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mercredi 23 octobre 2024
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Transactions commerciales : Quand la petite monnaie vaut de l’or

Les problèmes de (petite) monnaie sont très souvent au centre de disputes entre commerçants et clients.

C’est un problème de monnaie qui crée la dispute entre ce jeune homme qui a à peine 15 ans et le taximan ce jeudi 11 août 2022, sur l’axe Angré-Rivera, dans la commune de Cocody. Ils sont même prêts à en découdre. « Comme tu es encore très jeune, je préfère te donner un conseil : évite de mentir. Je te laisse partir, mais évite cela les prochaines fois. J’ai invité tout le monde à monter avec la monnaie, tu as très bien entendu et tu me tends un billet de 500 FCFA pour 200 FCFA. Comment veux-tu que je te fasse la monnaie ? », interroge le chauffeur du taxi en commun, visiblement énervé. Refusant de passer pour un menteur, le jeune homme rétorque, « je préfère moi te laisser les 500 FCFA, sans rien réclamer. Puisque tu fis semblant de n’avoir pas entendu que je n’avais pas la monnaie avant d’emprunter ton véhicule ». Les minutes d’après, le premier passager, la quarantaine révolue, calme les ardeurs des protagonistes et demande au jeune homme de poursuivre son chemin.
Si le taximan préfère laisser son dû au jeune homme, ce n’est qu’à titre exceptionnel. Dans la plupart des cas, ce sont les clients qui laissent leur monnaie pour éviter de faire monter les tensions.
Où sont donc les pièces de monnaie? La question mérite d’être posée car, outre le secteur du transport plusieurs autres secteurs sont touchés par cette rareté des pièces de monnaie. Des supermarchés aux étals de marchés en passant par les pharmacies, le problème se pose avec acuité. « A maintes reprises les apprentis chauffeurs ont emporté ma monnaie. A la boulangerie c’est grave. Dans les supermarchés et les pharmacies, ils nous font acheter des bonbons sans notre consentement. Nous n’avons pas le choix, mais ce n’est pas normal », se plaint Florence K, une jeune consommatrice qui réside à Abidjan, précisément dans la commune de Yopougon.

Où sont passées les pièces ?
La rareté de la petite monnaie, un problème qui perdure depuis des lustres en Côte d’Ivoire, surtout à Abidjan, est selon plusieurs experts due à une rétention et un trafic organisés par les commerçants. « Ils nous obligent pratiquement à acheter des choses dont on n’a pas besoin pour avoir la monnaie. Des sachets d’eau, des mouchoirs, du chewing-gum…juste pour nous faire dépenser car lorsqu’ils ont la monnaie, ils ne nous en donnent pas », explique la consommatrice.
Interrogé sur la question, Ousmane S, apprentis Chauffeur sur l’axe Abobo-Adjamé répond : « ce n’est pas de notre faute. Nous sommes aussi confrontés à ce souci. C’est pourquoi nous demandons aux clients de monter avec la monnaie pour éviter les histoires. Quand nous avons la monnaie et que le client a prévenu qu’il n’en avait pas avant de monter dans le véhicule, nous faisons la monnaie comme il se doit », se défend-t-il.
Parmi les commerçants, il y a tous ceux dont l’activité permet de récolter de la petite monnaie: vendeurs de rue, apprentis chauffeurs et même…les mendiants qui à la fin de la journée échangent leurs calebasses pleines de pièces contre des billets, moyennant la commission de 10%, à en croire un commerçant rencontré au marché d’Adjamé.
« La petite monnaie ne circule pas comme elle devrait. Alors il y a un marché parallèle », explique un cadre dans une banque privée. Selon un cadre de la BCEAO, qui a requis l’anonymat, la réponse à la rareté des pièces de monnaie est simple. « Les pièces et les petits billets coûtent cher à produire pour les deux banques centrales qui gèrent la monnaie dans les deux zones franc (BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest, BEAC pour l’Afrique centrale) », explique-t-il. « Les petites coupures tournent beaucoup, donc elles s’usent vite et il faut les remplacer souvent. On n’en produit pas assez. Les pièces quant à elles durent beaucoup plus longtemps, mais elles coûtent cher à produire. En raison des métaux qui les composent, elles coûtent même plus cher que leur valeur faciale. Donc les banques centrales perdent de l’argent sur les pièces. Voilà pourquoi il n’y en a pas non plus assez », ajoute-t-il. Avant de donner cette autre explication complémentaire : « il est difficile pour les deux banques centrales de répartir avec justesse pièces et billets à travers tous les pays qu’elles gèrent, en tenant compte de tous les facteurs économiques et financiers ».
Herman Yohou, économiste propose plutôt de tabler sur l’utilisation de l’argent virtuel pour régler ce problème qui perdure. « Plutôt que de fabriquer plus de monnaie, il faudrait encourager l’utilisation d’argent virtuel pour les paiements, surtout les applications par téléphone mobile, les populations africaines étant peu bancarisées mais très bien équipées en mobiles », indique-t-il.

Marina KOUAKOU

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