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lundi 16 septembre 2024
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Victor Dagaud, promoteur de la 1re école de surdoués: «Beaucoup de surdoués se retrouvent à la rue…»

Dagaud Victor  est directeur de la recherche scientifique et pédagogique à l’Institut géniocratique Norton Lewis. Depuis plus d’une décennie, il s’investit dans la détection et l’encadrement des enfants surdoués. Dans cet entretien, il plaide leur cause. 

Le TamTam Parleur: Qui appelle-t-on surdoué ?

Dagaud Victor : Le surdoué, c’est celui qui a un quotient intellectuel avec des capacités au-dessus des enfants de son âge. Le surdoué a un quotient intellectuel (Q.I) qui est supérieur ou égal à 150. Les surdoués constituent 0,5 % d’une population donnée. Sur une population de 20 millions d’habitants, on a 100.000 surdoués. Malheureusement, ils vivent à travers le pays sans pouvoir exprimer leur code génétique. Les parents ne sachant pas comment s’y prendre.

Comment un parent peut-il savoir que son enfant est surdoué?

Quand votre enfant qui a huit ans réagit comme s’il avait quinze ans, il est décrit comme un enfant à haut potentiel. Les tests montreront par la suite que cet enfant est surdoué. Ce que vous devez savoir, c’est qu’il y a sept catégories d’individus dans la société. Nous avons les arriérés, les attardés, les sous-moyens les moyens, les sur-moyens, les doués et les surdoués. La Côte d’Ivoire a un système éducatif qui est basé sur la catégorie « des moyens » qui représentent 45 % de la population. Le revers de ce système éducatif, c’est qu’il met dans le même moule toutes les autres catégories d’individus. Dans ces conditions, le surdoué s’ennuie et peut ne pas être intéressé par ce qu’on lui propose à l’école comme formation. Beaucoup de surdoués se retrouvent à la rue parce qu’ils sont incompris.    

Qu’est-ce qui caractérise le surdoué, au-delà de son haut potentiel? 

Il faut savoir qu’on naît surdoué, on ne le devient pas. Le surdoué ne fournit pas d’effort à l’école. Il ne supporte pas les injures pendant sa formation. Et s’il n’est pas compris, il peut s’ennuyer en classe tant qu’on ne lui explique pas l’utilité de ce qu’on veut lui apprendre. C’est pour cela qu’il doit être traité et suivi avec respect dû à son âge mental avancé. C’est pour cela que je dis qu’il faut mettre un enfant à l’école en fonction de son âge mental et non en fonction de son âge biologique. Autant un enfant peut avoir deux ans avec un âge mental détecté à quatre ans, autant vous pouvez avoir un enfant qui, biologiquement, a six ans avec un âge mental de deux ans.

Pédagogiquement, comment suivez-vous les surdoués que vous encadrez ? 

Selon notre encadrement, un surdoué a un cursus de cinq années, du CP1 à la terminale. Notre encadrement est basé sur trois fondamentaux sans lesquels vous ne pouvez pas encadrer un surdoué : l’enrichissement avec un programme enrichi, l’approfondissement de la formation et l’accélération des cours.

Que pensez-vous des parents qui font sauter des classes à leurs enfants ? 

Je ne suis pas pour qu’on fasse sauter une classe à un enfant. Je suis plutôt pour l’accélération des cours quand l’enfant est un surdoué.

Pourquoi avez-vous décidé de mettre sur pied une école de surdoués ? 

J’ai eu un enfant surdoué qui a été reçu au BEPC à neuf ans puis au Bac à 12 ans. Cette performance de mon fils Norton Lewis avait cristallisé toutes les attentions en son temps. Cela m’a fait réfléchir. Pour moi, si mon fils est surdoué, il doit forcément en avoir d’autres dans le pays. Mon raisonnement s’est avéré pertinent puisque d’autres surdoués ont été détectés plus tard en Côte d’Ivoire. Il fallait donc créer un cadre formel d’encadrement et de suivi. D’où la mise en place de cette école qui est aujourd’hui en train d’être rebâtie dans la ville de Lakota.

Il semble que vous éprouvez aussi des difficultés à présenter vos élèves surdoués aux examens ! Vous le confirmez ? 

Effectivement, la difficulté est réelle. J’ai présenté, il y a quelque temps, une fillette de 6 ans au BEPC et un enfant de 11 ans au Bac. Ça n’a pas toujours été facile, même si, à la fin, ces enfants réussissent brillamment à ces examens scolaires. Vous savez que la Côte d’Ivoire est soumise aux exigences de l’Unesco, en termes de système éducatif. Je profite de vos colonnes pour encourager l’État de Côte d’Ivoire à mettre en place une vraie politique de suivi et d’encadrement des surdoués. Ailleurs, la vraie matière première de certains pays développés, ce sont les surdoués. Mais ils ne le diront jamais. Je peux vous l’assurer, aider un surdoué, c’est aider son pays.

Que devient votre fils Norton qui avait eu le Bac à 12 ans?

Après son Bac D, il a été orienté en biologie, alors qu’il voulait faire les maths-physiques. On lui a dit qu’il lui fallait un Bac C. Contrairement à ce que la rumeur a raconté en son temps, le Président de la République d’alors n’a pas emmené Norton aux États-Unis. Nous avons financé ses études. Après quoi, il est revenu à Abidjan. Il partage aujourd’hui la même passion que moi, qui est d’encadrer les surdoués.

Savez-vous où sont aujourd’hui tous ces surdoués que vous avez encadrés ? 

Certains surdoués que nous avons encadrés sont en ce moment en Europe pour continuer leurs études. C’est le cas de ce jeune homme que son père avait voulu ramener au campement pour qu’il aide dans les travaux champêtres, alors qu’il était surdoué. Ce jeune, en 2020, a été le meilleur élève sur le plan national, au BEPC. Aujourd’hui, il continue ses études en économie en France. Malheureusement, le manque de politique de suivi et d’encadrement des surdoués en Côte d’Ivoire les oblige à se contenter des petits boulots pour espérer gagner leur vie.

Interview réalisée par Olivier VALÈRE 

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