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jeudi 19 septembre 2024
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Police municipale : Y a-t-il abus ?

Les témoignages sur des excès allégués d’agents des polices municipales sont légion, à Abidjan. Dans les rues ou sur les axes routiers, ces agents municipaux sont régulièrement aux prises avec les usagers qui leurs reprochent d’outrepasser leurs droits. K.I., automobiliste, raconte son altercation avec des policiers municipaux, à Koumassi. « J’étais de passage, dans la commune, et je suis descendu du voiture pour une course urgente de quelques minutes. A mon retour, je constate que des agents de la police municipale ont placé un sabot sur une roue de mon véhicule », raconte-t-il. Les agents de la mairie qu’il interpelle lui rétorquent qu’il est interdit de garer en ce lieu. « Quand ils savent que c’est interdit de stationner dans un endroit, ils vous regardent sans rien dire. Et dès que vous vous éloignez, ils viennent mettre un sabot ou encore remorquer votre voiture, alors que leur rôle est d’abord de vous dire qu’il est interdit de stationner là », ajoute K.I. Pour lui, il s’agit clairement d’un « abus ». Ces propos sont confirmés par Koffi Anatole qui assure que « c’est bien dommage de se faire verbaliser, alors qu’on ignore qu’on a commis une infraction ». Ces différents témoignages – et ils sont nombreux – posent avec acuité la question de la compétence de la Police municipale, d’une part dans ses rapports avec les populations et d’autres part avec la Police nationale.

Que dit exactement la loi ?

C’est en 2015 que le décret n°2015-101 du 18 février 2015 portant organisation de la Police municipale a été pris. Ce texte, qui balise l’action des agents de Police municipale, indique qu’ils sont placés sous l’autorité du maire et chargés de « réguler la circulation à l’intérieur du périmètre communal », de « veiller à la fluidité du trafic routier ». Ils participent également à la police de proximité, notamment en assurant la surveillance du domaine public communal, des sorties d’écoles, des marchés et autres lieux publics. Les policiers municipaux assurent aussi, selon le décret en question, l’exécution des arrêtés et règlements de Police municipale, en matière d’environnement, d’hygiène, de salubrité et de santé publique. Toujours selon le décret, « ils contribuent à la sensibilisation, à l’information et au renseignement de la population ». De plus, ces agents « peuvent participer, sur décision du maire, à la sécurisation des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, se déroulant sur le territoire de la commune ». En outre, ils « sont chargés de constater les contraventions aux arrêtés et règlements de police administrative ».

Police municipale comme Police nationale

Interrogé, le commandant Soumahoro Memon Edmond, vice-président chargé la Conférence des directeurs et commandants de Côte d’Ivoire au sein du Syndicat national de la Police municipale, donne son point de vue sur ces supposés abus. « Aujourd’hui, la Police municipale a le droit de prendre les pièces d’un véhicule, si le véhicule est en infraction. Nos missions viennent des arrêtés signés par le maire », indique cet officier en fonction à Koumassi. « Concernant le cas spécifique de Koumassi, nous avons un arrêté qui est signé déjà par rapport à cet espace et qui indique qu’aucun véhicule ne doit y stationner. Donc, si la Police municipale prend les pièces d’un véhicule stationné à cet endroit, elle est dans son droit », ajoute-t-il. Avant de pointer du doigt l’irresponsabilité des automobilistes qui ignorent les panneaux de circulation et se plaignent, quand ils sont en infraction. « Lorsqu’un automobiliste vient stationner où il y a un panneau d’interdiction, nos agents lui disent calmement qu’il n’a pas le droit de le faire. Mais si on trouve que le véhicule est déjà stationné et que le chauffeur n’est pas à bord, quand il arrive, nous lui disons qu’il est en infraction et lui faisons une contravention », explique le commandant de Police.

Notre interlocuteur fait observer que les allégations d’abus dont est accusée la Police municipale, dans son ensemble, est à mettre sur le compte de l’ignorance des populations. « Nous avons à peu près les mêmes fonctions que la Police nationale. Mais où il y a le changement, c’est qu’ils exercent leurs fonctions au-delà de la commune, c’est-à-dire sur tout le territoire national, alors que les agents de Police municipale sont cantonnés à leurs communes. », détaille-t-il. « Les gens ne savent pas que la Police municipale peut utiliser des sabots pour immobiliser des véhicules. Ils ne savent pas non plus que la Police municipale peut saisir des pièces d’un véhicule. Les gens ne savent que les éléments de la Police municipale peuvent arrêter un voleur, … », énumère l’officier.

Des sanctions en cas d’abus

Si le décret n°2015-101 du 18 février 2015 portant organisation de la Police municipale délimite les compétences et le champs d’action de la Police municipale, il indique également les sanctions qui peuvent frapper un policier municipal coupable de faute professionnelle ou d’usage excessif de son droit. Les agents de la Police municipale s’associent à l’action de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale, dans le cadre du maintien du bon ordre, au niveau de la commune. Aller au-delà de ces tâches s’assimile à de l’abus sur la population. Selon l’article 18 du décret précité, plusieurs sanctions disciplinaires sont applicables aux agents de Police municipale. Ce sont, entre autres, l’avertissement écrit, la mise à pied temporaire sans salaire d’une durée d’un à trois jours, la mise à pied temporaire sans salaire d’une durée de quatre à huit jours, la suspension de solde d’une durée maximum d’un mois et la radiation. « Pour une première erreur, on adresse d’abord une demande d’explication à l’intéressé. Pour une deuxième, on le met face à l’Administration. C’est aux patrons de prendre une sanction. Quand ça dépasse leur compétence, on le conduit devant le Conseil municipal », explique Soumahoro Memon Edmond, soulignant qu’il y a plusieurs éléments qui ont reçu des sanctions. De son côté, il invite vivement les acteurs de sa corporation  à privilégier la pédagogie, en sensibilisant la population.  « C’est eux qui doivent renseigner la population. Ce qui veut dire qu’ils n’ont pas le droit de faire peur à la population. Ils doivent faire de telle sorte que tout le monde puisse compter sur eux », rassure-t-il.

Sandra KOHET

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