statue semble rentable puisqu’il faut débourser 300.000 à 500.000 francs CFA pour une séance d’au moins quatre heures, selon notre interlocuteur. ll révèle que derrière ces hommes-statues, il existe une organisation bien ficelée. C’est pour cela que certaines structures peuvent prendre jusqu’à un million de francs en fonction du temps de prestation sollicité par le client. Si Beugré Tchotche apporte du professionnalisme dans son métier, en travaillant en équipe, d’autres hommes-statues ont décidé de forcer la main aux passants, en s’invitant dans les rues avec un récipient.
Des hommes-statues «mendiants»?
Ils se comportent comme des mendiants. C’est ainsi que certains professionnels du milieu les qualifient. Mais pour Inza D, 38 ans, père de deux enfants, homme-statue connu pour ses apparitions à Adjamé-Liberté, ces accusations sont gratuites. «Je pratique les arts de rue qui sont mondialement reconnus. Allez dans les plus grandes capitales au monde, vous verrez des hommes dans les rues en train d’exprimer leur talent artistique. Je ne force personne à me donner de l’argent. J’aime cet art et je le vis», martèle notre interlocuteur qui, à la fin de la journée peut empocher entre 6000 et 8.000 francs CFA. « C’est avec cet argent que j’aide ma petite famille», confie-t-il.