Dans l’imaginaire collectif africain, une femme célibataire, après un certain âge, attire la honte et le déshonneur sur sa famille. Le célibat féminin fait perdre le statut social à la jeune dame célibataire qui subit l’intolérance, la censure sociale et divers problèmes émotionnels.
Une étude menée en 2014 par deux universitaires nigérians -Lorretta Ntoimo (université fédérale, Oye-Ekiti) et Uche Abanihe (université d’Ibadan) conclut que les femmes célibataires d’un certain âge sont victimes de stigmatisation, en raison de leur statut. L’étude, qui s’appuie sur 25 entretiens approfondis, 4 histoires de vie et 7 focus des discussions de groupe avec des femmes célibataires âgées de 30 ans et plus à Lagos, a révélé que les femmes non mariées sont victimes de diverses formes de pressions et de nombreuses stigmatisations, notamment des injures, de la suspicion de mauvaises mœurs, l’irrespect, etc. Les difficultés vont jusqu’au refus de louer un appartement à ces femmes, d’après cette recherche.
Selon Marie-Carmela Koffi, chargée de communication à l’ONG Opinion Éclairée, active dans la défense des droits féminins en Côte d’Ivoire, les filles non mariées subissent une forte pression sociale, fondée sur des normes traditionnelles qui valorisent le mariage comme accomplissement principal de la femme. Elles sont souvent stigmatisées, perçues comme incomplètes ou suspectées d’avoir des défauts de caractère ou encore d’être infertiles, explique-t-elle.
Des témoignages sur le célibat féminin
Cette situation de pression sociale est diversement vécue par les filles célibataires. Koura Sidibé, cadre en communication, a confié à Le Tamtam Parleur, qu’elle vit dans le stress et la pression. « A mon niveau, il y a une grosse pression ; je suis le sujet de prière de ma mère actuellement. J’ai la trentaine et j’ai hâte de me marier pour faire mes enfants. Étant musulmane, il est important de faire les enfants dans le mariage et c’est mon plus gros stress. Je suis très ouverte à la proposition de 2e , 3e ou même de 4e femme ; ça n’a jamais été un frein pour moi. Je suis pratiquement la seule célibataire parmi mes sœurs », avoue-t-elle.
« Le mariage n’est aucunement une priorité pour moi », affirme, au contraire, Kethoura Mbaye, cadre commerciale, qui semble plutôt résiliente face aux pressions de la société. Pour elle, de nos jours, être stable financièrement est mieux qu’être en couple. Kethoura se réfugie, ce faisant, dans la spiritualité. « Ma foi m’emmène à croire qu’Allah est maître du temps et des circonstances. Quand il va définir la date et l’heure, les choses se mettront en place sans pression », assure-t-elle. Notre cadre commerciale avoue qu’elle ne se sent pas concernée par la pression sociale. « Quand on me demande, tu te maries quand, j’éclate de rire », ironise-t-elle.
Selon un pasteur évangéliste, des séances d’échange sont organisées à l’église, baptisées ‘’les relations d’aide’’ avec des fidèles célibataires. L’homme de Dieu observe qu’en dépit des prières et autres enseignements sur le mariage, certaines fidèles continuent d’en faire une obsession et y voient une échappatoire à la pression sociale et surtout familiale. « L’une des fidèles m’a confié que sa beauté lui avait causé plus de mal que de bien. Elle a indiqué que lorsqu’elle avait 25 ans, les hommes lui couraient après. Mais quand elle voulait une relation sérieuse qui aboutirait au mariage, les prétendants disparaissaient ». Même avec ses 35 ans et sa nouvelle vie en Christ depuis deux ans, ses parents continuent de la harceler, a poursuivi le pasteur.
Problèmes émotionnels et dérives comportementales
Selon toujours Carmela Koffi, les pressions sociales peuvent entraîner certains comportements chez les filles célibataires, tels que le fait de s’engager dans des mariages précipités ou non désirés ; d’entretenir des relations non équilibrées ou toxiques, par peur de rester célibataire. Elles peuvent aussi manifester des troubles comme la dépression, l’isolement, une faible estime de soi, la dépendance affective ou matérielle, etc.
Dame Koffi précise aussi que ces situations ne sont pas sans impacts négatifs sur l’évolution sociale, professionnelle et la vie au quotidien de ces jeunes dames non mariées. En effet, tous ces phénomènes peuvent freiner les ambitions professionnelles (elles auront une tendance à la priorisation du mariage sur la carrière) ; créer un stress constant nuisible à la santé mentale ; affecter la liberté de choix et d’expression ; détériorer les relations familiales ou sociales, etc.
Des solutions envisagées
La chargée de communication de l’Ong Opinion éclairée propose comme solution aux pressions sociales subies par les filles célibataires le renforcement de l’estime de soi par l’éducation et l’autonomisation ; la création de réseaux de soutien et/ou de mentorat entre femmes ; la sensibilisation communautaire pour briser les stéréotypes liés au mariage ainsi que l’accès à des espaces sûrs pour dialoguer et partager leurs expériences.
Au niveau de l’église, en plus des relations d’aide et des prières, notre pasteur fait savoir qu’ils puisent dans les ressources spirituelles pour accompagner ces femmes émotionnellement éprouvées, dont l’âge varie entre 30 et 45 ans.