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mardi 8 octobre 2024
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Résidences meublées: Toutes exercent dans l’illégalité

Si les résidences meublées se sont multipliées, elles n’évoluent pas encore dans les normes sanitaires, sécuritaires et fiscales. Selon le Collectif des Associations de Propriétaires de Résidences Meublées de Côte d’Ivoire (CAPREM-CI), l’organisation a dénombré 8700 résidences en 2022 sur tout le territoire national. 

Cahié Kunta, président du CAPREM-CI, qui a accordé un entretien à Le Tamtam Parleur fait remarquer que toutes ces résidences sont dans l’illégalité. Les très rares résidences (1%) qui ont une existence formelle sont plutôt des hôtels qui se sont mués en résidences pour offrir des services de séjours temporaires.  

La sécurité des résidences, une question cruciale 

 « Aujourd’hui avec la lourdeur de la procédure de demande d’agrément auprès du ministre du tourisme et des loisirs, nous sommes contraints à rester dans l’informel », explique M. Cahié Kunta. Avant d’ajouter « En tant que propriétaires, nous opérons sans permis adéquat, échappant ainsi à toute forme de contrôle ». 

Cette absence de réglementation laisse la porte ouverte à un désordre dans le secteur, des abus tant des propriétaires que des clients. Si certaines résidences meublées  offrent un confort appréciable et un minimum de services de qualité, d’autres sont loin de répondre aux normes minimales. Eugénie Bah, une habituée des résidences : « j’ai été une fois à une résidence à Yopougon-complexe, où y’avait plein de cafards dans la cuisine, (…) c’était tellement répugnant. » 

Au plan de la nuisance sonore, selon A.S, propriétaire de résidences meublées : « il arrive que des riverains se plaignent des bruits de nos clients, lorsque c’est un anniversaire -party par exemple. Le souci est que le client ne donne pas ce détail à la réservation. ». De fait, la non-règlementation entraine aussi la transformation de ces résidences en des refuges de délinquants et autres criminels. Cette situation rend ces espaces vulnérables.

Les conditions de sécurité représentent une préoccupation majeure. Dans certaines résidences, le manque de mesures de sécurité adéquates expose les riverains à des cas de décès, tel a été le cas de la plus récente tragédie de Yohou Yah Emmanuella, une jeune fille de 19 ans, dont le corps a été découvert le mercredi 11 septembre 2024, dans une résidence meublée située à Cocody. Les gérants de résidences meublées signalent des cas de vols d’objets dans les logements, par des clients de passage. Pour pallier ce problème de sécurité, les propriétaires ont instauré quelques mesures. « On prend la copie ou la pièce d’identité à titre de dissuasion. Mais en réalité, du point de vue sécuritaire, le risque reste grand », avoue A.N propriétaire de résidence meublée à Cocody-Angré. « Nous disposons aussi de caméras à l’entrée et à la sortie des résidences, de sorte à contrôler les sorties et les entrées, tout en respectant l’intimité des clients », mentionne notre interlocuteur. 

En revanche, les résidences meublées situées dans les villes de l’intérieur ne rencontrent actuellement pas de problèmes de sécurité. « Contrairement à Abidjan, à Daloa c’est paisible, nous n’avons pas encore été confrontés à des problèmes d’insécurité. Franchement, nos résidences ne sont pas équipées de caméra, le propriétaire y songe », nous confie F.K, gérant de résidences meublées dans la ville de Daloa.

Liste exhaustive de documents pour la demande d’agrément

La demande d’agrément pour les établissements d’hébergement, pour les résidences meublées, est un processus complexe, a fait savoir R.K, propriétaire de résidences meublées à Yopougon-Maroc. « Les frais liés à la préparation des documents et aux inspections sont excessifs pour des débutants en entrepreneuriat comme nous. », estime-t-il. 

En consultant le site servicepublicgouv.ci, nous avons retrouvé la liste des documents à fournir pour la demande d’agrément de licence d’exploitation d’un établissement d’hébergement touristique. Outre un formulaire de demande d’Agrément à retirer à la Direction du Guichet Unique ou dans les Directions Régionales et Départementales du Ministère en charge du Tourisme, la demande doit également contenir divers autres documents: une  photocopie de l’agrément technique et professionnel délivré par le Ministère en charge du Tourisme à l’intérieur ; un  casier Judiciaire et un certificat de résidence du demandeur ;une liste du personnel de l’établissement et un plan de localisation; une attestation d’inscription au registre du commerce et de crédit mobilier; un certificat de sécurité incendie délivré par l’Office Nationale de la Protection Civile (ONPC) ; un certificat de salubrité délivré par l’INFP ; une  copie du diplôme en hôtellerie du directeur ou du gérant; un  CV avec un certificat de travail justifiant l’expérience professionnelle du directeur ou du gérant ;  et une copie du reçu de paiement des frais de dossier à la régie en charge du Tourisme.

Quelques pistes de solutions 

Les propriétaires suggèrent que pour résoudre les problèmes d’insécurité, il faudrait respecter la procédure d’enregistrement des clients et informer la police en déposant ces fiches au commissariat chaque semaine. Cela permettrait à la brigade des mœurs de contrôler les clients, évitant ainsi l’accueil de mineurs en exigeant une pièce d’identité officielle lors de l’enregistrement. Tous nos interlocuteurs sont d’avis que quatre résidences sur cinq ne procèdent pas à l’identification des clients, une mesure pourtant de nature à dissuader et éviter que les résidences meublées servent de lieux où sont commis des actes criminels. Selon le président du CAPREM-CI, les autorités devraient simplifier la procédure de demande pour acquérir un agrément.

Les   Ivoiriens ne sont pas indifférents à la question des résidences meublées sur les réseaux sociaux où elle suscite d’intenses débats, notamment depuis que plusieurs affaires de criminalité ont fait la Une des médias: l’enlèvement et la séquestration, dans une résidence meublée à Angré Chateau du célèbre avocat de l’Etat ivoirien -Me Abdoulaye Ben MEITÉ- et l’assassinat, le 7 septembre 2024, dans une autre résidence meublée à Cocody II-Plateaux Vallon, d’une jeune fille de 19 ans. Sur sa page Facebook, Ouattara Lancinan suggérait le 26 septembre 2024 : « Toutes les résidences meublées doivent être répertoriées et les réservations doivent se faire uniquement par paiement mobile money, (…) chaque client devra disposer d’un compte avec des informations comme son nom, prénom, âge, sexe, adresse, téléphone, numéro CNI, ou passeport, profession et des documents administratifs. »

Le gouvernement ne semble pas être  en marge à la problématique de l’insécurité que représentent ces résidences. « Nous sommes en train de recenser tous les établissements hôteliers qui accueillent des clients. Cela nous permettra de connaître les mouvements des personnes et leurs activités. Nous finaliserons bientôt ces enregistrements, ce qui nous donnera une meilleure visibilité sur ce qui se passe dans ces lieux. En répertoriant tous ces endroits, la question de la sécurité dans les résidences meublées sera ainsi résolue » a déclaré le ministre l’Intérieur et de la Sécurité, Vagondo Diomandé, en marge de la cérémonie de lancement officiel du Plan Alerte Enlèvement à son cabinet.

La loi N° 2014-139 du 24 mars 2014 relative au Code du Tourisme définit la résidence meublée comme « une chambre, un appartement, une villa ou un studio de tourisme meublé, classé et équipé d’installations domestiques, proposé à la location pour une clientèle de passage effectuant un séjour ».

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