Les derniers chiffres publiés par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) révèlent l’ampleur du phénomène des grossesses en milieu scolaire. Malgré les efforts du gouvernement et des Organisations Non Gouvernementales (ONG), le fléau gagne du terrain. Dans son rapport en date du 31 mai 2022, le CNDH pointe 3409 cas de grossesses scolaires, de septembre 2021 à mai 2022, soit environ 400 grossesses par mois. « Ce phénomène est beaucoup plus observé dans les régions de la Nawa avec 374 cas, du Haut-Sassandra avec 296 cas, du Guémon avec 220 cas, de l’Agneby-Tiassa avec 200 cas et 166 cas dans la région du Sud Comoé », détaille le rapport. Une situation qui compromet gravement le cursus de la jeune fille.
Conséquences sur la scolarité
Guei Edith Armelle, en classe de Terminale, au Lycée Blon Blaise de Man, est presque au terme de sa grossesse. Entre difficultés et railleries de ses camarades de classe, la jeune femme âgée de 22 ans a décidé de continuer les cours, en période de gestation. Quand elle a parlé de son état à ses parents, ils l’ont juste encouragée à continuer les cours, lui faisant bien comprendre que cette situation allait avoir une incidence sur son parcours scolaire. L’élève dont le compagnon « est un maçon, dans une autre ville, non loin de Man », est en colocation avec une camarade, dans une chambre de taille réduite. Elle a énuméré les difficultés qu’elle éprouve à s’offrir la pitance quotidienne et à suivre convenablement la grossesse. Comme elle, de nombreuses jeunes élèves sont confrontées à ce genre de situation, lorsqu’elles tombent enceintes.
Qui sont les auteurs des grossesses ?
Selon les rapports des directions régionales de l’Education nationale et de l’Alphabétisation du Tonkpi (Ouest ivoirien) et de la Bagoué (Nord de la Côte d’Ivoire), sur les cas de grossesse traités par le CNDH – de septembre 2021 à mars 2022 – la plupart des élèves habitent soit chez des tuteurs, ou louent des maisons. Les rapports révèlent également qu’aucune disposition n’est mise en place pour permettre à ces filles d’avoir une éducation sexuelle normale. Par ailleurs, les documents indiquent que les auteurs des grossesses sont la plupart du temps des personnes exerçant des petits métiers. Ce sont entre autres des maçons, des plombiers, des cultivateurs, des conducteurs de motos-taxis… Parfois des enseignants sont responsables des grossesses de ces jeunes élèves dont l’âge varie entre 12 et 25 ans.
Mettre l’accent sur la sexualité responsable
Pour réduire le taux de grossesses en milieu scolaire, Dr Yao Albert Kouakou, socio-anthropologue à l’Université Lorougnon Guédé de Daloa propose une solution : celle d’instaurer une sexualité responsable. Il a planché sur le sujet, dans sa thèse intitulée : La problématique du phénomène de la grossesse chez les adolescentes en milieu scolaire ivoirien. « Je parle d’instaurer l’éducation à la sexualité, dans les modules de formation, de sorte à donner aux adolescents d’aujourd’hui, qui seront parents demain, les moyens, les connaissances nécessaires qu’ils pourront transmettre à leur tour. », a-t-il avancé. Selon l’enseignant, cela évitera aux parents de se cacher derrière l’argument que la sexualité soit un sujet tabou, pour ne pas en parler avec leurs enfants. Pour l’universitaire, le manque d’éducation à la sexualité est l’unique cause des grossesses en milieu scolaire. Il pense que les acteurs du monde éducatif doivent s’attaquer à cette cause, avec l’appui des parents. « Nous devons prendre l’exemple sur cette leçon d’éducation routière : nous enseignons à nos enfants à regarder à gauche et à droite, avant de traverser la route. Lorsque nous grandissons, nous avons ce réflexe et pensons qu’il est inné. Nous devons, de même, éduquer nos enfants à la sexualité pour qu’ils soient mieux outillés pour éviter les situations difficiles occasionnées par les grossesses en milieu scolaire », a-t-il conclu.
Sandra KOHET
